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Du 27 janvier au 7 février 2015
St-AgapitSt-Agapit 1920
Retardataires non admis
Idée et mise en scène : Olivier Normand
Avec Olivier Normand, Ariane Voineau, Mélanie Therrien et Claudiane Ruelland

J’ai trouvé une vieille photo de toi il y a maintenant deux ans. Je l’ai trouvée quand tu mourrais. La dernière fois que je t’ai vue, tu ne ressemblais déjà plus à rien. Un petit corps crispé avec des mains cireuses. Et un trou en plein milieu, un trou qui cherche son air.

Sur la photo, tu souris, tu dois avoir 20 ou 22 ans. Tu es avec une de tes amies. Elle est sûrement décédée aujourd’hui.

Tout est déjà fini. Tout a filé. Tout va tellement rapidement. Même moi, je suis déjà plus vieux que toi sur la photo.

J’ai une amie qui écrit des poèmes comme des oiseaux qui planent. Tout est simple. Simple et facile et magnifique. Moi, je ne trouve pas les mots. Je ne trouve pas le temps.

Je rêve souvent que les caribous descendent du Nord et qu’ils envahissent la ville. Ils descendent par centaines, par milliers, et ils envahissent la ville. Ils entrent dans les maisons. Ils piétinent toutes les horloges, puis ils continuent leur route.

Où s’en va le temps qui passe ? Qu’est-ce qu’on fait du temps qui reste ?

À l’hôpital, je voulais te dire adieu, mais tu ne m’entendais plus. Je cache cette lettre dans le décor en espérant que tu vas la trouver. Le théâtre est le seul endroit que je connais où on peut parler aux morts. Je mets la photo aussi, au cas où tu ne te souviennes plus comment c’était Saint-Agapit, en 1920.


Scénographie, costumes : Érica Schmitz
Collaboration à la création : Alexandrine Warren
Éclairages Caroline Ross
Conception sonore : Mathieu Campagna

À cause de la configuration de la scénographie, les retardataires ne sont pas admis

Au coût de 27 $ (courant), 21 $ (30 ans et – aînés) et 17 $ (groupe), taxes et frais de service inclus

Une production Les instants suspendus


Premier Acte
870, de Salaberry
Billetterie : Réseau Billetech 418-694-9656
ou lepointdevente.com
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 Critique
Critique

par Francis Bernier


Crédit photo : Cath Langlois Photographe

C'est une œuvre très personnelle que présente Olivier Normand à Premier Acte avec sa pièce St-Agapit 1920. Un spectacle sur la fatalité et l'implacabilité du temps qui passe, mais surtout, un spectacle inspiré par sa grand-mère agapitoise, Jeanne D'Arc Normand, morte il y a quelques années, emportée par la maladie d'Alzheimer.

Après avoir retrouvé plusieurs photos d'elle à 22 ans, Olivier Normand s'est demandé comment les choses avaient pu aller si vite ; comment cette jeune femme fringante qu'il avait découverte sur ces anciennes photos avait pu devenir celle qui maintenant était devant lui, fragile et à ses derniers souffles. Comme le théâtre est l'un des seuls endroits où  l'on peut parler aux morts, l'idée d'un spectacle lui est venue. Un spectacle dans lequel il s'adresserait à la jeune Jeanne D'Arc des photos. « J'avais envie de lui dire, tu ne le sais pas encore, mais tout est déjà fini ».

On a affaire ici à une oeuvre entre le théâtre et la danse. Il faut dire qu’au cours des dernières années, Olivier Normand s'est fait connaître avant tout pour son travail de mise en scène pour Flip FabriQue, une compagnie de cirque du Québec. L'apport de la danse et d'éléments circassiens à son nouveau projet était donc tout à fait naturel pour celui qu'on a aussi récemment pu voir jouer dans la pièce Coeur de Robert Lepage.

Les danseuses Ariane Voineau et Mélanie Therrien, ainsi que la comédienne Claudiane Ruelland offrent toutes trois une performance remarquable. À noter celle de Mélanie Therrien dans le rôle de Jeanne D'Arc Normand qui arrive à insuffler fragilité et force à son personnage d'une manière brillamment dosée. Cependant, malgré l'excellence des interprètes, la compréhension de certains éléments de la pièce se fait assez difficilement, les tableaux s'enchaînant de façon quelque peu décousue, laissant le spectateur face à lui-même, mystifié par des symboliques à la limite du tangible. Au final, on se retrouve devant un lot de propositions et d'images originales, mais sans réel moyen de les comprendre dans leur entièreté. Le mystère plane encore lors de la tombée des rideaux sur certains éléments de la narration, et ce, malgré le fait que certaines clés de compréhension aient été divulguées dans un prologue, lors de la lecture d'une lettre d'Olivier Normand à sa grand-mère.

La mise en scène reste quant à elle le point fort du spectacle. À travers divers codes et images, Normand parvient à nous faire voyager avec peu de moyens. Le moment, entre autres, durant lequel les comédiennes/danseuses marchent en équilibre sur des pots de verre est touchant et fort de sens. Un autre épisode marquant est la scène où les comédiennes dansent en s'éclairant uniquement avec des allumettes sur une scène complètement sombre, laissant partiellement apercevoir l'action; une belle idée du jeune metteur en scène. Certaines scènes auraient par contre mérité un certain allègement. Celle où l'on peut voir Claudiane Ruelland et Ariane Voineau dépouiller et dépecer un lapin pour le cuisiner s'est avérée douloureusement longue. Il faut dire que ces dernières ont eu quelques difficultés techniques à bien nettoyer l'animal. Un moment lourd et légèrement tape-à-l'oeil qui, sans vouloir faire de mauvais jeu de mots, manquait de chair autour de l'os.

St-Agapit 1920 est une incursion dans les souvenirs de Jeanne-D'Arc Normand. Un spectacle sur l'évanescence de la vie qui nous transporte au cœur d'un imaginaire troublant frôlant la démence.

31-01-2015