Trois, c’est un monologue autobiographique durant lequel Mani ne cesse de s’interroger sur ces origines iraniennes. Comment parler d’un pays et d’une culture qu’on a oubliés, qui ne sont plus que des souvenirs flous et lointains? Est-on défini par là d’où l‘on vient? Et finalement, qu’est-ce qui fait de nous ce que nous sommes? Trois, c’est aussi une rencontre entre deux amis, Manu et Mani, qui s’amusent à retracer leur processus de création. Petit à petit, la quête toute personnelle de Mani se voit acquérir une résonnance universelle. Trois, c’est enfin une parole collective, portée par une cinquantaine d’interprètes d’origines diverses, mais tous citoyens et citoyennes québécois. Le récit de Mani trouve un écho dans ces multiples voies. Finalement un parmi tant d’autres. Cette trilogie est une déclaration, une prise de position sur le nous québécois, sur ce qui le compose, sur les personnes qui l’habitent, sur ses origines et sa diversité.
Assistance à la mise en scène et régie Jean Gaudreau
Co-mise en scène Un et regard extérieur Deux Alice Ronfard
Édition et dramaturgie Chantal Poirier
Éclairages Erwann Bernard
Conception sonore Larsen Lupin
Collaboratrices Catherine Desjardins-Jolin, Caroline Ferland, Béatrice Gingras, Catherine La Frenière
Durée : 4 heures incluant 2 entractes
du mardi au vendredi à 19 h
les samedis à 15 h
le dimanche 12 octobre à 15 h
Mouvements de foule
à l’issue de la représentation du 7 octobre
Rencontre avec l’équipe
à l’issue de la représentation du 8 octobre
une création Orange Noyée, en coproduction avec le Centre du Théâtre d’Aujourd’hui et le Festival TransAmériques avec le soutien de la Fondation Cole
par Pascale St-Onge
TROIS, la suite logique et inévitable.
Après le FTA et le Off d'Avignon, Mani Soleymanlou revient s’installer au Théâtre d’Aujourd’hui pour une série de représentations qui affichent déjà pratiquement complet. Trois fait davantage jaser que ses deux prédécesseurs Un et Deux, présentés à la Chapelle en 2012 et 2013, mais le fait est compréhensible, puisqu’il est rare de voir autant de comédiens sur nos scènes.
Avant d’assister au dernier volet de la trilogie, Mani Soleymanlou revisite les deux premiers volets, qui ont été resserrés, pour les bienfaits du spectacle. Même pour ceux qui ont déjà vu ces deux épisodes, il est bon de se remémorer le trajet et la démarche du comédien. Vaut mieux se (re)mettre dans le contexte et réviser la forme et la structure du spectacle d’origine, car Trois existerait bien mal sans Un et Deux. D’ailleurs, le deuxième volet est certainement celui qui a su davantage profiter de ce grand nettoyage, son propos étant désormais plus précis. Après les deux premiers volets, nous sommes mieux outillés pour comprendre où en est la quête identitaire du comédien d’origine iranienne qui a partagé son enfance entre la France et le Canada. Dans Trois, voilà qu’il ouvre encore davantage son questionnement en offrant la parole à 42 interprètes aux origines diverses et à la citoyenneté québécoise.
C’est exactement cette prise de parole qui charme et fascine dans ce spectacle. On voudrait entendre l’histoire de tout le monde, et c’est avec la même humilité dont il fait preuve dans les précédents spectacles que Mani Soleymanlou tente de ramener l’oeuvre sur le droit chemin : on ne peut entendre l’histoire de tous, j’ai une réponse à trouver. En chemin, ils osent parler de souveraineté, du printemps étudiant, de la charte des valeurs, bref d’une multitude de sujets tabous des espaces publics de chez nous.
Certes, le dernier volet de Mani Soleymanlou est moins rigoureux que les deux autres, mais il a quelque chose de festif et laisse une place au dialogue, expose un portrait coloré de notre patrie. Certes, en parlant d’identité, on pose des questions sur le nationalisme, mais les conclusions, bien que souvent incomplètes, sont bien moins pessimistes qu’elles peuvent le sembler dans les tribunes. Alors que Soleymanlou trouve une certaine paix face à son identité, en finale du spectacle, il laisse très bien entrevoir que ce n’est pas une solution applicable à tous, puisque les interprètes de son spectacle, eux, ont encore bien des questions et des choses à dire sur le sujet. Trois marque la fin d’un projet théâtral pertinent et complexe et son créateur a su garder, tout au long du processus, une humilité et une franchise face aux difficultés imposées par sa démarche. Voilà ce qui sera, très certainement, un spectacle dont l’histoire théâtrale québécoise se souviendra longtemps.