Un homme, presque seul sur scène, cherche, trouve, perd, oublie, rejette et ignore tout ce qu’il a toujours pensé vouloir être. Cette pièce trace les origines de son auteur, Mani Soleymanlou, de sa naissance en Iran, jusqu’à sa résidence actuelle à Montréal, en passant par Paris, Toronto et Ottawa. Cette quête pousse l’auteur à mettre en doute ses propres origines iraniennes une fois comparée à celle de ceux et celles qui actuellement vivent en Iran, ces jeunes iraniens et iraniennes qui aujourd’hui se battent pour leur liberté, leur pays, leur vie. Comment définissons-nous qui nous sommes, d’où nous venons? Combien de temps sommes-nous quelqu’un avant que tout cela ne change? Que veut dire « être quelque chose »? Que veut dire « venir de quelque part »? Qu’est-ce qui fait de nous ce que nous sommes? C’est une comédie!
ORANGE NOYÉE · MANI SOULEYMANLOU
Orange Noyée est une toute nouvelle compagnie de création, fondée en 2011 par l’acteur Mani Soleymanlou. La compagnie tient son nom d’une tradition perse. Lors de la célébration de la nouvelle année iranienne, on trouve, parmi les différents éléments qui décorant la maison, un bol d’eau avec une orange qui y flotte. La terre (l’orange), suspendue dans son univers (l’eau). L’appellation Orange Noyée évoque la noyade de cette Terre dans son univers, son espace-temps. Un, la toute première création de la compagnie, écrite et interprétée par Mani Soleymanlou, fondateur et directeur artistique de la compagnie, voyagera à travers le monde en commençant par le festival Magnetic North à Calgary et le festival Under The Radar à New York. Sera entamée par la suite une tournée européenne où le solo sera présenté, entre autres, au Palais de Chaillot à Paris en avril.
Co-metteur en scène Alice Ronfard
Conception sonore Larsen Lupin
Lumière Erwann Bernard
Conception scénique Mani Soleymanlou
Direction de production Catherine Lafrenière
Photo Maude Chauvin
Une production Orange noyée en coproduction avec La Chapelle (Montréal) et le Théâtre du Grand Jour (Montréal)
par Pascale St-Onge
UN : identité inconnue et multiple ou « je ne suis pas Iranien »
On a vu Mani Soleymanlou un peu partout ces dernières années. Depuis sa sortie de l'École nationale de théâtre en 2008, il a fait partie de plusieurs spectacles marquants de la scène montréalaise, dont Rouge Gueule, The Dragonfly of Chicoutimi, L'Affiche et L’Opéra de Quat'Sous. Il fonde en 2011 la compagnie Orange Noyée, et propose par l’entremise de celle-ci sa toute première création, et ce, en tant qu’auteur, metteur en scène et acteur. Intitulé Un, ce brillant solo pousse Soleymanlou à s’interroger sur sa propre identité, sur ses origines iraniennes et son histoire, ayant vécu son enfance à Paris et Toronto.
L'auteur nous offre un texte franc, clair et sympathique pour nous expliquer comment il ne connait aucunement cette culture à laquelle il devrait appartenir. Exemple parfait de la confusion identitaire dans un contexte de multiculturalisme, Mani Soleymanlou nous fait part de ce petit drame quotidien sans aller trop loin dans le pathos, malgré une certaine colère sourde qui le hante, tout en ciblant parfaitement ce sentiment d'étrangeté qui l'habite. Car les seules vraies informations qu’il détient sur l’Iran proviennent de recherches faites sur Internet, « une parfaite perte de temps pour nous, mais une arme pour le peuple iranien ». Le plus beau de ce spectacle est justement son refus de faire « comme si », comme s'il connaissait vraiment ce pays qui l’a vu naître et auquel il rendait visite chaque été, jusqu’à l’âge de 15 ans. Ce pays qui rendait sa mère taciturne, se changeant à l’aéroport pour ne pas choquer la famille. Ce pays où l’on cessait de sourire à son arrivée, et où l’on payait les militaires à la descente de l’avion pour avoir ses bagages rapidement. Ce pays qui a radicalement changé, et qu’il ne (re)connaît pas. C’est dans ces détails que le spectacle trouve toute sa pertinence.
Le comédien livre son récit d'une façon touchante, dynamique et très intime, dans une mise en scène d'une simplicité déconcertante. La scène, habitée de rangées de chaises noires, crée un effet miroir avec le public, et du coup une connexion vivante avec celui-ci. Ces chaises, vides, représentent aussi tous les personnages qui sont passés dans sa vie : la famille, les amis de Toronto, ceux de Montréal. Sous deux points de vue, soit « JE » (première partie du spectacle) et « IL/ELLE » (deuxième partie), le comédien enchaîne les anecdotes de sa vie, mais aussi certaines tirées de l'actualité, pour laisser place en finale au rêve de voir une Iran libre, heureuse, foisonnante, un désir dicté dans un tourbillon étourdissant de mots empruntés aux différentes langues que Soleymanlou maitrise, formant une musicalité d’une grande humanité.
Petit solo grandiose, Un propose une écriture d’une grande qualité, au ton juste, direct et simple, provoquant rires et sympathie. Mais elle provoque aussi des questionnements terriblement actuels, contemporains, qui dépassent la simple recherche historique et culturelle du passé d’un individu : elle s’interroge sur l’avenir d’un peuple entier, qui lui aussi, a perdu en quelque sorte ses racines, sans pourtant quitter ses terres originelles.