Cette pièce raconte l’histoire rocambolesque de Christian E., dont l’enfance est enracinée dans le petit et irréductible village de McKendrick, au nord du Nouveau-Brunswick. Ce paradis perdu est la pierre angulaire de l’imaginaire de notre Acadien, sur laquelle il fabrique les héros de sa vie. Christian E. nous raconte ainsi ses « déportations volontaires » (une histoire d’exils et de passages sur fond de quête identitaire) qui l’amèneront à « l’autre bout du monde », de McKendrick à Montréal, en passant par Bouctouche et Moncton.
Section vidéo
Assistance à la création Alexandre Fecteau
Éclairages Marc Paulin
Collaboration artistique Marcia Babineau, Christian Fontaine, Pascal Robitaille
les mardis à 19 h
du mercredi au samedi à 20 h
le dimanche 31 janvier à 15 h
Rencontre avec l’équipe à l’issue de la représentation du 27 janvier
Production Théâtre l'Escaouette
Théâtre Sortie de Secours
en codiffusion avec le Centre du Théâtre d'Aujourd'hui
Dates antérieures (entre autres)
Du 15 février au 5 mars 2011, Théâtre Périscope
Du 15 janvier au 2 février 2013, Théâtre d'Aujourd'hui
Du 3 au 5 février 2015, Théâtre Périscope
Après avoir été présentée en Acadie en 2010 et en 2011 à Québec, Les trois exils de Christian E., une coproduction du Théâtre Sortie de secours et du Théâtre de l’Escaouette, fait escale au Théâtre d’Aujourd’hui jusqu’au 2 février. C’est l’occasion pour les Montréalais de découvrir deux artistes de talent.
L’excellence du spectacle tient avant tout à la force du personnage incarné par Christian Essiambre, qui, avec ses mots et ceux de l’auteur et metteur en scène Philippe Soldevila, nous raconte sa propre histoire. Une histoire vraie, nous dit-on, « malgré les coins ronds »; les deux auteurs ayant fait le choix de broder sur les faits ou de les réorganiser pour rendre le récit encore plus passionnant.
Dans la bouche de Christian Essiambre, seul sur une scène sans décor, les mots se bousculent : souvenirs et anecdotes se télescopent à un rythme soutenu. Ils ne laissent pas une seule seconde aux spectateurs pour souffler, et c’est tant mieux. Le comédien a un réel talent pour le conte; en un instant, le public est catapulté dans le quotidien de cet Acadien en exil à Montréal, une grande ville froide où les gens ne se regardent pas et se parlent encore moins. Les mois passent pour Christian E., entre les séances de jeux en ligne, les cours de mime et les leçons de diction pour gommer cet accent qui l’empêche de trouver des rôles. Christian commence à regretter son départ pour Montréal et ce qu’il a laissé derrière lui. Il nous dépeint son Acadie natale avec tant d’affection, une affection teintée d’humour, qu’on ne peut qu’en tomber amoureux.
Essiambre incarne avec une aisance toute naturelle une galerie de personnages colorés, féminins ou masculins, allant de sa propre mère à la Sagouine en passant par chacun de ses trois cousins, nés à quelques jours d’intervalle et dont il était très proche. Le conteur passe d’un souvenir à l’autre, en rejouant les scènes avec un excellent sens du rythme, alternant flashbacks et temps présent. Ce télescopage contrôlé de souvenirs déroute pendant les premières minutes, puis les pièces du casse-tête se mettent en place et, dès lors, il ne reste plus qu’à se laisser emporter dans ce roadtrip identitaire qui nous transporte de Montréal à Moncton en moins de 80 minutes. Un voyage intense.
Parce que c’est son histoire qu’il nous raconte si généreusement, Essiambre n’a besoin d’aucun support pour planter son décor. Et pourtant, on imagine sans mal les paysages qui défilent de part et d’autre de la route; le village de McKendrick, comme suspendu au-dessus des nuages; le lac, et la forêt immense qui a avalé une partie de l’enfance de Christian E... Avec pour seul accessoire une chaise de bois, l’acteur fait des merveilles, évoquant les moments déterminants de sa vie. C’est un tourbillon d’émotions que Christian Essiambre maîtrise parfaitement, versant tantôt dans l’humour tantôt dans un drame plus intérieur. Sa prestation dans Les trois exils lui a d’ailleurs valu en 2012 le Prix de la critique dans la catégorie Interprétation masculine (section Québec).
Le texte signé à quatre mains vibre de tous les personnages qui l’habitent et des petits et grands drames qui le jalonnent. Ses auteurs portent sur les sociétés québécoise et acadienne un regard perçant et juste, mais surtout, ils traitent de l’importance de ne pas oublier d’où l’on vient et ce qui a façonné notre identité. Trois exils, un solo redoutablement efficace et un conteur remarquable.