Au McDonald's la nuit quand les employés ont l’esprit encore plus altéré que leurs clients, deux amoureux échangent sur les comportements insolites des animaux en rut en s'enfilant des Big Mac. Mais rien à faire, leur amour est une malédiction. Autour d’eux gravite un groupe d’individus torves et flamboyants qui s’aiment, se détestent, s’agressent, se trompent et recommencent, sans trop savoir pourquoi.
Marianne Dansereau raconte la vie grave et poétique des filles et des garçons à qui on parle de travers. Allant et venant élégamment entre violence, humour et tendresse, elle questionne les comportements déviants dans une société de plus en plus encline à laisser entrer l’immonde, tant dans ses systèmes politiques que dans les méandres de l’âme humaine.
Crédits supplémentaires et autres informations
Assistance à la mise en scène et régie Étienne Marquis
Mentorat dramaturgique Olivier Choinière
Scénographie Odile Gamache
Éclairages Anne-Marie Rodrigue Lecours
Son Gaël Lane Lépine
Direction technique et de production Pierre-Olivier Hamel
Photo Christian Blais, Design Gauthier
Mardi 19h
Mercredi au vendredi 20h
Samedi 16h
Rencontre avec l'équipe 14 novembre
Une création de Marianne Dansereau en collaboration avec le Théâtre de la Marée Haute
En résidence à la salle Jean-Claude Germain, le Théâtre de La Marée Haute y a proposé une très intense production, Ce que nous avons fait de Pascal Brullemans, en plus d’Irène sur Mars de Jean-Philippe Lehoux, en tournée prochainement. Il se risque ces jours-ci avec Savoir compter de Marianne Dansereau, surtout connue pour ses prestations d’actrice. Malheureusement, la production dirigée par Michel-Maxime Legault
En plus des créations de Brullemans et de Lehoux, l’homme de théâtre aux nombreux chapeaux s'était aussi illustré récemment par sa brillante mise en scène au Théâtre Denise-Pelletier des Bâtisseurs d’empire ou le Schmürz de Boris Vian.
Durant un peu plus d’une heure, la pièce aborde divers thèmes et préoccupations de la génération qualifiée par les médias de «milléniaux». Elle se déroule dans une banlieue où les gens semblent s’ennuyer autour de préoccupations futiles et de désirs souvent inassouvis. Un narrateur portant un costume bleu de dauphin (Legault) s’installe côté jardin sur une chaise un livre à la main. Sur un ton parfois cynique, parfois amusé, il raconte diverses péripéties, en plus de présenter les sept personnages sans prénoms. Dans l’ordre ou le désordre, nous faisons la connaissance du Gars de chez Vidéotron qui cruise des filles en file au McDo (Mathieu Quesnel), de Q-tips (l’auteure elle-même, Marianne Dansereau), de L’homme qui dit : «Quand c’est rose, c’est beau!» (Jérémie Desbiens), de La Fille qui demande combien (Patricia Larivière), de La Fille qui compte sur ses doigts (Marion Van Bogaert Nolasco), du Gars qui a arrêté de calculer (Sébastien Tessier) et finalement de La Femme qui a de la misère avec son forfait Illico (Annette Garant).
Le metteur en scène reprend l’idée de placer les comédiens de manière frontale et en ligne droite, un traitement qui avait donné énormément de force à Ce que nous avons fait (qui traitait de la maladie mentale). Ce choix artistique fonctionne encore ici, même si la partition de Marianne Dansereau ne baigne pas dans des eaux aussi puissantes et évocatrices que celles de Brullemans. Une nouveauté cette fois-ci, nous voyons derrière chacun de sept «cobayes» une couleur différente. La scénographie illustre ainsi très bien la solitude de chacun d’eux. Elle bénéficie d’intéressants jeux d’éclairage de David-Alexandre Chabot, à la manière des machines rutilantes dans les arcades ou autres espaces récréatifs.
La langue de Dansereau cerne habilement les comportements sexuels dérangeants, surtout dans les paroles explicites du mâle incarné par Mathieu Quesnel. Au début de la représentation, ses répliques très explicites à Q-tips suscitent rapidement le malaise voulu. L’absence de réponse de la fille (qui semble alors presque inanimée) rend encore la tension plus palpable. À d’autres moments, la dramaturge lance certaines allusions à la sexualité des animaux en rut, en parlant des dauphins, des chevaux ou des bonobos. L’une des scènes les plus amusantes de la pièce survient lorsque l’épouse de banlieue incarnée par Annette Garant vient consulter le personnage de Jérémie Desbiens. La patiente craint d'avoir attrapé une ITSS (MTS) après un incident assez étrange. Plus tard, les échanges de la femme avec le macho de Quesnel apportent du mordant à l’ensemble, surtout quand elle lui demande de venir chez elle réparer sa télévision. La suggestion de leurs ébats, alors que la mère de famille s’apprête à servir un repas à ses enfants, ajoute un clin d’œil aux héroïnes de certains films ou séries télévisées (Beautés désespérées). Par ailleurs, soulignons le jeu d’Annette Garant qui s’était brillamment démarquée dans d’autres univers aussi tordus comme Rouge Gueule d’Étienne Lepage et Les Champs pétrolifères de Guillaume Lagarde. Suave et vulgaire à souhait, Mathieu Quesnel démontre lui aussi une aisance remarquable dans son rôle pervers.
Toutefois, la personnalité des autres personnages demeure imprécise et à peine esquissée, surtout ceux interprétés par les deux autres filles de la distribution et Sébastien Tessier. Le déséquilibre entre les différents protagonistes empêche ainsi la production d’atteindre son plein potentiel dramatique. De plus, la mise en scène de Michel-Maxime Legault empêche de distinguer suffisamment les individus les uns des autres. Puisque les appétits charnels habitent ces êtres, pourquoi ne pas leur avoir permis de sortir de leur section à laquelle elles et ils sont confinés du début à la fin? Plus de dynamisme et de mouvements auraient donné plus de vigueur à la langue âpre de l’auteure.
En quittant le Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, émane le sentiment que Savoir compter reste encore à l’état d’inachèvement. Marianne Dansereau verra son prochain texte Hamster monté par Jean-Simon Traversy en mars prochain au Théâtre La Licorne. Espérons que sa plume devienne encore plus maîtrisée et mieux orchestrée. Car ses interrogations ne sont pas anodines.