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Du 3 au 24 octobre 2014
Dates public (en soirée) : 3-4-7-9-17-18-24 octobre 2014
AndromaqueAndromaque 10-43
D'après Jean Racine
Adaptation Lionel Chiuch, François Douan et Kristian Frédric
Mise en scène et scénographie Kristian Frédric
Avec Monica Budde, Jeanne De Mont, Frédéric Landenberg, Denis Lavant, Meggie Proulx Lapierre, Arnaud Binard, Ivan Morane

Des temples de marbre de l’Antiquité aux quartiers généraux suréquipés du 21e siècle, Andromaque 10-43 témoigne de notre perpétuelle impuissance à trouver une harmonie avec le monde. Kristian Frédric, avec le respect qui s’impose, convoque Andromaque pour lui faire goûter les fruits amers de notre époque.

Coincés dans un bunker qui ne les protège plus de la violence du monde, à la fois voyeurs et proies, Andromaque, Hermione, Oreste et Pyrrhus tentent de reprendre le contrôle de leurs existences. Ils sont livrés à des démons dont les nouvelles technologies de communication amplifient la puissance. Andromaque 10-43 s’emploie à bousculer les enjeux dramaturgiques d’un classique qui retentit de l’incessant fracas de notre monde. Troie n’est pas très loin de Bagdad… Et les personnages, soudain descendus de leur piédestal mythologique, deviennent ces contemporains qui nous tendent un miroir implacable et cruel.


Section vidéo


Concepteurs et collaborateurs artistiques : Antoine Bataille, Anne Bothuon, Nicolas Descoteaux, Olivier Proulx
Photo : Nicolas Descoteaux

Samedi 4 octobre : Rencontre-causerie
Samedi 18 octobre après le spectacle: Rencontre avec les artistes

Durée : 2h30 avec entracte

En tournée - 63 représentations en Suisse, en France et au Canada

Une coproduction de la Cie Lézards qui Bougent Les Hauts de Bayonne (FR) et du Théâtre du Grütli (CH) en collaboration avec le Théâtre Denise-Pelletier

www.andromaque1043.com


Théâtre Denise-Pelletier
4353, rue Sainte-Catherine Est
Billetterie : (514) 253-8974

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 Critique
Critique

par Sara Thibault

Andromaque 10-43 : Racine 2.0


Crédit photo : Nicolas Descôteaux

Après avoir présenté au public québécois Big Shoot et Jaz, deux textes de l’auteur Koffi Kwahulé, le metteur en scène Kristian Frédric revisite l’Andromaque de Jean Racine. Cette coproduction franco-suisse de la compagnie Lézards Qui Bougent Les Hauts de Bayonne et du Théâtre du Grütli, en collaboration avec le Théâtre Denise-Pelletier, constitue une adaptation audacieuse et fort réussie.

Andromaque se retrouve projetée au 21e siècle, en pleine ère du numérique ; non pas dans le contexte de la guerre de Troie, mais dans celui des conflits moyen-orientaux. Alors que Racine dépeignait son héroïne sous les traits d’une mère et d’une épouse exemplaire, c’est plutôt la dimension politique du personnage qui ressort de l’adaptation de Frédric.

L’ingéniosité du spectacle réside certainement en la qualité de la modernisation et de la transposition du drame d’Andromaque dans une époque contemporaine, qui fait par ailleurs ressortir combien la tragédie classique reste actuelle. Frédric, qui assure aussi la scénographie de la pièce, campe ses personnages dans un bunker bétonné où semble se terrer Pyrrhus. Au centre de la scène, un mur d’écrans agit comme de multiples fenêtres vers le monde. Ces écrans multilingues font tour à tour office de caméras de surveillance, d’interfaces de messagerie texte et de réseaux sociaux et d’écrans télé où sont diffusées en continu les nouvelles internationales. À ce titre, soulignons l’excellent travail des collaborateurs québécois Olivier Proulx et Nicolas Descôteaux à la réalisation vidéo et aux éclairages.

Dès les premières minutes du spectacle, le roi Pyrrhus, assis dans son fauteuil, assiste au développement médiatique de sa propre histoire et des répercussions politiques qu’elle provoque. Les caméras de surveillance lui permettent en plus de s’immiscer dans l’intimité d’Andromaque et de son fils Astyanax et de communiquer avec son Big Brother spirituel, Pylade. À ce titre, la pièce montre tout autant l’usage récréatif des réseaux sociaux que leur côté pervers : surveillance 24 heures sur 24, espionnage, écoute électronique. Ce mur d’écrans joue réellement un rôle d’interlocuteur, certains personnages n’existant par ailleurs que virtuellement dans le spectacle.

Le jeu des quatre acteurs principaux est remarquable ; Denis Lavant et Monica Budde se démarquent particulièrement par leur charisme. Toutefois, la représentation d’Astyanax, présenté sous les traits d’une femme adulte, constitue une des principales faiblesses du spectacle. La simple évocation d’Astyanax aurait largement suffi à faire comprendre le dilemme moral auquel Andromaque est confrontée : rester fidèle à son mari mort au combat ou épouser le roi du camp ennemi pour sauver le peuple troyen. Dans une tentative de permettre à Andromaque et à Pyrrhus d’évoquer leurs racines communes, le metteur en scène a choisi de traduire certaines de leurs répliques en arabe classique. Bien que ces passages ajoutent une pointe de modernité aux alexandrins raciniens, ils ne bonifiaient pas vraiment la mise en scène.

Andromaque 10-43 constitue une adaptation novatrice et originale de la tragédie de Jean Racine, qui dépasse la simple actualisation de l’histoire pour en faire ressortir de nouvelles significations. En ce sens, la pièce entre en parfaite adéquation avec le mandat du Théâtre Denise-Pelletier qui, rappelons-le, cherche à rendre accessibles les grandes pièces du répertoire à un public adolescent et étudiant.

07-10-2014