Bébés s’inscrit dans la continuité de Animaux (2016), pièce marquante du NTE et premier chapitre d’une étude en trois volets sur la notion de présence au théâtre. Ici, des bébés sont convoqués, accompagnés de leur mère ou de leur père, de même que des comédiens. Comment se fait-il que l’on reconnaisse aux enfants, comme aux animaux, une présence plus forte et plus dense en scène qu’aux adultes ?
Pour tenter de répondre à cette interrogation : des sketchs, des témoignages, ponctués d'un commentaire poétique et philosophique sur l'insondable mystère de la naissance ; mais aussi, quelques joyeux moments de désordre où nos hôtes du moment nous rappelleront que l'aléatoire et l'intempestif renversent encore tous les agendas du monde.
Si la qualité particulière des bébés, cette magie, cette lumière, ce charme qui émanent d’eux nous touchent tellement, tout autant que leurs cris et leur besoin constant de soins peuvent nous peser, n’est-ce pas parce que le personnage bébé nous parle au fond de notre propre origine et de toutes nos potentialités? Que l’on soit parent ou non, le bébé, par sa simple présence, nous appelle dans l’histoire, dans la suite du monde qu’il orchestre et à laquelle il préside malgré lui.
Une idée originale de Daniel Brière et Alexis Martin
Texte Emmanuelle Jiménez et Alexis Martin
Mise en scène Daniel Brière
Avec Ève Landry et bébé Louis,
Philippe Ducros / Klervi Thienpont et bébé Élora,
Tienhan Kini et bébé Tinwah ainsi que Nadine Louis et bébé Lorian
et la participation de Jacques L'Heureux ; voix de Anne Dorval
Crédits supplémentaires et autres informations
Scénographie Jean Bard
Éclairages Lucie Bazzo
Musique et conception sonore Michel F. Côté
Installation vidéo Pierre Laniel
Direction technique Dominic Dubé
Régie Alexandra Sutto
Rencontre avec l'équipe artistique à l'issue de la représentation du samedi 4 mai 2019
Tarifs
Salle principale
> Billet régulier >33$
> Billet 25 ans et moins | Étudiant > 26$
> Tarif PréVente * > 25$
* Soyez les premiers ! Achetez vos billets avant le jour de la première et profitez du tarif PréVente valable pour les premières représentations. Quantité limitée.
> Étudiants en théâtre > 19$
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Nouveau Théâtre Expérimental
Qu’ont de particulier les animaux et les enfants que sitôt leur apparition sur scène, ils captent immédiatement, et parfois irrémédiablement, toute l’attention du public dans la salle? En 2016, les artistes et grands curieux que sont Alexis Martin et Daniel Brière se penchaient sur le cas des animaux; ils sont de retour cette fois avec une étude pas scientifique du tout, mais tout à fait charmante du monde des poupons.
Deuxième volet d’une trilogie sur la présence scénique, le bien nommé Bébés offre une pause bienvenue, une invitation à ralentir la cadence et l’occasion, pendant une courte heure, de se poser à hauteur d’enfant. Loin des angoisses et des préoccupations des grands? Pas tout à fait, car elles nous rattrapent rapidement.
Le texte d’Emmanuelle Jiménez et d’Alexis Martin, narré avec beaucoup de retenu par Anne Dorval, donne un ton philosophique, parfois mystique, à la production, qui alterne les scènes jouées par les parents, les phases d’observation des bébés et les passages poétiques. De la poussière d’étoiles quand bébé n’est encore qu’une idée à la grande sieste qui clôt la représentation, la pièce nous balade au gré des réflexions sur l’univers des bébés. Si elles paraissent parfois artificielles, le public s’en aperçoit peu, toute son attention tournée vers les adorables bouilles des chérubins, leurs gazouillis et leurs réactions spontanées. La narration gagne en portée lorsqu’elle se met à hauteur d’enfant pour mieux interroger sa nature, son univers, d’abord restreint, puis de plus en plus vaste à mesure que bébé se redresse, s’assoit, marche…
La narration gagne en portée lorsqu’elle se met à hauteur d’enfant pour mieux interroger sa nature, son univers, d’abord restreint, puis de plus en plus vaste à mesure que bébé se redresse, s’assoit, marche…
Dans sa mise en scène, Daniel Brière trouve généralement la bonne alternance de scène et crée des moments d’une spontanéité ou d’une poésie bien naturelles. À ce titre, la scène illustrant les mystères de la naissance avec un bébé seul dans son lit, illuminé par une douche de lumière, est l’une des plus belles du spectacle. Elle est malheureusement suivie par une saynète comique qui tranche avec le reste.
Le public se laisse bercer par la chaleur de cette bulle et par la douceur de l’exploration, le regard fixé sur les tout jeunes acteurs de 5 mois à 1 an qui, pourtant, ne jouent pas. Ils sont dans l’instant présent, dans le vrai absolu : un rêve d’acteur. Bébés et animaux partagent cette même authenticité, ce caractère imprévisible qui peut infléchir le déroulement de la représentation, mais là où les animaux ignorent le public, les bébés, eux, ont conscience d’être observés. Ils réagissent aux rires, applaudissent, tournent la tête vers ce public indiscernable dans l’ombre… au grand plaisir de ce dernier.
La distribution de quatre mères, un père et de Jacques L’Heureux, en valet, fait d’ailleurs un excellent travail, parvenant à garder le rythme de la mise en scène et offrant une belle fluidité d’un tableau à l’autre, et ce, tout en gérant plusieurs bébés, pas toujours coopératifs. Chaque tableau explore l’univers de bébé (le mystère de la naissance, les sens, les premiers pas…) et la réalité par toujours rose des parents. Eve Landry livre un cri du cœur poignant sur le sujet, lourd d’une grande fatigue et d’une détresse qu’on refuse souvent à la mère parce que « la maternité est d’une telle beauté ». La jeune mère, elle, déclare que sa vie est désormais d’une douceur violente. Car Bébés, sous ses allures mignonnes, parle aussi du couple, de l’enfant surprise, de la charge parentale, d’un enfant né du viol (très touchante Tienhan Kini) et des premiers mois de bébé, ceux que des parents parfaits nous présentent avec beaucoup d’idéalisme et de jovialité dans les réseaux sociaux, par exemple. Ironiquement, les bébés volent tellement la vedette que le propos passe par moments au second, voire au troisième plan.
Charmante et vraie, Bébés, dont on se doute d’aucune représentation ne sera identique, joue avec « l’instabilité cosmique » de ses jeunes vedettes sans trop s’y brûler les ailes. L’espace d’un moment, elle nous transporte dans cet éternel instant présent dans lequel flottent les tout-petits, et on s’y sent bien.