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15 - 16 - 20 - 21 - 22 - 27 - 28 - 29 mars 2012, 20h, les vendredis 23 et 30 mars à 20h et 23h (supplémentaires),
les samedis 17, 24 et 31 mars 15h
KubrickLa mort de Kubrick
théâtre - première mondiale
Texte David-Alexandre Després
Mise en scène Olivier Morin
Avec Christine Beaulieu, Alexia Bürger, David-Alexandre Després et Caroline Lavigne

Mars 1999, intérieur jour, gros plan du visage couvert de psoriasis d’Alex Conway.

Alex est solitaire, nerveux, sexuellement refoulé, mais surtout parfaitement obsédé par la vie et l'oeuvre du cinéaste Stanley Kubrick. En mars 1999, à quelques jours de la sortie du film "Eyes Wide Shut", Alex gagne un concours lui permettant d’assister à la première officielle du film. Il pourra enfin rencontrer son idole et lui parler de son projet de film si souvent avorté sur Napoléon. Mais à l’annonce de la mort inattendue de son réalisateur fétiche, les fragiles bases de son équilibre mental s’effritent. Son propre appartement devient brusquement le plateau de tournage de sa mauvaise conscience. Sa propriétaire transsexuelle le jette à la porte, une intrusive étrangère menace de voler son identité et ses pulsions sexuelles inavouables, qu'il croyait avoir domptées à jamais, le rattrapent. Puis, la gardienne de ses 8 ans se manifeste à lui en la personne de... Stanley Kubrick.

Le tournage jusqu'alors impossible de “Napoléon” peut maintenant commencer…

David-Alexandre Després dévoile ici son deuxième texte théâtral. Il avait charmé le public et les critiques avec Vroom!, un solo hilarant qu’il interprétait lui-même, en juin 2008, au Théâtre La Licorne. Sa passion pour la Formule 1 avait fait naître ce solo; cette fois, c’est son admiration pour le cinéaste Stanley Kubrick qui l’a mené à l’écriture de La mort de Kubrick.

Olivier Morin s’attaque quant à lui à sa première mise en scène de théâtre. Ce créateur est des plus polyvalents; en plus d’avoir fait ses preuves comme acteur dans plus de 30 productions, Olivier Morin est également peintre et musicien. Après Clotaire Rapaille l’Opéra Rock, qu’il a co-produit et co-mis en scène, il se lance maintenant le défi d’orchestrer cette nouvelle création.


Lumière Erwann Bernard
Décor et accessoires Geneviève Lizotte
Costumes Julie Breton
Assistance à la mise en scène Charlotte Ménard
Conception sonore Olivier Morin

Carte Premières
Cartes Prem1ères
Date Premières : 15 au 24 mars 2012
Régulier : 28$
Carte premières : 14$

Une présentation et une production Champ gauche


La Chapelle
3700, rue Saint-Dominique
Billetterie : 514-843-7738

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 Critique
Critique

par Pascale St-Onge

La mort de Kubrick : le bien et le mal d'une passion


Crédit photo : Maxime Côté

La proposition est des plus intrigantes : s'inspirer de Stanley Kubrick, de ses oeuvres et procédés cinématographiques pour en faire du théâtre. La fable de départ est classique : un obsédé du travail de Kubrick (le mésadapté Alex Cornway, joué par le comédien et auteur de la pièce David-Alexandre Després) est le gagnant d'un concours organisé par le magazine Look pour assister à la première du dernier film du réalisateur, Eyes Wide Shut. Mais à l'annonce de la mort de Kubrick, son univers s'écroule et dans un délire mettant en scène le tournage de Napoléon, projet inachevé de l’homme de cinéma, ses histoires refoulées reviennent le hanter.

Le réalisateur, comme on s'entête à le répéter dans le texte de Després, manipulait l'image. Comme de fait, l'appartement, qui sert ici de scène, ne laisse de place pour aucun autre indice sur son locataire que sa passion pour l'univers de Kubrick : une tapisserie du visage du réalisateur et son regard chargé et inquiétant sur un mur entier, de vieux colis ayant servi au transport de divers trésors liés à son travail et d’autres artefacts de tournage. À l'annonce de la mort, chaque convention scénique est brisée pour ramener à l'avant-plan des thématiques qu'on connait à Kubrick : la violence, la folie, la cruauté, le sexe, l'humour noir. L’auteur s’amuse, dès le début de la pièce, avec les genres ; il fait prendre à chaque personnage secondaire le visage d'une ou deux autres entités, souvent juxtaposées, faisant partie de l'imaginaire d'Alex, et, inévitablement, de ses références cinématographiques. Par exemple, Kubrick interprété par le souvenir de son ancienne gardienne, elle-même à l'image de Lolita, complexifie ainsi la relation qu'Alex peut avoir face à elle (eux). Alex devient ainsi victime de leur manège étourdissant.

Olivier Morin se débrouille bien pour une première mise en scène. Sa proposition, bien que très fidèle au texte, transpose aisément les différentes atmosphères qui ont pu inspirer l'écriture bien nourrie de David-Alexandre Després. Celui-ci, au-delà de son amour pour Kubrick, dépeint des problèmes identitaires actuels alarmants et comment la place des idoles peut être un obstacle pour la confiance en soi, notamment. Le duo du metteur en scène et de l'auteur aboutit à une création totalement cohérente et où chaque élément est en symbiose avec le reste. La trame sonore, imaginée par le metteur en scène, doit être mentionnée. Chaque transition est soulignée par un extrait musical tiré d’un film de Kubrick, qui place ainsi le spectateur en état de conscience du thème de la scène.


Crédit photo : Maxime Côté

Les références en tout genre sont nombreuses, qu’elles soient tirées de Lolita, Orange Mécanique, The Shining, Barry Lindon ou Path of Glory ; les costumes, la moquette, les éclairages, les personnages et la structure de la pièce elle-même ne sont que peu d'exemples d'éléments liés à l'univers de Kubrick. L'énigme est immensément riche pour tout connaisseur du réalisateur et la pièce en devient ainsi un incontournable pour le passionné. Pour le néophyte, le spectacle n'est pas inaccessible pour autant : celui-ci entrera dans l’univers fantasmagorique d’un geek sombrant dans des hallucinations passionnelles. Le problème réside peut-être en la réception de la pièce pour le cinéphile moyen, celui qui a visionné deux ou trois films de Kubrick : il remarquera avec plaisir une partie des indices laissés par le texte ou la mise en scène d'Olivier Morin, mais les associations qu'il ne pourrait réussir à faire, par manque de connaissances approfondies sur le sujet, pourraient le faire chercher dans sa mémoire et lui faire perdre un moment le fil du récit, et d’autres clins d’œil qui auraient pu le charmer ou l’éclairer.

La mort de Kubrick n’est pas qu’un simple hommage au réalisateur américain, dont on vante les mérites et le génie, souvent à raison, dans ce texte aux innombrables références. C’est une véritable réflexion, sans jugement, que Després propose, sur nos propres tourments, sur la violence et la perversion qui nous habitent. Une réflexion sur la puissante emprise que le cinéma et ses manipulateurs peuvent avoir sur nos vies. La pièce répond bien à l'univers duquel il s'inspire : défi accompli. En résulte une pièce que chaque spectateur recevra différemment, selon son degré d'expertise du sujet.

17-03-2012