Un exercice post-amoureux dont cinq femmes sont les prototypes. Toutes font l’expérience de la solitude versus celle du couple ; elles se retrouvent alors dans ce qui pourrait s’appeler un examen. Prises dans cette expérience, elles doivent reproduire l’autre, les paroles qu’elles voudraient entendre contre celles qu’elles voudraient pouvoir dire. Les cinq prototypes se retrouvent confrontés à leur propre identité et à celle de l’autre. Moi et une Love Letter cherche à exprimer l’incapacité à se rencontrer les uns les autres en gravitant autour de deux impulsions opposées qu’engendre l’expérience amoureuse, soit l’élan et la retenue. On parle des autres et de soi-même à travers la relation la plus intime et signifiante, l’histoire d’amour. Ces femmes liées par le désir commun d’être ce qu'elles ne sont pas font enquête sur la solitude. Moi et une Love Letter : un lieu pour disséquer l’expérience amoureuse.
À DEUX
À Deux a pour mandat d’aborder les complexités du comportement humain dont la contradiction est au centre des agissements. Comment l’identité de l’homme peut-elle être véritable lorsque celui-ci ressent plusieurs envies opposées ? Le désir est-il vraiment souhaité ? Si comblé, celui-ci est-il honnête ? Qui suis-je à travers les yeux de l’autre et qui suis-je à travers mes propres yeux ? Afin d’enrichir ses réflexions, À Deux organise également des événements diversifiés (exposition, lecture de textes, spectacles de musique, projection de film) sur la thématique de ses créations à venir et essaie de varier les lieux de déroulement de ceux-ci. Cette initiative aide à la visibilité d’artistes en provenance de toutes disciplines, au métissage des pratiques artistiques et à la collaboration possible entre créateurs et lieux rassembleurs. Surtout, cette curiosité et cette diversité d’actions et de publics nous donnent accès à différents points de vue et sensibilités sur les questionnements abordés dans leurs créations.
Assistance à la mise en scène Alexandra B. Lefebvre
Musique Christophe Dubé et Ourielle Auvé
Projections Rosalie H Maheux
Costumes Cloé Alain-Gendreau
Mouvement Mélanie Demers
Photo Alexandra B. Lefebvre
Une présentation La Chapelle
Une production À deux
par Pascale St-Onge
Donnant sa chance à une relève bien choisie, La Chapelle présentait Moi et une love letter, une création de la jeune diplômée de Saint-Hyacinthe Alexa-Jeanne Dubé. C'est dans un style se rapprochant de la performance que celle-ci explore le choc post-amoureux, mais aussi le désir infatigable d'aimer.
En scène, cinq femmes de dos et nues s'habillent doucement, enfilant robe, souliers, sous-vêtement et perruques similaires. Devant nous, leur identité s'efface et elles acceptent de jouer le jeu, celui de prendre la parole pour les femmes de toute une génération. S'enchaînent alors une série de tableaux en réponse à l'amour ou à son absence. Chacune tente pourtant de se dissocier de cette masse, de retrouver son unicité malgré l'homogénéité du sentiment abordé dans tout le spectacle. Une tentative qui tourne cependant à l'échec.
Une atmosphère mystérieuse s'installe et nous entraîne facilement dans l'univers décalé des cinq femmes. Les mots défilent, mais les moments de silence semblent plus habités et vivants. Ceux-ci sont des moments d'une grande force, évoquant très clairement l'état dans lequel le spectacle nous emporte, ce vide que créent l'absence et le départ des grandes et petites histoires d'amour. Rapidement, - peut-être est-ce dû aux influences de la performance de ce spectacle? -, le texte devient accessoire, voire superflu, puisque le travail de mise en scène dit tout, souligne ce qui veut être dit de façon à ce que chaque mot semble insister inutilement sur le propos dont on saisit les enjeux très rapidement. Bâti un peu comme la musique minimaliste avec le même thème qui tourne sans cesse en boucle, mais avec quelques subtiles variations, le texte nous atteint trop peu en raison de certains choix de direction d'acteur (la voix et les intonations des comédiennes, complètement froides et monotones notamment). Les comédiennes font ce qu'elles peuvent dans cet habillage trop lourd du propos pour tenter de nous le transmettre; leur travail de chorale et de mouvement de Mélanie Demers apporte d'ailleurs énormément, mais ce n'est malheureusement pas suffisant. La majorité des tableaux sont trop courts et ne nous laissent pas entrer dans leur univers, le spectateur est sans cesse catapulté d'une image forte à l'autre et c'est ainsi qu'il ressort également du spectacle, ne sachant pas trop quoi en retenir.
En ce qui a trait à la scénographie, je me dois d'avouer un certain malaise, puisque la production réutilise presque tous les éléments de la scéno d'un précédent spectacle de la même compagnie, Clap Clap, qui sera d'ailleurs repris dans la même salle cette saison : la grande bâche de plastique blanche qui recouvre presque entièrement la scène et l'usage d'un rétroprojecteur comme unique éclairage et comme outil de projection. Il y a deux ans, lors des représentations de Clap Clap, cette scénographie était déjà gagnante, et il y a un certain plaisir à la retrouver dans ce spectacle. L'utilisation qui en est faite est tout à fait réussie, mais il n'est reste pas moins que c'est un peu gênant.
C'est un amour plastique et hermétique qui laisse ces cinq femmes sans vie, avec leur air de poupée désarticulée, et qui nourrit leur passion. Elles sont prêtes à tout donner pour ne recevoir qu'une once d'attention, un propos troublant. Elles s'accrochent l'une à l'autre, tentant d'y survivre ensemble, mais désirant pourtant s'en sortir seules. Il n'y a qu'une chose à faire d'un chagrin d'amour, aussi démesuré soit-il : « Je vais juste attendre que ça passe », comme elles le disent si bien en conclusion.
Alexa-Jeanne Dubé touche visiblement à quelque chose, elle trouvera sûrement encore plus à faire en théâtre-performance et saura faire son chemin, mais ce n'est malheureusement pas avec ce spectacle qu’elle marquera les foules, n’étant pas aussi convaincant qu’il devrait l’être.