Une femme roule à vélo. Elle est heurtée par une voiture. L’impact projette son corps dans les airs et fragmente son esprit. Propulsée dans son passé, elle atterrit sur les bords d’un lac à l’été de ses dix ans. Emprisonné dans le film de sa vie, son corps se vide peu à peu de son sang. Sa mémoire se bat contre ses souvenirs, qu’elle croyait perdus depuis trois décennies. Dans cette performance solo qui se marie à la projection d’un film, le passé et le présent se chevauchent. De larges projections filmées nous aspirent, subjugués, hypnotisés devant la violence et l’intensité d’un accident. L’écriture profondément personnelle et la performance impudique et crue de Sabrina dérangent et animent un passé lointain. Sabrina nous emporte dans l’œil de la tempête.
Fée Fatale, une compagnie axée sur la performance, se concentre principalement sur l’exploration de collaborations inspirantes entre artistes issus de toutes sortes de milieux et cherche à créer des expériences théâtrales inattendues. Vénérant toujours l’illogisme de l’inconscient et professant un sain dégoût pour l’arrogance de l’ego, Fée Fatale utilise une panoplie de techniques de créations afin d’extraire toutes les images et les moyens d’expression de chaque individu. La directrice artistique Sabrina Reeves provient d’une formation théâtrale traditionnelle, mais d’expériences créatives non conventionnelles. À partir de l’aspect traditionnel, elle poursuit son exploration de la notion de l’unité d’action, mais elle persiste à croire qu’il existe plusieurs façons de créer un début, un milieu et une fin, qu’il y a plus d’une définition du mot « histoire » et qu’on peut utiliser plusieurs médiums pour créer une tension dramatique. Bien que le vocabulaire demeure différent lorsqu’on collabore avec des musiciens, des danseurs, des artistes visuels, des acteurs ainsi que des artistes multidisciplinaires, le cheminement reste le même.
Environnement sonore
Jacques Poulin-Denis
Installation vidéo
Lucie Bélanger
Réalisatrice du film
Sabrina Reeves
Cinématographie
Paolo Santos, Jane Heller, David Smith
Scénographie et costumes
Marilène Bastien
Lumière
François Marceau
Une présentation La Chapelle
Une production Fée Fatale
par Pascale St-Onge
La sécurité des cyclistes à Montréal a fait à quelques reprises la une dans les derniers mois, suite à des accidents assez graves, dont celui d’Audrey Talbot, bien connue du milieu théâtral en tant que médiatrice culturelle à la Maison Théâtre et comme comédienne, pour ne nommer qu’elle. La créatrice Sabrina Reeves utilise ce type d’événement pour faire revivre à ses personnages tout un passé qui était oublié et presque enterré, plus précisément pour nous ramener à un événement précis, un été au bord d’un lac hanté par un incident.
Rapidement, l’accident à vélo devient un prétexte ; on ne s’y attarde que très peu, voire trop peu. Tour à tour, Sabrina Reeves prend la peau de chaque individu impliqué de près ou de loin à l’incident durant cet été de l’enfance du personnage principal (le frère, la grand-mère, une actrice allemande figurant sur une vieille bobine de film). Le mystère entourant l’incident attire davantage notre attention que l’accident de vélo, pourtant déclencheur de l’ensemble du spectacle.
Débutant avec un décor très simpliste, la scène se dévoile, tout comme le récit, et laisse place à un espace de plus en plus ouvert. La place de la vidéo est un élément majeur de la mise en scène (Sabrina Reeves signe également la réalisation vidéo) et change de surface de projection au fur et à mesure que la pièce avance et que la scène se dévoile. Quelques éléments reviennent sans cesse et semblent avoir une symbolique importante, mais innommable : la robe verte, les bobines de film…
L’interprétation de Sabrina Reeves est impressionnante, la créatrice passant aisément de l’anglais au français ou encore vers l’allemand, tout en changeant de personnage sans arrêt et de façon très adroite.
Il est vrai que la chronologie de ce récit est très floue, tout autant que la raison qui pousse cet accident de vélo à amorcer cette série de témoignages, ou encore pourquoi tout nous mène à cet incident mystérieux d’un été d’enfance vécu par le personnage principal. Peut-être est-ce pour cette raison que le spectacle n’arrive malheureusement pas à nous émouvoir, à nous emporter et que nous nous attachons que très peu aux personnages et à cette étrange histoire qui nous est racontée, malgré la qualité d’interprétation et la mise en scène qui fonctionne pourtant bien.