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Du 5 au 9 novembre 2013, 20h, relâche jeudi 7 novembre
Drugs Kept Me AliveDrugs Kept Me Alive
danse-théâtre en anglais avec sous-titres en français
Texte, mise en scène, scénographie Jan Fabre
Avec Antony Rizzi

Dans le monologue Drugs kept me alive, Jan Fabre met en scène un personnage à la lisière de la vie. À mesure qu’il se rapproche de la mort, il lui faut davantage de pilules et de poudres. Ses complices sont l’ecstasy, les poppers, les amphés et la coke. Il est à tout moment en quête du vertige éternel. Mais même s’il est face à la mort, il s’accroche à la vie et continue de chercher de nouvelles façons de tromper la faucheuse. Il explore toutes les voies, orientant sa boussole à tout moment vers les raccourcis entre ciel et enfer. La vitesse est son arme et l’humour, son remède. Planant sur son dirigeable de l’extase, il choisit lui-même les mirages qui lui semblent attirants, voire qui l’emplissent d'un profond bonheur. La pièce regorge de contradictions et de paradoxes : des pilules pour survivre et des pilules pour l’ivresse et la vie entre euphorie et abîme. Jan Fabre a écrit Drugs kept me alive pour Tony Rizzi, un danseur et performeur américain qui a longtemps fait partie du Ballett Frankfurt, sous la houlette du chorégraphe William Forsythe. C'est à cette époque qu’il a rencontré Jan Fabre, avec qui il a déjà collaboré à plusieurs reprises, entre autres pour Da un altra faccia del tempo, Glowing Icons, Histoire des larmes et Orgy of tolerance.

Jan Fabre (né à Anvers, en 1958) est connu, tant en Belgique qu’à l’étranger, pour être l’un des artistes les plus d’avant-garde et protéiformes de sa génération. Depuis 30 ans, il se distingue en tant qu’artiste de performance, forgeron de théâtre et d'opéras, auteur et artiste plasticien. Quel que soit le genre qu’il aborde, il en déplace systématiquement les frontières. C'est d’ailleurs ce qui lui a valu de créer la controverse tout ou long de son parcours artistique.


Dramaturgie Miet Martens
Musique Dimitri Brusselmans
Costume Andrea Kränzlin
Photo W. Bergmann

Une présentation La Chapelle.
Un production Troubleyn / Jan Fabre en coproduction avec Maribor 2012 (European Capital of Culture - SI).


La Chapelle
3700, rue Saint-Dominique
Billetterie : 514-843-7738

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 Critique
Critique

par Pascale St-Onge

«  I'm a dancing pharmacy »


Crédit photo : Wonge Bergmann

Le plasticien, chorégraphe et metteur en scène Jan Fabre est majoritairement reconnu pour un travail artistique qui a semé la controverse un peu partout à travers le monde. Le plus récent passage à Montréal du réputé créateur avant-gardiste remonte à 2009, dans le cadre du FTA. Présenté il y a deux ans à La Chapelle, le solo Drugs Kept Me Alive a été créé sur mesure pour le danseur-performeur Antony Rizzi.

Dans un processus multidisciplinaire empruntant majoritairement à la performance et à la danse, Drugs Kept Me Alive dresse un portrait inquiétant sur les réels bienfaits que peuvent apporter les médicaments que l'on consomme par le biais du témoignage de Rizzi. Étant lui-même séropositif déclaré depuis 1997, sa présence en scène est chargée d'une vérité qui donne un tout autre sens au spectacle et qui nous donne accès à une autre dimension de la thématique. En effet, la limite entre le réel et la fiction demeure floue. La maladie, par exemple, n'est jamais précisément nommée ; on ne parle que de son incurabilité. Avec brio, le spectacle joue surtout avec les deux sens que porte le terme anglais « drugs », soit comme médicament ou comme drogue, et surtout, les effets que l'un ou l'autre ont sur le corps et l'esprit de l'interprète. Les médicaments le gardent en vie, les drogues le font vivre. C'est ainsi que le récit performatif traite rapidement de la survie et des sensations face à la vie qui tente de s'échapper lentement.

« Am I sick? »

Ce qui est fascinant dans ce solo est la façon dont le tout est traité avec humour et positivisme. La maladie, à répétition, est presque ridiculisée, perd son ombre menaçante et le spectacle devient rapidement un réel hommage à la vie. Puisque ce mal est oublié grâce à un abus de médicaments et de drogues, comment savoir si elle est réellement présente? Qu'est-ce que la maladie, au fond, et à quel point les médicaments font-ils la différence? À travers certains moments plus poétiques, où le performeur joue avec des bulles de savon pour faire la métaphore de sa façon de ressentir les choses, une réelle compassion nous traverse. Antony Rizzi livre une performance inoubliable et s'approprie complètement ce solo que Jan Fabre a écrit, chorégraphié et mis en scène pour lui.

L'ensemble de la proposition nous trouble, nous amuse et nous ouvre les yeux sur la complexité d'une industrie qui se nourrit de nos propres maladies, alors que les médicaments qu'elle nous fournit ne sont pas à la hauteur. Vers quoi se tourne-t-on alors pour éviter la souffrance ? Le discours d'Antony Rizzi nous pointe sans détour les drogues, qui mènent à l'euphorie et vers l'absence complète de douleur. Mais d'abord et avant tout, c'est un hommage à la beauté de la vie, le courage d'un homme qui reste debout malgré la maladie. Avec Drugs Kept Me Alive, Jan Fabre et Antony Rizzi nous font cadeau d'un spectacle percutant et marquant.

09-11-2013