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Du 30 septembre au 4 octobre 2014, 20h
Notre DamnNotre Damn
opéra actuel
Compositions et livret (en anglais, latin et langue inventée) Rachel Burman.
Mezzo-soprano Marie-Annick Béliveau.
Mezzo-soprano Anne Julien.
Soprano Janet Warrington.
Violoncelle et pédale boucle Rachel Burman.
Instruments inventés et collaboration à la mise en scène André Pappathomas

Notre Damn imagine et met en scène les descendantes d’une bande de sœurs-renégates, parties de l’Angleterre à la findu 19 siècle, sous prétexte de fonder une mission dans un pays lointain. Ayant rapidement abandonné leur vocation religieuse pour une vie d’indépendance radicale, trois générations de ces femmes expriment les états et conflits inhérents à leur situation: rébellion contre l’autorité cléricale, la maternité, le désir et l’épreuve troublante de l’isolement...Notre Damn: opéra actuel alliant les mouvements du corps chantant à une chorégraphie contemporaine centrée sur de simples gestes. Ici, le chant opératique est soutiré à son contexte narratif habituel pour créer un monde plus onirique et irrationnel, dépeint à travers les corps des interprètes. Trois chanteuses étonnantes, Marie-Annick Béliveau, Anne Julien et Janet Warrington, se livrent à cette gestuelle insolite et viscérale, recherche d’une expression corporelle rivalisant avec celle de la voix, tout en la révélant.

Fondé par Rachel Burman en 2011, Opéra FOE s’inspire du caractère et de la liberté de la danse contemporaine en conjuguant la force viscérale des corps à celle des voix de ses interprètes. Articulé dans des contextes scéniques précis, le travail d’Opéra FOE privilégie l’indistinct, l’irrationnel et l’assourdi. La forme opératique qui en résulte ouvre sur des tensions et des déroulements dramatiques inattendus. 


Collaboration à la chorégraphie et répétitrice Sarah Williams
Photo Rolline Laporte

Une présentation et une production Opéra Foe


La Chapelle
3700, rue Saint-Dominique
Billetterie : 514-843-7738

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 Critique
Critique

par Pascale St-Onge

L’opéra du corps

Comment se positionne Montréal face à l’avancement de l’industrie et à la création de l’opéra en ce moment ? Entre le monopole de l’Opéra de Montréal et la multitude d’opérettes montées un peu partout dans la province, difficile de dire ce qui se fait de contemporain dans la métropole, à moins de faire intimement partie du milieu. En incluant un spectacle tel que Notre Damn dans sa programmation, le théâtre La Chapelle fait un pas de plus dans sa volonté de (re)devenir une salle multidisciplinaire. Créé par Rachel Burnan, cet opéra contemporain  pour trois interprètes et deux musiciens (violoncelles et instruments inventés) nous prouve bien que la création en opéra a sa place sur nos scènes et tente de pousser plus loin l’interprétation et la mise en scène de cet art que certains prétendent trouver poussiéreux.

Piégés dans une tradition très stoïque du jeu, les interprètes d’opéra sont rarement amenés à explorer le mouvement au sein d’un spectacle. Ceci a pour effet de souvent les déconnecter de l’émotion ou de la sincérité, ne rendant pas tout à fait justice au propos des airs, bien que ceux-ci soient alors maîtrisés à la perfection. Notre Damn explore le mouvement, touchant même à la danse contemporaine, et ce, sans que la performance vocale de la soprano et des deux mezzo-sopranos en soit affectée. Bien au contraire, ce travail du corps nous donne accès à une intériorité des personnages et permet d’aller bien au-delà de la situation de l’opéra. Cette dernière, par ailleurs, est bien floue sur scène. On peut lire dans le programme que la fable suit trois sœur renégates de différentes générations qui quittent leur milieu et qui finiront par tenter de s’émanciper, d’apprivoiser la femme en elles. Peut-être est-ce en raison des trois langues différentes utilisées dans les airs (anglais, latin et langue inventée), mais cette situation concrète est difficile à percevoir dans le spectacle, voire presque impossible au-delà de quelques indices. Cependant, notamment grâce à un jeu intéressant avec le vêtement, les thématiques sont très claires et omniprésentes dans la mise en scène : la rupture avec le sacré, le manque de repères, la féminité, la solitude.

Avec l’apport fort des éclairages de Lucie Bazzo et des chorégraphies de Sarah Williams, les trois interprètes (Marie-Annick Béliveau, Anne Julien et Janet Warrington) évoluent dans un environnement presque vide et notre attention se concentre sur leur travail impressionnant et touchant. Si l’opéra n’est pas toujours accessible, il en est de même pour ce spectacle-ci, bien que Rachel Burnan signe une création audacieuse et pertinente, qui lie le travail du corps à celui de l’art vocal et qui nous hypnotise et nous enchante, à notre propre surprise. Une œuvre rafraîchissante dans le milieu de l’opéra de Montréal.

04-10-2014