« Une femme, silencieuse, les seins vides posés sur les rebords d’une table à manger. » C’est sans doute ce qui servit de point de départ à La Vecchia Vacca, création, obsession et introspection personnelle autour de l’Italie natale, de la famille et du soleil, le tout garni de Nutella. Trois femmes s’acharnent sur un jeune homme qui meugle, tentant vainement d’échapper à l’inévitable: reproduire, encore et toujours, le schéma de son premier et unique amour, celui d’une mère. Leur trio renvoie alors à nos propres obsessions, du trop plein d’amour au manque affectif, sur fond de musiques d’émissions télévisées italiennes des années 60.
garçongarçon a été créé en 2012 par Salvatore Calcagno afin de donner un cadre à ses créations. Né en 1990, Salvatore Calcagno débute en 2011 avec une courte forme nommée Gnocchi mettant en scène un inceste culinaire entre un jeune homme et sa mère. En 2012, il crée La Vecchia Vacca, un succès public et critique, nominé par 2 fois aux Prix de la Critique et présenté à Marseille, Bruxelles et Paris (Vanves). En 2014, Salvatore Calcagno travaille à la création d’une tragédie musicale dans le cadre du Festival XS au Théâtre National de Bruxelles et assiste Armel Roussel à la mise en scène de deux auteurs canadiens, Gilles Poulin-Denis et Sarah Berthiaume. En décembre 2014, il signera sa deuxième mise en scène, Le Garçon de la Piscine qui sera présenté au Théâtre Les Tanneurs à Bruxelles avec l’ensemble de ses créations, confirmant ainsi son statut de jeune espoir théâtral.
Section vidéo
Lumières Amélie Géhin
Costumes Adriana Maria Calzetti
Maquillages Edwina Calcagno
Aide à la scénographie Christine Grégoire.
Aide à la création technique / accessoires et regard extérieur Sébastien Corbière
Voix Off Sophia Leboutte.
Aide à l’arrangement musical Angelo Guttadauria
Régie Kevin Sage et Simon Stenmans
Chargée de production Gabrielle Dailly (Soutien D’[E]Utopia3).
Photo Vincent Arbelet
Une présentation La Chapelle.
Une production Salvatore Calcagno / garçongarçon ASBL.
Avec le soutien de la compagnie [E] Utopia3, du théâtre Les Tanneurs ASBL et de la Fondation Marie-Paule Delvaux Godenne et avec l’aide du Ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles – Service du théâtre, de la Commission Communautaire Française, de Wallonie- Bruxelles International et de Wallonie-Bruxelles Théâtre/Danse
par Pascale St-Onge
Dans le cadre de MONTREAL EN LUMIÈRE, la Chapelle accueille deux spectacles dans son volet « Focus Wallonie-Bruxelles » : DTC (On est bien), dès la semaine prochaine, et La Vecchia Vacca qui avait lieu cette semaine. Malgré que quelques artistes belges, dont Jan Fabre, ont été présentés dans le petit théâtre de la rue Saint-Dominique, ce qui se passe actuellement dans le pays européen nous est souvent méconnu. Le metteur en scène de La Vecchia Vacca, Salvatore Calcagno, a des origines italiennes et c’est un retour vers elles qu’effectue le jeune metteur en scène avec ce spectacle salué par la critique belge.
En trois tableaux à l’écriture scénique imagée qui flirte avec le grotesque, La Vecchia Vacca fait état d’une relation oppressante entre une mère et son fils. Interprétée par trois comédiennes, la figure féminine et maternelle est fragmentée ; sur scène, le trio donne l’impression d’une famille italienne élargie et très proche, mais à l’intérieur de laquelle le fils tente de s’affranchir. Cette tentative est si peu réussie que le personnage du fils nous semble de trop dans la production ; les trois mères sont le réel centre d’intérêt de ce spectacle.
La forme et la direction d’acteurs, qui empruntent aux codes de la commedia dell’arte et la maîtrise du corps, particulièrement chez Coline Wauters - qui trafique complètement sa féminité pour faire place au corps d’une femme usée par le temps -, sont réellement impressionnantes et deviennent les points forts de La Vecchia Vacca. Le deuxième tableau, où les trois femmes potinent entre elles, est certainement le plus réussi des trois pour ces raisons précises. Entre une bouffée de cigarette ou un coup de poudre au visage, leur discussion en italien file à toute allure, déclenchant l’hilarité et la stupéfaction face à ces comédiennes qui maîtrisent parfaitement cette partition de jeu surchargée et exigeante. Le meilleur moment du spectacle, sans le moindre doute.
Malheureusement, les deux autres tableaux ne sont pas tous aussi réussis. Le premier, avec un désir de plasticité liché, nous offre une superposition d’images ; chargées par trop de sens, on en perd l’essentiel. Comme action centrale : l’heure du petit déjeuner, le Nutella qu’on mange quotidiennement et le manque de lait qui sera tiré directement des seins de l’une des femmes par un aspirateur. Cette scène de cuisine chorégraphiée garde une étrangeté grotesque, mais on en retient l’esthétisme et les grandes lignes d’un portrait caricaturé. Les rares textes en français (la majeure partie du spectacle se déroule en italien sans surtitres) ne se limitent qu’à une poésie vide, qui ne raconte pas assez pour supporter l’image scénique que le metteur en scène crée, particulièrement lorsqu’ils sont récités par le fils.
Le dernier tableau tâche de nous achever. Le Fils a grandi, il découvre la féminité autrement, qui semble cacher le même piège que celui de la mère. Le même désir de possession, la même oppression, mais dans un nouveau corps qui, lui, s’échappe de la culture italienne kitch et omniprésente jusqu’ici dans le spectacle. Dans un monologue interminable, une autre comédienne s’adresse à lui, sans jamais obtenir de réponse.
Le Fils s’est-il réellement affranchi ? Impossible à dire ; son parcours est trop flou, tant les femmes sont le centre de la démarche. Mais de quoi parle la pièce? Il semble avoir été difficile de fixer des choix et c'est là le réel problème. Pour cette raison, le spectacle semble emprunter tous les chemins et manque cruellement de direction. Alors que La Vecchia Vacca est un portrait surprenant et ambigu de la mère, chaque élément autre semble superflu et vient nuire à notre compréhension d’une œuvre qui aurait pu être bien plus marquante.