Quelque part entre leurs mots et ceux des autres, les AcharnéEs proposent ici un objet excentrique où la performance se mêle à l'autofiction, où la réalité côtoie l'onirisme le plus déjanté. Tantôt avec fracas, tantôt avec tendresse, Diversion est une rencontre intime entre spectateur et acteur.
Réunis pour fêter la vie, les AcharnéEs réinventent les possibles de la société qui les berce et les berne. Une question fondamentale sous-tend leurs réflexions : dans un monde où l'individu est constamment déresponsabilisé, comment définir son rôle dans le vivre ensemble? Peu à peu, les AcharnéEs se dévoilent par leurs confessions étranges et leurs obsessions singulières... leurs désirs, leurs perceptions et leurs aspirations se matérialisent alors. On distingue de moins en moins le vrai du faux. Le réel de l’inconscient. On plonge dans un univers où les angoisses et les fantasmes de chacun permettent de se redéfinir et de se rassembler. Enfin.
Le Théâtre AcharnéE, réuni depuis plus de 10 ans, produit ses créations originales dans divers événements et festivals. En 2014, le collectif présente à guichet fermé T'en souviens-tu, Pauline? à Espace Libre. À la demande générale, ce solo performatif hommage à la mémoire de Pauline Julien est repris en 2015. Lors du Festival Fringe 2013, Diversion est sélectionné pour plusieurs prix et se voit attribuer celui de Zone Homa pour la création francophone la plus prometteuse. Depuis, les AcharnéEs continuent leurs recherches pour officialiser la création de Diversion à La Chapelle à l'automne 2015.
Section vidéo
Lumières Valérie Bourque
Conception sonore Benoît Côté
Assistance à la création Julie Tessier
Régie Valérie Bourque et Dominic Dubé
Photo Bernard Mauran
Sur place
Tarif régulier 29$
Tarif réduit 25$*
Abonnement de saison 300$
Forfait tout cru 96$
5 spectacles pour 100$
4 x 4 : voyez un spectacle entre amis 88$
3 spectacles et + 22$/billet
* 30 ans et moins + artistes membres d'une association professionnelle, sous présentation d'une carte valide.
En ligne
Tarif régulier 32,50$
Tarif réduit 28,50$*
Abonnement de saison 303,50$
Forfait 5 spectacles non-disponible en ligne
3 spectacles et + 25,50$/billet
* 30 ans et moins + artistes membres d'une association professionnelle, sous présentation d'une carte valide.
Production Théâtre Acharnée
Au théâtre, la volonté de «brasser la cage», de remettre en question les structures plus classiques et rassurantes de la discipline, ou de crier haut et fort son désarroi face à une société engoncée dans son confort et son indifférence, constitue toujours un exercice périlleux. Devant tant d’espoir, la déception risque d’être plus grande. Pour leur unique semaine à La Chapelle, le Théâtre de l’AcharnéE n’a pas réussi avec Diversion à transposer ses idéaux nobles et légitimes en une expérience scénique convaincante.
Selon Le Petit Robert, le mot diversion signifie «une opération militaire destinée à détourner l’ennemi d’un point» ou encore «une action qui détourne quelqu’un de ce qui le préoccupe, le chagrine, l’ennuie». La production autogérée vise plutôt à nous exposer en pleine face leurs réclamations pour une société plus féministe, plus solidaire les uns envers les autres et plus respectueuse de l’environnement. Entre leurs propres mots et surtout ceux empruntés à droite, mais davantage à gauche (dont Pierre Vallières), la compagnie livre un curieux objet où se mêlent et se confrontent la performance et l’autofiction. Ce mélange des influences donne surtout à la proposition inachevée un sentiment décousu.
Pendant un peu plus d’une heure et trente minutes, les trois actrices et l’acteur se dépensent beaucoup par leurs voix et leurs gestes. Juste avant la représentation, nous entendons la troupe s’époumoner sur un rock doux de Marjo (Ailleurs). La directrice artistique et comédienne, Mathilde Addy-Laird, surgit comme une lionne pour nous lire feuilles en main un manifeste bien senti et bien envoyé qui dénonce les concepts de l’industrie culturelle où les travailleurs paraissent traités davantage par le système comme des fonctionnaires que comme de véritables artisans. Pour nous conduire à la salle de spectacle, elle nous entraîne dans les loges où ses comparses retouchent leur maquillage. Lorsque les lumières s’éteignent, le public découvre un plateau dépouillé à l’exception d’une longue table rectangulaire, des poêles accrochées du côté cour dont l’une sert de tambour à de (trop) nombreuses reprises tout au long de la soirée.
Du début à la fin, le quatuor d’interprètes composé également de Sabrina Casault, Cédric Patterson et Audrée Southière tente sans succès, mais avec un aplomb certain, de répondre à une question précise. Il s’agit pour eux de trouver la manière de vivre-ensemble, les uns avec les autres, dans une civilisation qui encourage de plus en plus l’individualisme et la déresponsabilisation.
Les balbutiements de la création ont curieusement remporté un prix à Zone Homa en juin 2013. Pourtant, le résultat final ressemble surtout à une courtepointe (Sabrina Casault partage même avec le public de la laine bleue et des aiguilles à tricoter) désassemblée. Les réprimandes proclamées le poing en l’air avec une ferveur sincère auraient mérité une trame narrative mieux construite et moins disparate. Comme aurait pu l’affirmer Sol, il n’y a pas ici de fuites devant les idées. Les flashs abondent tout comme les clins d’œil à la culture populaire, de Renée Martel (Nous on aime la musique country) à la mélancolie de Marie-Jo Thério (Arbre à fruits, arbre à fruits), en passant par Daniel Lavoie (Ils s’aiment, prétexte à une comique parodie de groupe) ou encore Dalida (déhanchements exubérants de Patterson sur Laissez-moi danser). Leurs allusions entraînent bien quelques sourires, mais laissent peu de trace ou de matière à réflexion.
Car Diversion comporte tout de même des séquences fortes ou sarcastiques, dont le pastiche du jeu de société aux questions croustillantes sur les formes de violence propagées contre les femmes. Mathilde Addy-Laird déclame avec une grande conviction Assis de la regrettée Hélène Pedneault en souvenir de La marche du pain et des roses, en plus de nous ramener à la mémoire les incidences encore délétères de la tuerie de Polytechnique. Sabrina Casault se révèle très émouvante dans son réquisitoire contre la soumission des femmes dans le rôle «d’infirmières de l’humanité», grafignant au passage la notion du «care» très répandue chez certaines féministes à la mode. Audrée Southière, très impressionnante dans la précédente réalisation de la compagnie (la superbe T’en souviens-tu, Pauline?, un bijou d’enchantement présenté au studio Espace Libre), démontre encore une fois une présence remarquable, notamment par l’évocation de sa solitude ou de sa crainte de mourir en passant à côté de l’essentiel. Leur confrère masculin divertit lors de son interpellation avec l’auditoire, en anglais, pour vanter «le merveilleux Mile-End», telle la huitième merveille du monde pour les «branchés» des tendances éphémères, mais ses confidences d’aventures sexuelles sans lendemain apportent peu d’intérêt à l’ensemble.
Souhaitons au Théâtre de l’AcharnéE un équilibre plus harmonieux entre la forme et le fond, ainsi qu’une dramaturge plus rigoureuse pour leurs prochains périples. Leur parole volontaire mérite de réveiller notre société trop souvent engourdie.