Après avoir présenté Je suis un autre (2012) et Au sein des plus raides vertus (2014), la chorégraphe émérite Catherine Gaudet revient à La Chapelle avec Tout ce qui va revient, une trilogie de solos percutants qui seront interprétés par Clara Furey, Louise Bédard et Jolyane Langlois.
Une seule figure. Trois faces.
Une tentative.
Entre réel et fantasme.
Entre passé trouble et présent flou.
Entre cauchemar et rêve doux.
Être avec vous est la chose la plus belle.
Être avec vous est un supplice.
Parce qu’être avec moi seule est un calvaire quotidien.
Catherine Gaudet a complété un baccalauréat et une maîtrise en danse contemporaine à l’UQAM. Elle a d’abord travaillé en tant qu’interprète avec divers chorégraphes avant de s’engager dans une recherche chorégraphique personnelle en 2004. En 2008, elle participe au Aarhus International Choreography Competition au Centre chorégraphique Archauz, Danemark, où elle remporte le second prix. Elle fut récipiendaire, en 2010, du Prix David-Kilburn de la Fondation de l’UQAM, attribué à un jeune chorégraphe.
Chorégraphe Catherine Gaudet
Avec Louise Bédard, Clara Furey, Sarah Dell’Ava
Crédits supplémentaires et autres informations
Coproduction La Chapelle, scènes contemporaines, Studio 303, Nadère arts vivants, Dany Desjardins
Après avoir présenté Je suis un autre (La Chapelle, 2012), Au sein des plus raides vertus (FTA, 2014) et La très excellente et lamentable tragédie de Roméo et Juliette (Usine C, 2016), Catherine Gaudet revient à La Chapelle avec Tout ce qui va revient, une trilogie de solos tirés de son répertoire créés expressément pour les danseuses Sarah Dell’ava, Clara Furey et Louise Bédard. Ce nouveau spectacle présente trois étapes de réflexion sur le rapport qu’entretient l’interprète avec la performance. C’est autour de la question du regard que la chorégraphe a concentré son expérimentation.
Le public est accueilli à La Chapelle dans une ambiance festive. Alors que des guirlandes de papier pendent du plafond, les spectateurs se font offrir un shooter de vodka et un chapeau de fête. Sarah Dell’ava se présente au micro, malhabile et hésitante. Elle justifie les décorations par le fait que la première du spectacle coïncide avec son anniversaire de 30 ans. Puis, elle reste longtemps immobile à chercher quoi ajouter et à se remémorer si elle avait autre chose à dire au public avant le début de la représentation. Alors que le préambule s’étire et que l’impatience se fait ressentir dans la salle, la danseuse se place à l’avant-scène et regarde longuement les spectateurs. Elle conseille à certains de se fermer les yeux, elle commente l’inconfort qui naît de l’absence de danse, elle échappe de petits rires nerveux. Mais c’est dans cette latence que réside tout l’intérêt de la première chorégraphie de Catherine Gaudet, qui réussit à tromper le spectateur et à déjouer ses attentes. On se prend à être agacé par le manque de confiance en soi de Sarah Dell’ava, avant d’être intrigué par ses tics et ses expressions faciales grimaçantes, puis d’être fasciné par la justesse de son jeu et par ses talents de danseuse. Des trois interprètes de la soirée, Dell’ava est celle qui offre la performance la plus audacieuse et la plus aboutie. En quelques minutes, son regard passe de la colère, aux larmes, en passant par l’euphorie et la gêne. Quoique désagréable, la mise à l’épreuve du spectateur que propose Catherine Gaudet, par la lente progression de la chorégraphie, mais aussi par un remix de Habit (Stay High) insoutenablement répété de plus en plus fort, est salutaire et confrontant pour le public contemporain trop souvent à la recherche d’une performance rapide et efficace.
Le second solo, tiré du spectacle Cabaret Gravel, est magnifiquement interprété par Clara Furey. Élégante avec son costume noir et ses talons hauts colorés, elle cherche à déconstruire l’image de la diva pop en multipliant les postures. Catherine Gaudet se sert aussi des talents de chanteuse de Furey pour prolonger ses expérimentations sur le rapport amour-haine entre une interprète et son public. Plus conventionnelle, cette proposition n’en est pas moins intéressante, notamment pour la réappropriation de la chanson Drunk in Love de Beyoncé, d’abord fredonnée par la chanteuse, puis hurlée par elle et son frère Tomas Furey. C’est d’ailleurs ce dernier qui signe la conception musicale des trois solos de la soirée.
La représentation se termine avec un solo de Louise Bédard, une figure majeure de la danse québécoise. Or, ce qui aurait pu être le clou de la soirée a finalement été plutôt décevant. Comme dans le premier tableau, Catherine Gaudet explore l’extrême proximité avec le public. La danseuse insulte un spectateur, s’assoit sur les genoux d’un autre, multiplie les commentaires désobligeants. Le solo a été créé dans le cadre du programme Pluton de la compagnie La 2e Porte à gauche qui consiste à jumeler des chorégraphes contemporains avec des danseurs seniors. Peut-être est-ce pourquoi Catherine Gaudet a choisi d’explorer la question du vieillissement de l’interprète et des pertes de mémoire. Or, connaissant tout le potentiel de Louise Bédard, nous aurions espéré plus d’audace de la part de la chorégraphe, autant au niveau de la thématique que de l’exploration du mouvement. Si certains passages sont réussis, notamment l’introduction qui explore la fragilité d’une danseuse d’expérience, ce troisième solo paraît pâle après la flamboyance des deux premières performances.
Le programme triple a l’avantage de donner une deuxième vie à des solos dont la création avait été réservée à un public plutôt restreint, en plus de montrer différentes facettes du travail de Catherine Gaudet.