En farsi et en arabe, zéro c’est « sefr » : le vide. C’est au cœur de cette pure abstraction qui avale tous ses multiplicateurs que nous allons plonger.
« Et si les Iraniens avaient gagné leurs élections en 2009 ? Et s’il n’y avait pas eu la guerre, l’exil, le regard de l’autre, la division, la séparation ? Et si… ? »
Cherchant ce qui nous rassemble plutôt que ce qui nous divise, Mani Soleymanlou veut retourner au souffle qui l’avait amené à prendre la parole il y a 8 ans pour son premier spectacle UN. À ce vide. Avant ce qui survient. Ce zéro. Ce cercle primaire qui nous (r)attache les uns aux autres.
Un objet théâtral singulier, qui se déroulera en trois temps et lieux distincts pour permettre à l’œuvre de s’installer et de vibrer différemment chez les spectateurs. Pour étirer et transformer le temps de la représentation et chercher le fondement de l’acte théâtral. Pour revenir à la question originelle : « qu’est-ce qui nous pousse les uns vers les autres et nous relie ? »
Texte, mise en scène et interprétation Mani Soleymanlou
Crédits supplémentaires et autres informations
Assistanat à la mise en scène Jean Gaudreau
Conception d’éclairage Erwann Bernard
Conception sonore Larsen Lupin
Composition originale Albin de la Simone
Direction de production Catherine La Frenière
Direction technique Jenny Huot
Secrétariat général et collaboration Xavier Inchauspé
Photo Jean-François Hétu
Jour de fête : 11 novembre
Tarifs La Chapelle
Jours de fête 15$
12 ans et moins 18,50 $
Étudiant art vivant* 23,50 $
Étudiant* 28,50 $
30 ans et moins* 28,50 $
65 ans et plus* 28,50 $
Professionnel art* 28,50 $
Organisme partenaire 28,50 $
Voisinage* 28,50 $
Régulier 33,50 $
EN LIGNE : + 3,50$ de frais de service
AU TÉLÉPHONE : + 2,00$ de frais de service
* Détails et conditions sur le site http://lachapelle.org/fr/billetterie
À Ottawa
Au Studio Azrieli du CNA du 27 au 30 novembre 2019
À la Quatrième salle du CNA le 30 novembre 2019 au soir
Une coproduction de Orange Noyée, Théâtre français du CNA
En codiffusion avec La Chapelle Scènes contemporaines
Après Un, Deux, Trois, Ils étaient quatre, Cinq à Sept, Huit et Neuf (titre provisoire), Mani Soleymanlou clôt son cycle des chiffres avec Zéro. Seul en scène, l’auteur, acteur et metteur en scène d’origine iranienne (puis Parisien, Torontois, Ottavien et Montréalais) poursuit la quête identitaire qu’il avait amorcée dans ses spectacles précédents.
Mani Soleymanlou possède un talent indéniable pour raconter des histoires et Zéro en est la preuve irréfutable. Impossible de ne pas sourire lorsqu’il raconte sa fierté de fréquenter l’épicerie en vrac de son quartier (malgré la lourdeur des pots réutilisables qu’il faut traîner), son végétarisme hivernal (« parce que l’été, il y a le barbecue… ») ou encore quand il ressort des extraits de critiques de ses précédents spectacles pour qualifier son esthétique « entre Wajdi Mouawad et Robert Lepage ». Avec beaucoup d’humour, le comédien pose un regard critique sur l’actualité récente en abordant la loi 21, les réformes sur l’immigration, les propos haineux, les interventions de Mathieu Bock-Côté ou celles de Richard Martineau. Maintenant père d’un garçon de quatre ans, Mani se demande dans quelle société grandira son fils et à quels défis il sera confronté. Il s’étonne aussi de l’intérêt marqué que son garçon pour l’« Iranie », qui cherche à comprendre pourquoi il peine à communiquer avec son grand-père et essaie d’apprendre à dire certains mots en iranien.
Alors que Mani exprime sa certitude de vouloir ramener son identité à zéro, le spectacle montre au contraire qu’il reste habité par le flou qui entoure le départ précipité de sa famille de l’Iran.
Le décor de Zéro consiste en une montagne de chaises empilées pêle-mêle, celles-là même qui, disposées en rangées, meublaient la scène d’Un, Deux et Trois. L’amoncellement reflète bien le désordre qui règne dans la tête de Mani, surtout après que son père l’ait appelé out of nowhere il y a quelques mois pour lui raconter les raisons réelles qui l’ont amené à quitter l’Iran pour ne plus jamais y revenir. Cette révélation constitue le fil conducteur du spectacle. Alors que Mani exprime sa certitude de vouloir ramener son identité à zéro –la chanson « C’est zéro » de Julie Masse donne d’ailleurs le coup d’envoi à la pièce –, le spectacle montre au contraire qu’il reste habité par le flou qui entoure le départ précipité de sa famille de l’Iran. En témoigne un passage où il raconte un rêve durant lequel l’une des sœurs Kardashian lui fait prendre conscience qu’une fois que ses parents seront décédés, il n’aura plus personne avec qui parler sa langue maternelle. On constate ce même rapport amour-haine avec sa culture d’origine alors qu’il dépeint avec agacement l’enthousiasme de sa blonde pour la célébration du Nouvel An iranien. Pour elle, il faut que leur enfant puisse être en contact avec certaines traditions iraniennes que Mani prend plaisir à tourner au ridicule, notamment celle de déposer une orange dans un bol d’eau (l’« orange noyée » qui donne son nom à la compagnie de Soleymanlou) pour symboliser la Terre qui flotte dans son univers.
Tout au long du spectacle, on retrouve un jeu entre la réalité et la fiction, entre le prévu et l’imprévu, ainsi qu’entre le tragique et le comique. L’habileté avec laquelle l’auteur-acteur-metteur en scène jongle avec différents registres force l’admiration. Cela donne lieu à des remarques cyniques comme le fait que malgré l’impression de superhéros Marvel que laisse présager leur nom, les « Gardiens de la Révolution » qui ont bâillonné et terrifié le père avaient des intentions hautement moins valeureuses. Mais c’est surtout l’authenticité de Mani Soleymalou qui séduit le public, puisque Zéro est le spectacle du cycle des chiffres qui puise le plus profondément dans l’intime et dans l’autofiction. Derrière les chorégraphies, les acrobaties, l’autodérision et les blagues se cachent une véritable quête identitaire et des craintes réelles quant à l’avenir des prochaines générations.
Mentionnons finalement qu’en guise d’épilogue, le spectacle Dix sera présenté le 23 novembre prochain, pour un soir seulement, alors que Adib Alkhalidey, Dany Boudreault, Catherine Chabot, Manal Drissi, Brigitte Haentjens, Lydia Képinski, D. Kimm, Emmanuel Schwartz, Larry Tremblay et Jean Verville monteront sur scène pour tenter d’expliquer qui ils seraient aujourd’hui s’ils avaient la possibilité de repartir à zéro. Mais seuls les membres du public de Zéro, preuve à l’appui, auront droit à cet épilogue.