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Du 29 mai au 1er juin 2013, mercredi et jeudi 19 h vendredi 20 h samedi 16 h et 20h
tout courtThéâtre Tout Court XI
Présenté à la Petite Licorne
Direction artistique Serge Mandeville et Véronick Raymond

L’idée est simple : dans une ambiance de cabaret décontractée, de jeunes acteurs de la relève et des acteurs d’expérience présentent de courtes pièces d’une durée d’environ 10 minutes. Théâtre tout court, c’est un banc d’essai où sont joués des textes efficaces, tantôt surprenants, tantôt drôles, souvent créés pour l’événement, mais aussi issus du répertoire américain. Chaque série de représentations est différente. Venez les découvrir !


Liste des pièces de mai 2013

Variations en blanc, texte Jessica Lupien et Philippe Robert, m.e.s. Jean-Simon Traversy, avec Jean-Guy Bouchard, Jessica Lupien et Philippe Robert;
Agace, texte Jean-Philippe Baril-Guérard, avec Jean-Philippe Baril-Guérard et Isabeau Blanche;
Salle d’attente, texte Serge Mandeville, m.e.s. Olivia Palacci, avec Serge Mandeville, Véronick Raymond et Philippe Robert;
La tragédie du mécano, texte Hugo B. Lefort [1er texte], m.e.s. Édith Côté-Demers [1e m.e.s. prof.], avec Stéphanie Bélanger, Nicolas Chabot, Hugo B. Lefort, Édith Côté-Demers ou Catherine Le Gresley;
Shish Taouk, texte et m.e.s. Debbie Lynch-White [1er texte et m.e.s. prof.], avec Marie-Hélène Gosselin et Alex Martel;
Un vibrant hommage, texte et m.e.s. Guillaume Tremblay, œil extérieur Olivier Morin, autre œil extérieur Guillaume Perreault, avec Véronique Chaumont, Sébastien Huberdeau, Catherine Le Gresley, Martin Skorek et Guillaume Tremblay;
entracte
Switch, texte et m.e.s. Isabelle Dupont, avec Catherine Huard, Dominique Leclerc, François-Simon Poirier et Christian E. Roy;
Pervers, texte Jean-Philippe Baril-Guérard, avec Jean-Philippe Baril-Guérard et Isabeau Blanche;
Tsunami postféministe, texte Diana Grisanti, traduction Véronick Raymond, m.e.s. Serge Mandeville, avec Gaële Cluzel-Gouriou, Martine Lalande, Olivia Palacci et Véronick Raymond.
Le fantôme, texte et m.e.s. Simon Lacroix, avec Simon Lacroix, Ève Pressault et Christian E. Roy;
Jardin sec, texte Édith Paquet [1er texte], m.e.s. Frédéric Blanchette, avec Louis-Olivier Maufette et Édith Paquet;

Une production Groupe Théâtre tout court / Absolu Théâtre


La Petite Licorne
4559, avenue Papineau
Billetterie : 514-523-2246

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 Critique
Critique

par David Lefebvre

Alors que le Festival TransAmériques et le OFFTA battent leur plein, Absolu Théâtre propose à la Petite Licorne la onzième édition de ses Théâtre tout court pour trois jours seulement, selon la coutume. Happening de plus en plus apprécié et reconnu, autant du milieu théâtral que du grand public, ce banc d'essai devient rapidement un incontournable pour le style de la courte forme à Montréal. Il impose d'ailleurs des normes de qualité maintenant indéniable et démontrée encore une fois durant cette édition, et ce, malgré que l’événement se targue d’être toujours un laboratoire ayant comme slogan « si c’est pas bon, c’est pas grave, parce que c’est pas long ».

Cette édition de mai 2013 se veut franchement hilarante et passionnante à plusieurs égards ; une belle suite à celle de février dernier. Si les relations interpersonnelles, la mort et le sexe reviennent incessamment, mais souvent de façon ingénieuse, on tire ici réellement un peu partout, avec de très étonnantes propositions qui se démarquent du lot par leur aspect singulier. Jessica Lupien et Philippe Robert brisent la glace avec Variations en blanc, mise en scène par Jean-Simon Traversy, où trois personnages (incarnés par Lupien, Robert et Jean-Guy Bouchard) reprennent la même suite de mots dans cinq situations absolument différentes, d’un déménagement à une partie de strip-poker, d’une chanson dans un cabaret à une game à la télé ; brillant. Jean-Philippe Baril-Guérard frappe fort avec deux textes qui se font écho en première et en deuxième partie. Il y a d’abord Agace, qui met en scène une jeune femme (Isabeau Blanche) qui croit que son « ami de gars » éprouve des sentiments pour elle. Elle s’épanche alors, et explique qu’elle n’a pas voulu donner cette impression, n’ayant jamais rien ressenti pour lui. Un texte qui allie avec une certaine agilité toute féminine la subtilité, la gentillesse et la bitcherie. Dommage que le débit de la jeune femme ne soit pas un tantinet plus rapide, ne laissant ainsi à son comparse aucune chance de répliquer. En contrepartie, la partition intitulée Pervers porte très bien son nom : c’est au tour de l’homme de monologuer, et de manière beaucoup plus crue et directe. Il s’en prend à sa partenaire, qui semble avoir refusé une certaine pratique sexuelle qu’il aurait bien aimé satisfaire. Sa réflexion, d’abord (plus ou moins) respectueuse et sans jugement, tout en avouant qu’il est quand même déçu, dégringole vers la culpabilité de se sentir pervers alors que c’est peut-être l’autre qui a un problème de frigidité.

Le directeur artistique Serge Mandeville propose un premier texte inspiré directement du style des courtes pièces américaines qu'il affectionne particulièrement, qui oppose un homme (Mandeville) et une femme (la codirectrice Véronick Raymond, un plaisir de les voir jouer ensemble) dans une salle d’attente. Alors qu’il croit la reconnaître, elle dit n’avoir aucun souvenir de lui. En fait, plus elle réfléchit, plus elle perd la mémoire, tout comme son comparse. Où sont-ils d’ailleurs? Qu’attendent-ils? Est-ce que le préposé (Philippe Robert), qui surgit tout à coup lors de leur discussion, pourra les aider? Suivent deux blocs absolument délirants. D’abord La tragédie du mécano, un (premier) texte d’Hugo B. Lefort en alexandrin de Laval, aussi tragique que Racine et aussi étonnant que Molière qui auraient été revisités par Claude Meunier, qui met en scène un couple, un garagiste, une infirmière, un accident de voiture, des aveux d’adultère et beaucoup de rires. Un pastiche savoureux des classiques et franchement fascinant, dirigée par Édith Côté-Demers (première mise en scène professionnelle), qui plairait aussi au public adolescent. Puis vient Shish Taouk, un premier texte et une première mise en scène pour Debbie Lynch-White, où un homme (Alex Martel) finit enfin par dire sa façon de pensée (et toute sa honte) à sa copine (délirante Marie-Hélène Gosselin) qui s’avère être tout un numéro. La première partie se termine avec un numéro « spacial », qui déroge du style habituel de Théâtre tout court. Guillaume Tremblay nous amène sur Mars, plus précisément sur le plateau de tournage d’un long-métrage en hommage à Yvon Deschamps, dont on ne garde comme souvenir que le texte des unions et, peut-être, un harmonica. Réalisateur, acteur, et équipe de tournage engagée localement – des extraterrestres (superbes marionnettes) – débattent, s’obstinent, font venir producteur et auteur par téléportation à la Star Trek. Clones de 4e génération, multiples références à la culture populaire et geek, on se croirait dans un amalgame de sketch des Chick’n Swell et de la bande dessinée Motel Galactic de Pierre Bouchard et Francis Desharnais.

La deuxième partie offre aussi plusieurs excellents moments, malgré la proposition moins intéressante (quoique tout de même réussie) de Diana Grisanti, Tsunami postféministe, où trois femmes séquestrent la nouvelle « amie avec bénéfice » de leur ex. Pour son bien, évidemment. Même après le post-post-post féminisme, il faut croire que certains hommes déclencheront chez les femmes de puissantes dépendances. Dommage que la réflexion n’aille plus loin. Isabelle A. Dupont ouvre les vannes de l’humour absurde avec Switch, où une femme se voit imposer le copain de sa meilleure amie, alors que le sien part avec celle-ci, prétextant l’amour déchu et le désir de ne pas se retrouver seul ; un échange de couple imposé, quoi, qui ne fait carrément pas l’affaire de la dame. Le Fantôme de Simon Lacroix se veut aussi délicieusement absurde, un peu à la manière des Appendices, ou de Théâtre Bocal qu'on a pu voir il n'y a pas si longtemps sur la même scène : alors que deux amis, dont l’un d’eux base toute sa vie sur l’existence des fantômes, explorent une vieille grange, ils font la rencontre de la Dame Blanche, qui hante les lieux. Alors que notre amateur de spectres décampe à la vue de celle-ci, le second ami reconnaît chez le fantôme une vieille amie d’école. S’amorce ainsi une discussion tout ce qu’il y a de plus conviviale : que deviens-tu, te rappelles-tu de, c’est le fun être fantôme? L’homme fait alors le constat qu’elle est sous la forme spectrale parce qu’elle est triste, et décide de la délivrer en lui offrant une journée de plaisir. La soirée se termine sur un texte plus introspectif d’Édith Paquet qui y interprète aussi le rôle principal, soit celle d’une jeune femme à la croisée des chemins. Après un jogging au Jardin botanique, en voyant les nourrissons des autres et les séances photo de jeunes mariés, elle sombre dans une hallucination où elle dialogue avec l’incarnation de Takashi Shimura (Louis Olivier Mauffette), acteur fétiche d’Akira Kurosawa, qui lui montrera le sabre au creux de son ventre, cette douleur lancinante de la perte d’un père décédé.

Relevée et irrésistiblement drôle, cette édition de Théâtre tout court ravira les habitués de l’événement tout comme les novices, qui étaient légion lors de la première ; un excellent signe.

29-05-2013