On pénètre littéralement dans ce spectacle sans paroles, où se côtoient avec une joyeuse fantaisie les arts visuels, le théâtre et la musique. Telle Alice traversant le miroir, les spectateurs franchissent d’abord une grande porte surmontée d’une horloge, puis déambulent devant des cabinets de curiosités, chacun dévoilant des merveilles. Au bout du chemin, un homme-orchestre-oiseau attend. Avec ses instruments, il fait entendre le monde et en révèle chaleureusement les secrets. C’est aussi lui qui actionne la manivelle du temps : à son signal, de colorés personnages apparaissent dans une série de saynètes rigolotes illustrant le passage des saisons.
Après avoir invité les enfants à s’introduire réellement dans un gâteau géant avec Amour, délices et ogre, l’artiste interdisciplinaire Claudie Gagnon les fait entrer chez le maître du temps… On reste ébahi devant la richesse et la singularité de son imaginaire : les univers qu’elle propose, un brin « vintage » et intrigants, tiennent de l’abécédaire vivant. Le spectacle propose aux enfants une expérience privilégiée, un rituel enchanté qui les amène à la fois dans et hors du temps.
Section vidéo
Conception des décors, des costumes et des accessoires : Claudie Gagnon
Musique : Frédéric Lebrasseur
Éclairages : Jonas Veroff Bouchard
Photos : Louise Leblanc
Durée 55 minutes
Une création Théâtre des Confettis
par Olivier Dumas
Avec la plaisante rencontre entre les arts visuels de l’installation et les performances d’acteurs dans l’esprit du mime, le Théâtre des Confettis séduit les tout-petits avec leur nouvelle œuvre scénique, Les mécaniques célestes.
Depuis deux ans, des productions de la Maison Théâtre investissent avec bonheur les différents espaces du Théâtre Prospero. Elles charment par leur originalité et leurs esthétiques qui sortent des cadres traditionnels de la représentation. L’automne précédent, la compagnie française Le Vent des Forges avait ébloui tous ceux et celles qui ont eu l’immense joie d’assister à l’inoubliable Chubichaï, où deux virtuoses artisanes ont façonné sous nos yeux un petit garçon avec de la terre d’argile. Le Théâtre des Confettis, originaire de la ville de Québec, avait également séduit son auditoire au théâtre de la rue Ontario durant la période des Fêtes l’an dernier avec Flots, tout ce qui brille voit, une autre petite forme sertie dans un écrin de velours.
Leur plus récente proposition s’inscrit en partie dans la même continuité par son mariage entre la musique et le jeu. Par contre, le traitement des Mécanismes célestes se démarque par son absence de mots, par des prestations inspirées de la pantomime et par sa scénographie hétéroclite conçue par la metteure en scène Claudie Gagnon. Tout au long du périple, les jeunes spectateurs et spectatrices observent avec attention tous les objets présentés dans des espaces compartimentés comme lors d’une visite au musée. Pour décrire avec justesse toutes les étapes et dimensions de cette création inusitée, il faut parler plutôt d’un parcours. Celui-ci dure environ une heure et se déroule sans anicroche de la première à la dernière minute.
Avant de se rendre dans la salle principale du Prospero, le public est amené à se dévêtir de ses manteaux, foulards et bottes. Sur la scène, de vieilles horloges et des miroirs déformants (dans lesquels certains ont pris grand plaisir à s’examiner) ornent la façade extérieure de l’espace de jeu. C’est le moment où tous et toutes se mettent en ligne pour entrer dans le lieu d’exposition et de représentation (l’illustration d’une sorte de théâtre dans un théâtre). Pour amorcer le périple, un monsieur vêtu d’un costume classique et coiffé d’une casquette (Jonathan Gagnon) nous accueille le sourire aux lèvres. Il note minutieusement sur une feuille de papier le nombre de visiteurs et nous ouvre une immense porte. De l’autre côté, derrière une vitre, une mystérieuse dame en rouge (Marianne Marceau) nous regarde défiler avec un regard envoûtant. À quelques pas, nous contemplons, entre autres, un énorme gâteau enrobé de crémage blanc qui tourne sur lui-même, un mobile de papillons colorés et des perles précieuses. Nous atterrissons ensuite devant une petite scène où se trouve déjà un musicien (Frédéric Lebrasseur), bientôt rejoint par ses deux partenaires de jeu. Les adultes s’assoient dans les gradins et les enfants, sur le sol. La proximité du lieu favorise le climat d’intimité et de rapprochement recherché par les concepteurs du spectacle.
Contrairement à Flots… qui bénéficiait d’une trame narrative continue, la production Les mécaniques célestes se caractérise par une succession de courtes séquences sans paroles, comme de petites vignettes saisies sur le vif par un appareil photographique. Le trio démontre toujours une belle complicité. Gagnon et Marceau changent rapidement de costumes ; ils apparaissent notamment en nageurs qui écoutent les sons d’un coquillage, en amoureux qui se courtisent avec des fleurs ou en membres d’un orchestre. L’ensemble est mené tambour battant sans temps mort. Plusieurs rires fusent. En plus de l’interprétation, les dimensions sonores et visuelles du spectacle ont interpelé le jeune auditoire. La musique plutôt festive amuse et fait sourire la galerie. Vers la fin, de nombreux gamins et gamines tentent spontanément d’attraper les ombres de lumière créées par un éclairage tamisé et la rotation de petites boules de miroirs accrochées au plafond. Le même enthousiasme se traduit lorsqu’une pluie de confettis tombe délicatement sur eux tout juste après, comme la métaphore d’une célébration.
Le seul petit reproche concerne curieusement le manque de magie ou d’émerveillement si l’on compare la mixture des Mécaniques célestes avec les petits bijoux de sensibilité et de poésie exquise présentés au même endroit depuis deux ans. Mais fort heureusement, sa réalisation demeure irréprochable, grâce à l’investissement de ses collaborateurs. Tous en sortent le cœur léger et des étincelles dans les yeux.