On l’a d’abord nommé Tarek, comme son père. Ensuite Mohamed, comme le prophète. Sa mère l’appelait Besbouss, «celui que l'on veut couvrir de baisers». Mais l’Histoire l’a nommé martyr de la révolution, après qu’il se fut immolé, par désespoir, devenant l’étincelle qui alluma le feu du printemps arabe.
Besbouss est l’autopsie d’un révolté, la fine analyse à laquelle se livre un médecin légiste qui se penche sur la mort des illusions du peuple tunisien. Et la lumière, l’humanité qui réussissent à s’élever au-delà de la faim, de l’insécurité et de l’humiliation grâce à des hommes et à des femmes épris de liberté.
L’universalité de cette belle et courageuse histoire qui transcende les frontières, bien au-delà du Maghreb, nous confronte à nos petites et grandes révolutions, qu'elles soient collectives ou intérieures.
Section vidéo
Assistance à la mise en scène et régie Guillaume Cyr
Scénographie Michel Crête
Costumes Julie Castonguay
Lumière Étienne Boucher
Musique originale Alexander MacSween
Vidéo Geodezik
Une coproduction du Théâtre de Quat’Sous
et du Théâtre il va sans dire
par Geneviève Germain
La pièce Besbouss - Autopsie d’un révolté a su retenir l’attention du rédacteur en chef de MonTheatre en décembre dernier, probablement pour l’originalité du sujet et la qualité des collaborateurs qu’elle réunit. Revenant sur l’événement déclencheur du printemps arabe, soit le suicide du jeune marchand ambulant Mohamed Bouazizi, la pièce se livre à un épineux monologue d’un médecin légiste qui s’adresse au corps de ce jeune mort par immolation, porté au statut de martyr par tout un peuple qui en a assez de la corruption et du sombre avenir réservé à ses nombreux chômeurs.
C’est l’auteur Stéphane Brulotte qui signe le texte de cette pièce engagée, lui qui s’est attaqué par le passé à des personnages inspirants tels Napoléon Bonaparte (Une partie avec l’empereur, 2010) et Ernest Hemingway (Dans l’ombre d’Hemingway, 2011). Dans le monologue qu’il propose au Quat’Sous, l’auteur soulève plusieurs questions touchant aux motifs et à la portée réelle du geste suicidaire de Mohamed, surnommé Besbouss par sa mère, ce qui veut dire « celui qu’on veut couvrir de baisers ». Les circonstances précipitées et la violence de ce décès frappent l’imaginaire, tout comme la description désabusée que le médecin légiste fait de sa société, composée de gens qui « préfèrent se plaindre du tyran plutôt que de se demander pourquoi ils obéissent ». Pourquoi avoir précipité sa mort sur la place publique? Quel message souhaitait-il vraiment livrer?
À la mise en scène : Dominic Champagne. Directeur de nombreuses productions théâtrales et télévisuelles et concepteur de trois spectacles du Cirque du Soleil (Love-The Beatles, Zumanity, Varekaï), Dominic Champagne est également reconnu pour son engagement citoyen. Il n’est donc pas étonnant de le voir s’impliquer dans ce projet qui explore les débuts d’un mouvement qui a su soulever l’ire d’une nation et attirer l’attention du monde entier. Dans Besbouss-Autopsie d’un révolté, le metteur en scène mise sur la sobriété : le seul acteur de la pièce évolue dans un décor sombre, dépeignant un sous-sol d’un édifice gouvernemental, et s’adresse directement au corps immolé couvert d’une simple couverture et couché à même le plancher de la salle.
C’est l’acteur Abdelghafour Elaaziz qui livre le lourd monologue de cette production, lui qui faisait notamment partie de la distribution de l’adaptation cinématographique d’Incendies. Il incarne avec sensibilité, quoique de façon parfois trop appuyée, ce médecin qui a déjà eu, lui aussi, des idéaux, mais qui s’est plié aux exigences d’un système corrompu pour sauver sa peau. Il examine ces zones de gris existantes entre ce que l’on souhaite, ce qu’on est prêt à sacrifier pour l’atteindre et la dure réalité.
Malgré la promesse d’une analyse plus approfondie d’un fait divers qui a su devenir un événement marquant de l’histoire, les propos de Besbouss-Autopsie d’un révolté finissent par tourner en rond autour des mêmes questions pour aboutir à un message moral qui est souligné à gros traits vers la fin de la pièce. Même s’il laisse peu de place à une libre interprétation par ses spectateurs, le texte de Stéphane Brulotte a néanmoins le mérite d’exploiter un angle original en donnant la parole à un médecin légiste lui-même corrompu et en analysant les tenants et aboutissants de la révolte sociale et de l’engagement citoyen.