Au commencement, ils étaient trois. Humbles, modestes, travaillants. À la fin, ils formaient un effroyable empire. Des ruelles charbonneuses aux hautes tours du monde de la finance, une saga colossale prend vie dans le terreau fertile qu’est le pouvoir économique avec ses mécanismes, ses ambitions, ses forces vives. Et aussi ses gouffres.
Le 15 septembre 2008, des millions de familles américaines se retrouvent à la rue, broyées par une implacable machine capitaliste. Qui est responsable ? Les grandes sociétés bancaires ? Les chefs d’État ? Les trois frères Lehman, immigrants juifs débarqués dans un port de New York au 19e siècle ? Chapitres de la chute remonte le cours du capitalisme moderne et dépose entre nos mains les indices de destruction qui ont jalonné la vie des Lehman Brothers et de leurs descendants.
Auteur fréquemment joué sur les grandes scènes d’Europe et directeur du prestigieux Piccolo Teatro de Milan, Stefano Massini livre avec cette pièce monumentale écrite en 2013 une fascinante histoire de l’Amérique.
Texte Stefano Massini
Traduction Pietro Pizzuti
Mise en scène Marc Beaupré et Catherine Vidal
Avec Louise Cardinal, Vincent Côté, Catherine Larochelle, Didier Lucien, Igor Ovadis et Olivia Palacci
Crédits supplémentaires et autres informations
Assistance à la mise en scène Julien Véronneau
Costumes Elen Ewing
Décor Pierre-Étienne Locas
Lumière Alexandre Pilon-Guay
Musique Francis Rossignol
Collaboration dramaturgique Jessica Roda
Régie Pierre-Olivier Hamel
Avant la première 26$
En prévente jusqu’au soir de la première représentation de chacun des spectacles. Prix au guichet. 3$ supplémentaire par téléphone ou sur le web.À compter de la première 36$
Prix au guichet. 3$ supplémentaire par téléphone ou sur le web.
2 pour 1 : 36$
Les samedis à 16h, selon les disponibilités. Pour en bénéficier, présentez-vous au guichet à partir de 15h.Plusieurs tarifs spéciaux et pour les groupes disponibles
Les tarifs peuvent varier pour les spectacles en accueil, les supplémentaires, les événements spéciaux et les productions en extra à la saison
TARIFS SPÉCIAUX
Abonnement complice : 3 spectacles ou + : 26$/spectacle
Perdre le nord - 18$ (Prix au guichet. 3$ supplémentaire par téléphone ou sur le web.) // 3 lectures 45$
Notre bibliothèque - À vos livres10$ (Prix au guichet. 3$ supplémentaire par téléphone ou sur le web.)
ACTIVITÉS PARALLÈLES
Les discussions
Curieux, passionnés ou timides, vous êtes attendus juste après la représentation pour converser avec Olivier Kemeid et les artistes de la pièce à laquelle vous venez d’assister. Découvrez les anecdotes, mystères et réflexions qui ont jalonné le parcours créatif du spectacle.
Mardi 23 octobre 2018, après la représentation
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Les 5 à 7 du vendredi
Dans l’ambiance d’un 5 à 7 bien décontracté, célébrez la fin de la semaine et échangez avec artistes, amis et collègues à la bonne franquette. Et si l’esprit est vif et aiguisé, mais que le ventre est vide, l’équipe du Quat’Sous vous propose quelques petites gourmandises à grignoter.
Tous les vendredis, les soirs de représentations
Une coproduction du Théâtre de Quat’Sous, de Terre des hommes et de Coeur battant
La réactualisation du mythe nord-américain (ou plutôt ses failles de plus en plus visibles) hante les scènes de théâtre du Québec depuis au moins un an. Quoi de mieux que l’effondrement de la banque Lehmann Brothers (survenu il y a dix ans) pour expliquer l’échec d'un certain capitalisme! Après le succès remporté par L’Art de la chute, les Chapitres de la chute plongent à leur tour dans les grandeurs et surtout les misères d’un système économique. Dans la production orchestrée conjointement par Catherine Vidal et Marc Beaupré au Théâtre de Quat’Sous, les bons moments ne manquent pas.
Coïncidence ou non, le Théâtre Périscope de Québec a aussi mis à l’affiche en début de saison la même œuvre scénique, dirigée alors par Olivier Lépine. Les deux versions se permettent une liberté peu fréquente dans la création contemporaine, soit de dépasser la durée oscillant autour des 90 minutes pour nous proposer plutôt une expérience de près de 4h30.
Écrit par Stefano Massini, le texte décliné en trois parties adopte une forme théâtrale particulière, semblable à celles de réalisations récentes (notamment le Golgotha Picnic de Rodgrigo Garcia qu’a monté Angela Konrad). Il est construit comme un long poème lyrique sans que les phrases soient attribuées à un personnage en particulier. Vidal et Beaupré ont découpé la partition pour sa distribution hétéroclite, mais cohérente (Louise Cardinal, Vincent Côté, Catherine Larochelle, Didier Lucien, Igor Ovadis et Olivia Palacci).
À la tombée du rideau, les applaudissements chaleureux ne laissent aucun doute quant à la portée artistique et sociale de ces Chapitres de la chute au souffle revendicateur et à la maîtrise plus qu’appréciable.
La production s’amorce sur un plateau dépouillé (soulignons la scénographie de Pierre-Étienne Locas) à l’exception de quelques rangées de sièges en fond de scène occupés à l’occasion par les interprètes. Du début à la fin sont énumérés tous les chapitres de la partition. Immigrants juifs allemands débarquant sur le continent américain au 19e siècle, les frères Lehmann voient grand. Avec peu d’argent en poche, mais une détermination à toute épreuve, ils s’incrustent dans différents marchés (le coton, le café, les chemins de fer) avant de transformer leur entreprise en banque. La pièce s’amorce sur ces mots : « Fils d’un marchand de bestiaux, juif circoncis, une seule valise, debout immobile, droit comme un poteau téléphonique, sur le quai number four du port de New York ». L’ascension de ces self-made-men s’avère fulgurante, malgré des revers de fortune (notamment la Grande Dépression entre 1929 et 1939) avant de se terminer abruptement avec cette chute qui a secoué le monde entier en 2008.
Le premier tiers de la représentation se déroule en général dans une atmosphère douce qui n’exclut pas les moments de tension. L’absence d’effets visuels permet d’apprécier encore plus le jeu de l’équipe. Toutes et tous démontrent un sens vif de la répartie et de la narration (qui évoque une certaine distanciation à la Bertolt Brecht sans aller aussi loin dans sa dimension didactique). L’histoire, malgré les nombreuses allusions à des individus et événements, s’écoute sans trop de difficulté. Vidal et Beaupré ont porté une attention particulière à la sonorité des voix. La radicalité de la proposition rappelle l’une des meilleures réalisations de la cometteure en scène (son Je disparais d’Arne Lygre au Prospero l’automne dernier). Quelques allusions musicales de jazz ponctuent la progression dramatique, jusqu’à l’annonce de vive voix du début de l’entracte.
La deuxième portion demeure la plus forte, la plus prenante, la plus rigolote. Les comédiens se déplacent même dans la salle (autant au parterre qu’au balcon), en plus de personnifier des personnages de cultures et de sexes différents. L’une des séquences se démarque justement par son aspect ironique et plus irrévérencieux, alors que s’enclenche un concours pour trouver une épouse à l’un des Lehmann (Vincent Côté). Chacune des candidates est évaluée selon son physique et sa « personnalité ». Toutes et tous ses partenaires de scène s’exécutent, dont Igor Ovadis et Didier Lucien qui parodient deux midinettes, cette « inversion sexuelle » entraînant un effet-miroir sur le machisme tangible de ce type de rituel. Cette partie de la représentation se conclut avec une Olivia Palacci qui demande au public assis au balcon et dans la première rangée du parterre de venir s’installer sur les sièges posés sur la scène pour la dernière partie.
Le dernier segment, qui nous transporte des années 1940 à aujourd’hui, parait à priori le plus dynamique. Il demeure toutefois moins incarné que les deux précédents. Est-ce la longueur de l’entreprise théâtrale qui commence à se faire sentir? Un certain flottement est perceptible, comme si l’auteur avait voulu condenser trop d’événements ou de matières en un seul bloc. Quelques extraits de mélodies populaires emblématiques des décennies 1960 et 1980 (Blowin’ in the wind de Bob Dylan, Rockit d’Herbie Hancock) font toutefois sourire et nous permettent d’imaginer le mordant qu’aurait mérité cette partie du spectacle.
À la tombée du rideau, les applaudissements chaleureux ne laissent aucun doute quant à la portée artistique et sociale de ces Chapitres de la chute au souffle revendicateur et à la maîtrise plus qu’appréciable.
23-10-2018