Nos vêtements. Bien plus que des morceaux de tissus, ils nous accompagnent dans les moments charnières de notre vie. Rangés dans nos tiroirs ou pêle-mêle dans nos placards, ils marquent nos souvenirs. C’est à travers l’évocation de leur garde-robe que les nombreux personnages féminins de L’amour, la mort et le prêt-à-porter nous livrent leurs histoires. Une robe, un soutien-gorge, des souliers à talons hauts deviennent tour à tour prétexte pour parler des événements heureux et des drames qui nous façonnent. Sur le ton de la confidence, avec humour et autodérision, les personnages s’adressent directement au public et portent une parole qui, sans être revendicatrice, demeure profondément féminine. Des monologues drôles et émouvants, qui se suivent comme des vêtements sur une corde à linge.
Tirée d’un livre de Ilene Beckerman, Love, Loss and What I Wore — titre original de L’amour, la mort et le prêt-à-porter — a été adaptée pour le théâtre par Nora et Delia Ephron, scénaristes de plusieurs films célèbres dont When Harry Met Sally. Cette comédie, qui a connu un succès retentissant à sa création à New York en 2009, a par la suite donné lieu à diverses reprises dans une dizaine de villes à travers le monde dont Los Angeles, Toronto et Paris. Pour la production québécoise, c’est Danièle Lorain qui en assurera la traduction.
Denise Filiatrault, séduite par le texte et la forme peu conventionnelle de L’amour, la mort et le prêt-à-porter, assurera la mise en scène de cette oeuvre chorale. Elle dirigera cinq comédiennes qui interpréteront plus d’une vingtaine de personnages. Sur une scène dépouillée, qui laisse toute la place au jeu d’acteur, elles occuperont l’espace par leur présence et leur voix.
Décors et accessoires Jean Bard
Costumes Suzanne Harel
Éclairages Matthieu Larivée
Projections Lüz Studio
Coiffures et maquillages Jean Bégin
Musique originale Yves Morin
Visuel de l'affiche TVA Studio
Photo Julien Faugère
Rencontre avec les artistes et artisans après la représentation du
16 mai 2013
Une production du Théâtre du Rideau Vert
par Olivier Dumas
« La mode se démode, le style jamais », clamait l’icône Coco Chanel. Cette citation paraît très appropriée pour témoigner du propos de la comédie très légère L’amour, la mort et le prêt-à-porter, spectacle de clôture de la saison 2012-2013 du Théâtre du Rideau Vert. Ce divertissement assez rigolo, parfois anecdotique et mélo, se situe dans une moyenne appréciable du genre.
Écrite à quatre mains par la polyvalente journaliste et cinéaste Nora Ephron décédée en 2012, et sa sœur Delia, d’après le livre d’Ilene Beckerman, la pièce a suscité des réactions enthousiastes depuis sa création sur les planches de Broadway. Différentes productions ont vu le jour un peu partout à travers le monde ; les vêtements suscitent toujours l’engouement du public principalement féminin (très majoritaire lors de la représentation à laquelle j’ai pu assister).
Constituée de différents monologues où s’amalgament incidents cocasses, réflexions au premier degré et confidences plus dramatiques autour de ces bouts de chiffons et autres accessoires, les histoires de L’amour, la mort et le prêt-à-porter (Love, Loss and What I wore en version originale) passent en revue les différentes réalités face aux tenues et accessoires de mode.
C’est sur l’air de Putain ça penche d’Alain Souchon que les cinq actrices font leur entrée sur scène, souriantes et à l’allure fière. En alternance, elles s’expriment entre autres sur les souliers à talons hauts, la robe de mariée, la sacoche, l’achat hésitant de la première brassière ou encore la découverte de l’homosexualité féminine. Même l’infatigable Madonna fait son apparition avec son tube emblématique Vogue et son soutien-gorge à formes conique de la tournée Blond Ambition, alors que la distribution offre un pastiche assez hilarant de la chorégraphie du vidéoclip.
En plus d’avoir le texte en français, la comédienne Danièle Lorain a extirpé plusieurs des références anglo-saxonnes pour les transposer dans un contexte québécois. Surtout dans les premiers témoignages, le public pourrait se croire dans les récits de jeunesse de Michel Tremblay (Douze coups de théâtre, Bonbons assortis). Pierrette Robitaille (qui s’est déjà illustrée dans certaines œuvres du dramaturge) excelle à rendre la verve comique et familière de la langue populaire. Plus tard dans la pièce, on passe à la découverte de son identité sexuelle et également aux souffrances de l’opération d’un cancer du sein à l’hôpital.
Sans vouloir faire de jeux de mots, on ratisse donc très large. L’interaction entre la scène et la salle demeure très animée. Le public réagit fortement, certains vont même commenter quelques-unes des interventions des personnages. Les rires abondent tout au long de l’heure et demie de la représentation.
Entre deux mises en scène de comédies musicales à grand déploiement, alimentées par le succès d’adaptations cinématographiques (Cabaret et Hairspray), Denise Filiatrault confère un rythme et une unicité à sa mise en lecture dépouillée. Celle-ci se retrouve réduite à sa plus simple expression, à l’exception des images de troncs de mannequins réparties en rangées à l’arrière-scène, où se retrouvent projetés les morceaux de linge évoqués par les membres de la distribution. Cinq chaises, cinq lutrins, cinq actrices judicieusement choisies (la directrice artistique du Rideau Vert se trompe rarement dans ses choix d’interprètes) créent l’ambiance conviviale souhaitée qui n’est pas sans rappeler, autant dans la forme que dans le fond, certaines de ses réalisations précédentes (Les monologues du vagin, Appelez-moi maman) basées également sur des réalités quotidiennes des femmes.
Par contre, les irréductibles admirateurs et admiratrices de Nora Ephron risquent de trouver un peu mince cette proposition qui ne s’inscrit pas dans la même veine que ses meilleurs scénarios de films (comme Silkwood ou Quand Harry rencontre Sally, dont Adèle Reinhardt reprend l’esprit de la célèbre scène où Meg Ryan stimule l’orgasme au restaurant devant un Billy Cristal médusé). Heureusement, on reconnaît sa signature dans le souci du détail et dans la véracité des sentiments.
Pierrette Robitaille, Valérie Blais, Geneviève Schmidt, Adèle Reinhardt et Tammy Verge livrent toutes des prestations allumées, cocasses et parfois touchantes. Même si cette adaptation de L’amour, la mort et le prêt-à-porter ne suscitera pas de souvenirs impérissables, la soirée (ou matinée) se passe rondement en leur agréable compagnie.