Sous le soleil marseillais de la fin des années 20, Marius, fils de César, patron du « Bar de la Marine », et Fanny, fille de la marchande de poisson Honorine, vivent secrètement les émois d’un premier amour. Mais Marius qui rêve de pays lointains depuis sa tendre enfance, ne peut se résoudre à passer sa vie derrière le comptoir du bar de son père et cède finalement à l’appel de la mer. Les mois passent et le désarroi causé par le départ de Marius s’estompe peu à peu. Autour de Fanny et César, dévorés par le chagrin, les amitiés se resserrent et le quotidien reprend tout doucement son rythme dans le Vieux-Port de Marseille. Avec la langue mélodieuse du sud de la France, Marcel Pagnol nous raconte une magnifique histoire de famille et d’amour.
Oeuvre majeure de la dramaturgie française, la Trilogie marseillaise écrite par Marcel Pagnol autour de 1930, se compose de trois volets distincts : Marius, Fanny et César. Les trois pièces de cette trilogie ont connu plusieurs vies puisqu’elles ont toutes trois été portées au grand écran à maintes reprises. Au Québec, la dernière production de Marius et Fanny, en 1993, a connu un franc succès alors que Denise Filiatrault en assurait la mise en scène.
Cette fois-ci, c’est Normand Chouinard qui prendra la barre de la mise en scène. Cet artiste bien connu pour ses nombreux rôles à la télévision, au cinéma et au théâtre, se consacre de plus en plus à la mise en scène. Avec son sens inné de la comédie et sa grande sensibilité, il dirigera une imposante distribution de dix comédiens parmi lesquels on retrouve son complice Rémy Girard, dans le rôle de César.
Décors Jean Bard
Costumes Suzanne Harel
Éclairages Claude Accolas
Musique originale Yves Morin
Accessoires Normand Blais
Maquillages Jacques-Lee Pelletier
Visuel de l'affiche TVA Studio
Photo Julien Faugère
Rencontre avec les artistes et artisans après la représentation du 7 février 2013
Production du Théâtre du Rideau Vert
par Olivier Dumas
Après une première création québécoise à voir le jour en plusieurs années (La corneille), le Théâtre du Rideau Vert a poursuivi sa saison 2012-2013 avec des valeurs sûres (commémoration des 40 ans de La Sagouine, cuvée annuelle de l’actualité avec un fort apprécié 2012 revue et corrigée). Avant une reprise attendue d’Avec Norm, c’est le charme provençal, bucolique, pittoresque et attendrissant de Marcel Pagnol qui opère dans Marius et Fanny.
Créées respectivement en 1929 et 1931, les deux pièces condensées en une seule ont déjà connu une vie antérieure sous la gouverne de Denise Filiatrault en 1993. L’ubiquiste directrice artistique du théâtre de la rue Saint-Denis n’est pas la seule à s’être intéressée à cet univers particulier. De l’autre côté de l’Atlantique, le comédien Daniel Auteuil travaille présentement sur une énième adaptation cinématographique de la célèbre Trilogie marseillaise (qui comprend également César). L’Opéra de Marseille a même concocté un opéra mis en musique par le compositeur Vladimir Cosma. On peut affirmer sans équivoque que l’héritage de l’auteur du Château de ma mère suscite encore un engouement certain, malgré le passage du temps, des innovations artistiques et des bouleversements dans les mœurs socioculturelles.
Avec une trame dramatique puisant dans les eaux du mélodrame et des bons sentiments, l’histoire aux allures d’un vieux film d’époque continue de charmer, de faire sourire et d’émouvoir. Sur le Vieux-Port de Marseille, Fanny, la fille de la poissonnière Honorine, aime profondément Marius depuis son enfance. Travaillant avec son père César au café, Marius n’a qu’un rêve en tête: prendre le large sur l’un des bateaux en direction des pays lointains. Sans se l’avouer, il aime secrètement Fanny. Pour susciter son intérêt, Fanny se laisse courtiser par Panisse, un riche ami de César de trente ans son aîné. Malgré son attirance pour elle, Marius part pour l’étranger, loin de ses proches. Avant son départ, il a pris le temps de concevoir un enfant avec Fanny. Par peur des ragots et des représailles, elle se résout à marier Panisse...
Pendant presque trois heures entrecoupées d’un entracte de vingt minutes, l’idylle souvent prévisible des protagonistes principaux rappelle étrangement une autre passion amoureuse au dénouement tragique, celle de Tit-Coq et de Marie-Ange dans le classique de la dramaturgie québécoise écrit par Gratien Gélinas. Simple dans son traitement, près de l’univers du feuilleton télévisé, elle reprend le schéma maintes fois éprouvé du couple qui a tout pour vivre heureux et avoir beaucoup d’enfants, mais dont les circonstances de la vie sépareront pour une longue période de temps. Mais le ton du spectacle s’en détache également par ses nombreuses scènes amusantes, dont la célèbre partie de cartes, devenue un moment d’anthologie. L’atmosphère campagnarde du Midi de la France devient une figure aussi animée que ses personnages naïfs, cabotins ou dégourdis. Avec l’odeur de la mer presque palpable derrière les répliques, elle apporte une dimension vivante au récit planté dans un décor très typé.
L’interprétation est presque sans failles, dominée par un brillant et colossal Rémy Girard dans le rôle de César. Le Panisse de Manuel Tadros se révèle tout aussi excellent, sans oublier la truculente Danielle Lorain impayable en mère intrigante soucieuse des conventions sociales. Encore nerveux lors de la première médiatique, le célèbre couple formé par François-Xavier Dufour et Marie-Pier Labrecque insuffle la passion fébrile, farouche et vulnérable. Se démarque également la tante Claudine rendue avec brio par Sophie Faucher. Les autres comédiens sont également convaincants dans des rôles plus secondaires, mais très solides.
Sans véritable surprise, la mise en scène de Normand Chouinard s’inscrit dans la continuité de sa signature habituelle, soit un travail rigoureux respectueux de l’écriture scénique. Avec ce parfum légèrement suranné comme les brises marines d’un petit village portuaire, elle sait charmer dans ses passages guillerets, tout en nous nouant à l’occasion la gorge lors des scènes au ton plus grave. Le résultat ne révolutionne rien, mais demeure touchant, comme pétri dans une bonne pâte.
Avec sa langue simple, mais imprégnée de tendresse ordinaire, le monde de Marcel Pagnol poursuit sa conquête des cœurs et des âmes plusieurs décennies plus tard. Sans trop de risques et sans réinventer la roue, l’actuelle production de Marius et Fanny au Rideau Vert sait toutefois émouvoir par sa facture apaisante comme la dégustation d’une tisane à la camomille.