Deux grandes amies, Karen et Marthe, après avoir fondé ensemble un pensionnat pour jeunes filles, deviennent subitement la cible d’un ragot mensonger au sujet de leur relation. Cette calomnie destructive est lancée par Marie, une enfant qui désire attirer l’attention et qui manipule son entourage en rapportant des propos ambigus.
Madame Tilford, mécène du pensionnant, croit d’emblée la fausse confession de sa petite-fille et accuse les deux professeurs d’actions « contre nature ». Les parents retirent rapidement leur enfant de l’école, ce qui mène à la fermeture de celle-ci. Le rêve des deux institutrices devient alors un véritable cauchemar. Madame Tilford arrivera trop tard…
Assistance à la mise en scène Marie-Hélène Dufort
Scénographie Josée Bergeron-Proulx
Costumes Cynthia St-Gelais
Éclairages Erwann Bernard
Accessoires Alain Jenkins
Maquillages Jean Bégin
Visuel de l’affiche : Les Évadés
Photo : Henri Paul
Dans le cadre de la présentation de la pièce Les Innocentes, un don de 5 $ par billet vendu sera remis à la Fondation Émergence
Une production du Théâtre du Rideau Vert
par Geneviève Germain
Quand les fondatrices du Théâtre du Rideau Vert, Yvette Brind’Amour et Mercedes Palomino, ont choisi de présenter comme toute première pièce Les innocentes de Lilian Hellman en 1949, c’était un geste très audacieux pour l’époque. La pièce écrite en 1934 avait été interdite dans plusieurs grandes villes, dont Boston, Chicago et Londres, tout simplement parce qu’elle aborde le sujet de l’homosexualité entre femmes. C’est donc d’une très belle façon que le Théâtre clôt sa 65e saison en reprenant les premières répliques qui ont fait vibrer ses planches, nous rappelant du même coup que même si l’amour entre personnes du même sexe est maintenant mieux accepté, ce sujet demeure toujours délicat.
Marthe et Karen (Sylvie De Morais et Rose-Maïté Erkoreka) sont des amies d’enfance qui ont trimé dur pour s’acheter une ferme et fonder un pensionnat pour jeunes filles. Après des années de privation, elles touchent enfin à leur rêve et réussissent à dégager assez de profits pour commencer à respirer un peu. Alors que Karen prévoit se marier sous peu avec son amoureux Joseph (Samuël Côté), une des jeunes pensionnaires utilise des bribes de conversations rapportées par ses amies pour lancer une rumeur d’après laquelle les jeunes directrices entretiendraient une relation « contre nature » qui porterait « atteinte aux bonnes mœurs ». Toutes les pensionnaires sont immédiatement retirées de l’institution et la réputation des jeunes femmes se retrouve irrémédiablement entachée, malgré leurs protestations.
René Richard Cyr signe ici une mise en scène très sobre qui ne révolutionne en rien l’histoire de la pièce. Les costumes sont d’époque et les jeux d’acteurs sont plutôt tièdes, hormis celui de la grandiloquente tante de Marthe, campée par Sylvie Drapeau, laquelle attise les rires qui malheureusement viennent troubler la fin dramatique de l’œuvre. On prend néanmoins plaisir à resituer la pièce dans son contexte historique et on peut deviner que le metteur en scène a voulu rester fidèle aux origines de ce récit, sans y ajouter d’artifices. On est à même de se demander comment le public a réagi devant une telle histoire dans les années 40, alors que Marthe finira par avouer son amour impossible, et alors socialement inacceptable, pour son amie Karen. Il est intéressant de souligner qu’Andrée Lachapelle a fait partie du public de cette première production du Théâtre du Rideau Vert en 1949, elle qui reprend maintenant le rôle de Lily, la grand-mère qui répand la rumeur que lui a rapportée sa petite-fille.
Dans son adaptation cinématographique de Les innocentes (These Three, 1936), l’auteure Lilian Hellman avait dû retirer toute référence au lesbianisme pour se conformer aux standards de l’industrie de l’époque. Bien que cette version de la pièce ne réussisse pas réellement à nous faire ressentir toute la gravité du récit qu’elle présente, elle nous permet néanmoins de redécouvrir ce texte qui nous rappelle que le théâtre demeure un lieu où il est possible et même souhaitable qu’on y soulève des questions de société, un habile message de fin de saison anniversaire pour le Théâtre du Rideau Vert.