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Du 9 mai au 10 juin 2017
Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ?
D'après le film de Philippe De Chauveron
Adaptation d'Emmanuel Reichenbach
Mise en scène Denise Filiatrault
Avec Rémy Girard, Micheline Bernard, Marie-Evelyne Baribeau, Vincent Fafard, Ariel Ifergan, Albert Kwan, Jonathan Michaud, Marilou Morin, Iannicko N’Doua, Widemir Normil, Myriam Poirier, Marie-Ève Soulard La Ferrière

Alain Bouchard, fier Québécois, a élevé ses filles dans un esprit de tolérance. Mais il déchante lorsqu’il doit s’adapter à la nouvelle réalité multiculturelle du Québec.

Trois de ses quatre filles sont en couple avec un Chinois, un Juif et un Arabe. Chaque fête familiale entraîne son lot de malentendus qui dégénèrent rapidement en accusations de racisme. Déterminée à ce que la famille retrouve enfin la paix et l’harmonie, sa femme Marie invite tout le monde à Noël. Alain tente alors sa dernière chance : présenter un Québécois pure laine à sa quatrième fille, Karine. Mais il n’est pas encore au bout de ses surprises!

Emmanuel Reichenbach, qui avait déjà signé l’adaptation théâtrale du film Intouchables présentée au Théâtre du Rideau Vert, offre une nouvelle comédie tirée d’un film français à succès. Denise Filiatrault dirigera elle-même l’imposante distribution de douze comédiens qui camperont sur scène cette famille hors du commun. Rémy Girard (Marius et Fanny, 2013) y incarnera notamment le bouillonnant Alain, et Micheline Bernard interprétera la sympathique Marie.


Assistante à la mise en scène Marie-Hélène Dufort
Accessoires Alain Jenkins
Costumes Sylvain Genois
Décors Jean Bard
Éclairages Claude Accolas
Musique Guillaume St-Laurent
Maquillage Jean Bégin
Photo de l’affiche : Jean-François Bérubé

Une coproduction ENCORE SPECTACLE et 9207-7569 QUÉBEC INC.


Rideau Vert
4664, rue Saint-Denis
Billetterie : 514-844-1793

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Critique

Pour clore une saison qui a vu diverses adaptations, autant du septième art (Vol au-dessus d’un nid de coucou) que de la littérature populaire (La liste de mes envies), le Théâtre du Rideau Vert mise sur une comédie française au succès considérable, Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu?, pour susciter les rires et la réflexion sur les métissages du monde contemporain. Adaptée par Emmanuel Reichenbach, la production montréalaise s’avère être du « bon vieux théâtre d’été ».






Crédit photos : David Ospina

Réalisé en 2014 par Philippe de Chauveron (qui a écrit le scénario avec Guy Laurent), le long-métrage constitue même le sixième plus grand succès français de toute l’histoire de sa cinématographie. Le Québec a répondu favorablement dans les salles de cinéma, mais le film a été interdit de diffusion aux États-Unis, en raison des sujets jugés « épineux », comme la religion, l’immigration et les mariages mixtes.  

Précédemment, le Rideau Vert s’était attaqué à un autre succès français du grand écran, Intouchables, déjà avec Reichenbach à la transposition scénique. Dans cette relecture locale, Denise Filiatrault dirige une douzaine d’interprètes, autant des vedettes (Rémy Girard et Micheline Bernard) que des artistes moins connus du public québécois (dont le très doué Iannicko N’Doua). Pendant deux heures assez rythmées entrecoupées d’un entracte, Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu? se moque allégrement des travers, et surtout des préjugés et idées préconçues de tout un chacun.

Dans son penchant cinématographique, le père de famille était de tradition gaulliste. Ici, le patriarche se nomme Alain Bouchard et vient du Saguenay. Ce «nationaliste», qui se réclame de Camille Laurin ou de Pierre Bourgault vit avec sa femme Marie («de Québec quand même») et se retrouve déboussolé devant les origines de ses trois gendres (juive, arabe et Chinoise). Croyant sa quatrième fille célibataire, Alain espère la faire tomber amoureuse du fils d’un de ses amis, un Québécois «pure laine». Pourtant, d’autres surprises attendent cet homme qui devra s’ouvrir aux autres, et surtout à leurs différences.

Les cinéphiles ne se retrouveront aucunement dépaysés devant les nouvelles allusions à la culture québécoise. Si le paternel ne trouve du génie en humour qu’à Yvon Deschamps («qui est à la retraite», lui lance avec sarcasme l’une de ses filles), ses gendres le surprennent en entonnant Gens du pays de Gilles Vigneault. Les clichés folkloriques surgissent d’un côté comme de l’autre, la chemise rouge à carreaux, les raquettes et la ceinture fléchée d’Alain, son acolyte africain (rendu avec énergie par Widemir Normil) en impose aussi avec ses jugements à l’emporte-pièce et sa robe traditionnelle africaine. Les gendres ne manquent pas non plus de se lancer entre eux quelques pointes.

Parfois, le public pourrait se croire dans un épisode de La Petite vie. En deuxième partie, un décorateur très maniéré prénommé Jean-Loup rappelle beaucoup son homonyme immortalisé sur le petit écran par Michel Côté. La production ne parle que très peu du contexte plus global sur les accommodements raisonnables et les visions parfois antagonistes du vivre-ensemble. Par contre, lors d’un conflit conjugal entre Alain et Marie (dont l’époux se moque des séances chez le psy «à deux cents piasses l’heure), le premier lui lance le célèbre «si je vous ai bien compris…», la seconde lui rétorque le tout aussi emblématique «Just watch me», en écho aux visions contraires de René Lévesque et de Pierre-Eliott Trudeau sur l’avenir constitutionnel du Québec. 

Dans cet enchaînement de quiproquos et de sous-entendus, certains éléments affaiblissent l’ensemble. Le propos glisse parfois dans la démonstration moralisante. Quelques blagues tombent à plat par leur grossièreté, l’histoire s’étire un peu trop, surtout avant la conclusion. Par ailleurs, les quatre filles ne se démarquent pas suffisamment dans leurs rôles respectifs, trop occupées à être le faire-valoir de leurs copains ; ces derniers bénéficient de plus grands contrastes dans leur personnalité. Dans ce duel intergénérationnel, ce sont les trois parents qui insufflent le plus de fougue à leurs compositions respectives, soit un Widemir Normil en verve, une Micheline Bernard très sensible et un très « punché » Rémy Girard.

La phrase qui a suscité les réactions les plus enflammées ne concernait même pas les dilemmes identitaires des protagonistes, mais bel et bien le métier du futur gendre d’Alain. «Combien ça gagne un comédien de théâtre?» répond le père de famille (matérialiste tout de même) à sa conjointe. Malgré ses dimensions prévisibles, la pièce Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu?, rejoint ainsi de plein fouet son auditoire qui aura ri de bon cœur lors de la soirée à laquelle nous avons assisté.

16-05-2017