Emma et Jerry se revoient pour la première fois, deux ans après la fin de leur liaison. Sous la banalité des mots qu’ils échangent se cache la douleur d’une rupture amère.
Aujourd’hui sur le point de quitter son mari Robert, Emma avoue à Jerry qu’elle lui a tout dit sur leur relation passée. Le récit remonte alors le cours du temps en nous révélant à rebours, au rythme subtil des dialogues quotidiens et des silences éloquents, les trahisons intimes de ce triangle amical et amoureux.
Lauréat du prix Nobel de littérature, l’écrivain britannique Harold Pinter a fortement influencé la dramaturgie contemporaine. Dans ses pièces aux dialogues épurés et poétiques qui rappellent Beckett, il expose, avec un humour ironique, les difficultés de communiquer entre humains. C’est Frédéric Blanchette qui sera à la mise en scène et qui dirigera Julie Le Breton (Vol au-dessus d’un nid de coucou), François Létourneau et Steve Laplante (La liste de mes envies).
Texte Harold Pinter
Traduction Maryse Warda
Mise en scène Frédéric Blanchette
Interprétation Julie Le Breton, François Létourneau, Steve Laplante
Crédits supplémentaires et autres informations
Assistance à la mise en scène Marie-Hélène Dufort
Accessoires Jeanne Ménard-Leblanc
Costumes Mérédith Caron
Décor Pierre-Étienne Locas
Éclairages André Rioux
Musique Yves Morin
Photo de l'affiche Julien Faugère
Les mardis et mercredis 19h30, jeudis et vendredi 20h, samedis 16h - samedis 12 et 26 mai16h et 20h30
Une production Théâtre du Rideau vert
Par la traduction de Maryse Warda, l’écriture d’Harold Pinter, auteur britannique, résonne à la québécoise sur la scène du théâtre du Rideau Vert. Véritable admirateur du dramaturge, Frédéric Blanchette assure la mise en scène de Trahison, une pièce aux dialogues d’une banalité plutôt cinglante. S’entourant de deux hommes qu’il connaît bien pour interpréter les personnages de Robert et Jerry, le metteur en scène s’est assuré de confier le rôle d’Emma à la pétillante Julie Le Breton qui avait l’air particulièrement fière du résultat à la tombée du rideau lors de la première. Prenant plaisir à récolter les applaudissements avec raison, le trio peut se féliciter d’avoir réussi à faire parler les nombreux silences qui ponctuent le texte de Pinter. Remontant le cours des événements qui ont mené aux aveux de leurs mensonges respectifs, les trois protagonistes replongent dans leurs souvenirs et reconstituent des moments précis de leur passé. Se chargeant d’effectuer eux-mêmes les principaux changements de décor, les comédiens deviennent rapidement les marionnettes d’une fiction où l’effroi de ne pouvoir distinguer ce qui est vrai de ce qu’il ne l’est pas se mêle au plaisir de savourer l’humour noir qui en fait son succès.
Sur une scène assez épurée, Julie Le Breton fait son entrée arborant une tenue aussi sombre que le regard sévère qu’elle dirige vers l’auditoire. François Létourneau laisse planer un silence avant de rejoindre sa partenaire et de s’attirer les premiers rires du public. Sa fine silhouette sert drôlement le caractère quelque peu naïf et anxieux de Jerry, personnage qu’il incarne avec beaucoup de sensibilité. Comparé au jeu de Steve Laplante, c’est un véritable contraste. S’exprimant sur un ton généralement monotone avec un visage de marbre, son personnage de Robert donne froid dans le dos. Cette opposition de tempérament offre de belles occasions au duo Létourneau-Laplante d’honorer l’absurde « pinteresque ». Avec eux, Emma apparaît un peu plus équilibrée, mais ses choix dissimulent un esprit plutôt tordu. Autant de personnalités différentes amènent bien de la confusion, et plusieurs interprétations du sous-texte semblent plausibles. Malgré tout, grâce aux temps morts bien dosés, la représentation demeure légère pour le bonheur des moins fervents du théâtre de l’absurde.
Ne trahissant jamais son opinion de lecteur, la mise en scène de Blanchette paraît, d’abord, être un regroupement de plusieurs idées d’une lecture inachevée. Puis, l’univers dramatique se resserre et se précise au fur et à mesure que la trahison devient une évidence. La collaboration entre Pierre-Étienne Locas, concepteur des décors, et Claire Renaud, chargée des accessoires, permet un fabuleux croisement entre réalité et fiction. À l’image de la pièce, l’espace scénique auquel chacun a contribué se présente assez simplement, mais, comme son assemblage se fait en direct, il est à supposer qu’un tel travail demande une ingéniosité qui mérite d’être reconnue. Les projections vidéo de HUB Studio vont dans le même sens alors qu’elles servent de repères chronologiques tout en accusant la théâtralité du lieu. Si les costumes de Mérédith Caron ne se démarquent pas de façon significative, ils demeurent très représentatifs de la singularité de chaque personnage.
Si le sens de chaque parole ne peut être fixé, il semble assez clair que Trahison s’avère un parfait équilibre entre mensonges et vérités pouvant autant provoquer le rire que l’angoisse. Devant des comédiens aussi solides, il serait… absurde de ne pas se laisser prendre au jeu. Après tout, au théâtre, faire l’ignorant peut être très divertissant !
11-05-2018