La jeune coiffeuse Rita se sent perdue dans sa vie. Elle soupçonne que l’existence, la vraie, se cache quelque part et souhaite y accéder à tout prix.
Rita décide de s’inscrire à l’université qui la réfère à Paul, professeur érudit qui s’avère être aussi un poète alcoolique désabusé, complètement inadéquat comme enseignant. Mais son humour touche Rita qui le convainc de la prendre pour étudiante. Elle découvre alors des œuvres qui vont bouleverser sa vie et sa conception du monde. Ce faisant, elle s’éloigne de son mari et de sa famille qui ne comprennent pas ses nouvelles ambitions. Rita poursuivra-t-elle sa quête de savoir au risque de tout perdre ?
Marie-Thérèse Fortin, qui avait mis en scène le spectacle La liste de mes envies en 2016, revient au Théâtre du Rideau Vert avec cette œuvre inspirée du mythe de Pygmalion, du dramaturge anglais Willy Russell. La pièce Educating Rita a remporté un vif succès lors de sa création à Londres en 1980 et a connu de nombreuses adaptations à la radio et au cinéma. Aujourd’hui, c’est Émilie Bibeau qui incarne la fougueuse et fonceuse Rita, tandis que le rôle du bienveillant et cynique professeur est défendu par Benoît Gouin.
Texte Willy Russell
Traduction Maryse Warda
Mise en scène Marie-Thérèse Fortin
Interprétation Émilie Bibeau et Benoît Gouin
Crédits supplémentaires et autres informations
Assistance à la mise en scène Marie-Hélène Dufort
Décors Loic Lacroix Hoy
Costumes Cynthia St-Gelais
Accessoires Claire Renaud
Éclairages Erwann Bernard
Musique Philippe Brault
Maquillages Florence Cornet
Photo de l'affiche Julien Faugère
Les mardis et mercredis 19h30, jeudis et vendredi 20h, samedis 16h - samedis 23 mars et 6 avril 16h et 20h, dimanche 7 avril 15h
Pas de représentation le jeudi 21 mars, mardi 9 et mercredi 10 avril, le mardi 16 et mercredi 17 avril
Tarifs :
Régulier 51$
30 ans et moins 35,75$
65 ans et plus
46$
Une production Théâtre du Rideau vert
Au Théâtre du Rideau Vert depuis quelques jours déjà, la pièce L’éducation de Rita écrite par le Britannique Willy Russell et traduite pour le Québec par Maryse Warda s’avère un huis clos d’un peu plus de deux heures dont aucun personnage ne sortira indemne. Entre Rita (Émilie Bibeau), une étudiante issue de la classe ouvrière assoiffée de connaissances, et Frank (Benoît Gouin), un poète qui s’est recyclé en professeur d’université faute de succès, une fascination mutuelle ne tardera pas à se développer enclenchant, pour chacun d’eux, une quête de soi complètement dévastatrice.
Dès le lever du rideau, le travail conjoint du scénographe Loïc Lacroix Hoy et de l’accessoiriste Claire Renaud est d’un magnifique réalisme. Il suffit d’un simple coup d’œil pour reconnaître l’image assez répandue d’un bureau d’instituteur où des étagères de livres tapissent les murs qui, eux, sont usés par le temps. Rappelant inévitablement le style des années 80, époque de l’action et de la rédaction de l’œuvre, les costumes de Cynthia St-Gelais s’inscrivent également dans ce souci du réel tout en faisant ressortir simplement, mais clairement, les caractères opposés des deux protagonistes. Alors qu’une diversité de teinte et de coupe s’observe dans la garde-robe de Rita témoignant ainsi de sa spontanéité, les habits de Frank restent assez conventionnels et standards à l’image de la routine dont il est prisonnier. Sans faire de l’ombre à l’intensité de la distribution, le support musical qu’offre la trame sonore de Philippe Brault permet, quant à lui, de soutenir subtilement la tension dramatique. Cette brillante initiative pallie la non-fluidité de l’action infligée par l’éclairage de Erwann Bernard qui, malgré tout, demeure essentielle pour bien souligner les quelques ellipses dans le temps.
Laissant à ses interprètes le loisir de puiser l’essence de ceux qu’ils incarnent dans le moment présent sans vraiment imposer une vision critique de la relation qui les unit, la metteure en scène laisse place à un jeu riche de sens, mais qui paraît sans contrainte.
Même si l’excellence dont fait preuve l’équipe de concepteurs est exemplaire, la mise en scène de Marie-Thérèse Fortin est d’un professionnalisme qui, sans réinventer le théâtre, fait honneur au talent incontestable de la comédienne passionnée qu’elle est. Derrière une montée dramatique bien ficelée se cache un amour palpable et bien assumé pour les personnages de Russell. Laissant à ses interprètes le loisir de puiser l’essence de ceux qu’ils incarnent dans le moment présent sans vraiment imposer une vision critique de la relation qui les unit, la metteure en scène laisse place à un jeu riche de sens, mais qui paraît sans contrainte.
Le duo Bibeau-Gouin connecte dès leur premier échange. Une joute verbale pour le moins rythmée s’entame jusqu’à l’entracte. Ponctuée par des éclats de rire généralisés, la complicité des comédiens se mérite des applaudissements du public entre chaque scène. Bien que certains adeptes de comédie puissent regretter le ton plus dramatique qui s’installe lors de la deuxième partie, au détriment de l’humour jusqu’ici très présent, l’aplomb des comédiens, lui, ne faiblit pas. Capables de passer du rire aux larmes, d’une ironie grinçante à une sincérité profonde, ceux-ci peuvent être fiers de la performance nuancée qu’ils livrent du début à la fin. Appuyant sur le caractère rural du vocabulaire familier employé par Maryse Warda, Bibeau fait honneur au franc parlé québécois de l’époque dont Gouin se moque respectueusement pour le plus grand plaisir de tous. Si plusieurs répliques et tournures de phrases sont prévisibles, celles-ci ne peuvent que raviver l’intérêt des spectateurs pour cette langue singulière qu’est la langue québécoise au sortir de la salle.
Acclamés par un auditoire des plus enthousiastes, Émilie Bibeau et Benoît Gouin viennent récolter l’amour qui leur est dû avec un même regard empli de soulagement. Il est vrai que, menée par une femme d’expérience aussi investie que Marie-Thérèse Fortin, L’éducation de Rita ne pouvait être que rigueur et travail acharné. Par chance, cette comédienne de métier semble avoir réussi à réunir l’équipe parfaite pour faire du texte de Willy Russell, un chef-d’œuvre au goût de tous, jeunes et moins jeunes, autant les universitaires que ceux encore au secondaire.
22-03-2019