Dans la tradition classique, le pas de deux représente l’apogée virtuose du ballet, l’instant où le couple d’étoiles brille de tous ses feux. Raimund Hoghe se saisit de cette structure chorégraphique pour revenir au plus nu de la relation à l’autre, et laisser affleurer toutes les nuances de l’être à deux. Chorégraphe émérite et danseur au corps atypique, Hoghe se met en scène depuis une quinzaine d’années. Ici, il rencontre Takashi Ueno, jeune danseur formé au Butô, avec qui il trace un parcours scénique composé de dédoublement et de différence, de symétrie et de contraste, d’analogie et d’unicité. Sur une musique de Bach et de Purcell, leurs deux corps dialoguent dans un pas de deux recueilli et intemporel.
Concept, chorégraphie et interprétation Raimund Hoghe
Interprétation Takashi Ueno
Crédits supplémentaires et autres informations
Collaboration artistique Luca Giacomo Schulte
Conception lumières Raimund Hoghe, Amaury Seval
Son N. N.
Administration Mathieu Hilléreau, Les Indépendances
Photo Rosa-franck.com
Discussion avec le public après la représentation du 11 avril
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Durée 2h
Tarifs
Régulier 40$
Aîné 36$
Réduit 34$
Der Buckel – A self portrait, le mercredi 28 mars à 19h (56 min) et Cartes postales et Scènes d’écran – si je meurs laissez la porte ouverte, le jeudi 5 avril à 19h (2 x 26 min). Ces séances seront offertes gratuitement au Goethe et seront introduites par le critique en danse et réalisateur de courts films Philip Szporer (The Dance Current), un passionné de Raimund Hoghe.
Classe de maître le mercredi 18 avril à 17h30, dans la grande salle de l’Usine C - Raimund Hoghe y parlera de l’ensemble de sa carrière ainsi que son implication auprès de l’inoubliable Pina Bausch, dans une conférence libre ponctuée d’extraits de captations de pièces et d’archives documentaires Production Raimund Hoghe — Hoghe & Schulte GBR (Düsseldorf)
Coproduction Festival d’automne à Paris, Théâtre Garonne (Toulouse), Theater Im Pumpenhaus (Münster)
Présentation Usine C avec le soutien du Goethe-Institut
Pour deux soirs seulement, le chorégraphe Raimund Hoghe présentait Pas de deux à l’Usine C, un spectacle créé en 2011 qu’il danse avec le Japonais Takashi Ueno. En plus d’être reconnu pour avoir été le dramaturge de Pina Bausch durant les années 1980, Raimund Hoghe renouvelle les standards corporels en danse contemporaine en exposant son corps atypique bossu et vieillissant d’Européen en le confrontant à celui de son partenaire japonais, jeune, svelte et athlétique. C’est donc des codes du « pas de deux » que se joue Hoghe dans le cadre de ce spectacle, alors qu’il déconstruit cette forme iconique du ballet classique.
Dès les premières minutes, les spectateurs sont plongés en plein rituel. Takashi Ueno entre en scène en longeant lentement le côté cour sur des getas japonaises. Sur son bras tendu, il fait délicatement couler de l’eau sur son bras nu, marquant ainsi au sol les traces de son passage. Puis, Raimund Hoghe entre côté jardin muni d’un parapluie pour parcourir les frontières de la scène vers son partenaire. Le minimalisme et la simplicité du mouvement plongent le public dans un mélange de fascination et de recueillement. Sur le plateau nu, chaque accessoire prend une importance considérable, même si ceux-ci souvent détourné de leur utilisation habituelle : des bandes de tissus sont bouclées pour servir de ceintures nippones à Ueno, puis sont réutilisées comme coiffe par Hoghe qui y ajoute une pipe et des lunettes fumées.
Tout l’intérêt de la chorégraphie réside dans les contrastes, les dédoublements et les différences entre les deux danseurs. Alors que Ueno maîtrise les codes du bûto et possède une excellente technique de danseur, Hoghe profite du pouvoir d’évocation que provoque son physique particulier pour « dé-érotiser » l’habituelle convention « ballettique » qui associe les interprètes d’un pas de deux à un couple d’amoureux. Ancré dans le politique, le spectacle évoque aussi les tragédies de Tchernobyl et de Fukushima grâce à une musique angoissante et à des citations prononcées en français, en anglais et en japonais. Cet éclectisme musical, qui mélange des chansons populaires avec la musique de Bach, Purcell ou Gershwin, permet de dynamiser la chorégraphie qui joue sans cesse avec les attentes du public, même lors des rares moments où la danse bascule dans des formes plus classiques. C’est le cas à l’apogée du spectacle, alors que les deux danseurs s’exposent torse nu et que Ueno ose quelques portés de son partenaire.
C’est à un exercice de contemplation et de méditation que Hoghe convie le public montréalais, qui doit éprouver une certaine forme d’ennui avant d’apprécier le travail minutieux des deux artistes. En obligeant le spectateur à abandonner le rythme incessant de son quotidien pour plonger dans un état d’éveil sensoriel, le chorégraphe se rapproche davantage des principes philosophiques de la non-danse que de la virtuosité physique que commandent les codes contraignants du ballet.
15-04-2018