La fable : Mani et Dani, un frère et une sœur, rendent visite à leurs parents, Karl et Caro, pour l’anniversaire de leur grand-mère maternelle qui fête ses 95 ans. Or, il se trouve que ce jour est aussi celui des funérailles d’un ami, abattu par son père d’un coup de fusil. Le repas de fête est sinistre de même que la rencontre fortuite de Oli et Gaby, avec qui ils formaient jadis un quatuor d’inséparables. Une journée fatale pour tous.
Quand le spectacle commence, tout a déjà eu lieu. Dans un jeu de plaidoyers lourds de sous-entendus, chacun des protagonistes se mêle d’exposer au public le déroulement de cette journée. Mais peut-on dire précisément quand tout cela a commencé ?
Gaétan Paré du Théâtre de la Pacotille s’empare avec fougue de ce texte à l’intelligence et à la structure jouissive qui lui permet de faire éclater la forme de la représentation. Une distribution redoutable l’accompagne dans cet univers qui fait valser les conventions.
Hamlet est mort. Gravité zéro a été écrit en 2007 par l’auteur autrichien Ewald Palmetshofer qui se sert du noyau familial pour exposer le poids des conflits générationnels. Il nomme le vide laissé par l’absence d’idéaux et propose l’expérience de l’inertie. En interrogeant l’origine pour trouver les causes, Palmetshofer expose la difficulté de vivre d’une jeunesse qui peine à s’inscrire dans le monde qui est le sien.
Le texte, par sa déconstruction des conventions de temps, de lieu et d’action, repense la représentation théâtrale et la met en danger, s’inscrivant ainsi dans une dramaturgique résolument contemporaine qui propose une réflexion vertigineuse sur le théâtre.
L’adaptation québécoise qu’en a faite Éric Noël fait résonner le rythme et les sonorités propres au texte dans sa langue d’origine et en accentue la pertinence en l’ancrant dans une réalité très proche de nous.
Traduction Laurent Mulheisen
Adaptation Éric Noël
Dramaturgie Sara Fauteux
Assistance à la mise en scène et régie Camille Gascon
Scénographie Morgan Guicquero
Costumes Linda Brunelle
Éclairages et direction de production Marie-Aube Saint-Amant Duplessis
Tarifs et Cartes Prem1ères
Régulier 25$
30 ans et moins 22$ - travailleurs culturels, membres de la Fédération des aînés du Québec (FADOQ), Détenteurs de la carte Accès Montréal 20$
Carte Prem1ères 12,50$ (du 16 au 20 octobre)
Production du Théâtre de la Pacotille
par Pascale St-Onge
Dieu est mort (…) Le ciel est une machine.
Le metteur en scène Gaétan Paré, l'une des paires de mains à la barre du Théâtre de Pacotille, s'attaque de nouveau à un texte à la forme très contemporaine. Hamlet est mort, gravité zéro est un défi important pour permettre au public d'accéder au coeur de sa problématique : est-il encore possible pour l'homme moderne d' « être » ?
C'est un récit totalement déconstruit que portent les six personnages de la pièce. Leur chemin de vie étant totalement tracé d'avance et voué à une vie inutile, Dani et Mani, soeur et frère, se questionnent sur ce qui a bien pu leur arriver. Y a-t-il un moyen de changer le destin, ou le hasard (thème récurrent dans le texte), alors que visiblement cette vie n'est plus faite pour y accepter tout le monde. Le tout se passe à la fois autour d'un souper de famille, de retrouvailles inattendues avec de vieux amis dont la vie semble idéale et des funérailles d'un autre, Hannes, qui hante la scène durant toute la représentation.
La scène, disposée avec un souci de symétrie, obsède avec ses airs de salle d'attente. Quelques chaises, une porte mystérieuse, plantes et deux micros sont les rares éléments qui meublent un plancher trop lustré. Les personnages peuvent bien chercher où ils appartiennent dans ce lieu anonyme et froid.
Le texte de l'Autrichien Ewald Palmetshofer, adapté par l'auteur dramatique Éric Noël, est un puzzle malléable où les différents morceaux, ou les principaux éléments de réflexion de la pièce, se répètent sous diverses combinaisons d'idées. Étourdissante, la parole des excellents comédiens nous perd parfois, mais il émergera une pensée critique chez le spectateur dans les jours suivant la représentation, si celui-ci s'en donne la peine, et c'est le principal intérêt de cette pièce. Elle nous habite, toujours énigmatique, et poursuivra sa route en nous, nous poussant à réfléchir sur notre propre existence.
Sans cesse, on nous parle de « quand tout a commencé », comme s'ils cherchaient à mettre le doigt sur LE moment où tout a bousculé pour eux, parlant d'un passé du drame qui serait à recommencer, mais leur propre histoire leur est désormais inaccessible. De cette impressionnante distribution, Sébastien Dodge se démarque particulièrement avec un cynisme imposant et des monologues cartésiens qu'il maîtrise parfaitement, exprimant avec une étonnante clarté cette dernière tentative de donner un sens à sa vie et de survivre à son destin. Bien qu'Hamlet soit mort, sa quête impossible revit ici, transformée par les temps modernes.
Gaétan Paré a visiblement bien compris tout le poids de la parole et lui rend majoritairement service dans sa lecture scénique. Cependant, sa formule n'est pas parfaite et dérange par moment. De longs monologues sont livrés par certains des comédiens et le metteur en scène souligne abusivement ce retrait du reste du groupe à chaque fois par une transition douteuse et des confidences au public faites au micro. La voix est transformée, on y ajoute trop d'écho et une trame musicale inutile. Bien que le désir puisse être de ramener l'attention à une seule voix afin de mieux capter les révoltes refoulées qui se révèlent, l'effet est tout contraire. On se sent facilement détourné de ce qui est dit, une distance se crée.
Hamlet est mort, gravité zéro est un spectacle déroutant comme il s'en fait encore trop peu à Montréal. Il prouve la réconciliation encore récente entre le texte dramatique et les formes contemporaines et affecte directement le public, notamment par sa structure inhabituelle. Bien que la mise en scène de Gaétan Paré reste prudente, la direction d'acteurs impeccable permet de nous faire profiter pleinement de l'objet, présenté pour la toute première fois au public québécois.