Show hip hop gore avec MC / DJ et tout un «crew» de morts-vivants, MOMMY penche du côté de la démesure...
Olivier Choinière aime dans ses créations brouiller les pistes en mêlant des formes de la culture populaire à ses observations sociales. Ici, en utilisant le hip hop et l’iconographie des films de zombies, l’auteur impose un traitement par l’humour - et tout en chanson ! - à ce vent de nostalgie conservatrice qui voudrait nous faire retourner à une époque bénie où les «bonnes» valeurs étaient à l’honneur.
Car MOMMY nous confronte à notre nostalgie et pour nous faire entrer dans son monde, Olivier Chonière utilise une corde sensible : extraits sonores de publicités, de discours politiques, de chansons, des années 40 à nos jours, constituent une bonne partie des dialogues. L’effet est une véritable machine à créer de la nostalgie. «Encore si’ouplait M’man…»
MOMMY (ré)incarne notre indécrottable amour pour un passé qui n’est jamais entièrement révolu. Elle est un miroir grossissant tendu à la société québécoise d’aujourd’hui, lui renvoyant sur un mode ironique, politique et musical ses peurs et ses démons.
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Conception sonore Philippe Brault
Costumes, accessoires et espace Elen Ewing
Direction de production Annie Lalande
Une création de L'ACTIVITÉ
Dates antérieures
Du 19 février au 9 mars 2013, du mardi au vendredi 20h, samedi 16h - supplémentaires 14-15 mars 20h, Aux Écuries
par Sara Fauteux
Mommy est exactement comme nous l’avaient décrit les spectateurs de la mouture originale crée l’hiver dernier Aux Écuries : festive, folle, hilarante, gore, dégueulasse, musicale, politique… Une fois sortie de son cercueil, cette mamie cinglante déploie une fougue peu commune à nous lancer à la figure sa nostalgie débilitante.
Du haut de sa tribune, DJ Naes la fera danser et rapper au son d’un brillant montage de chansons effectué par Philippe Brault et Olivier Choinière, le créateur et interprète de Mommy. On traverse toutes les époques et tous les styles, utilisant les airs et les paroles pour décortiquer tous les mécanismes pervers et modes de pensée passéistes de notre belle province et rappeler que les discours des politiciens se répètent comme un vieux disque brisé.
Aux côtés de Choinière, on retrouve des comédiens talentueux qui « rap » aussi bien, sinon mieux que l’auteur, et forment une galerie de personnages débridés, absurdes et dégoutants. Tout au long du spectacle, ils enchainent costumes, chansons et chorégraphies avec une énergie remarquable et contagieuse. Une mention spéciale à Fanny Rainville, dont le personnage de Fée Clochette qu’on croirait tout droit sorti d’un film de John Waters est absolument savoureux. Et comment passer sous silence les costumes délicieusement absurdes d’Elen Ewing !
À l’image du théâtre intelligent, critique et innovateur d’Olivier Choinière, cette pièce ne ménage personne et dépeint la société québécoise dans ses travers les plus cruels. L’auteur ne donne effectivement pas sa place pour nous mettre face à une réalité qu’on préfèrerait ne pas voir et, au passage, s’assurer que nous sommes bien réveillés.
Non pas que Mommy soit le texte le plus réussi de Choinière, dont la plume peut atteindre des sommets autrement plus intéressants, autant dans l’écriture que dans la forme. L’ensemble reste en outre un peu trop brouillon. Ce spectacle n’est ni bourré de trouvailles inventives et brillantes liées à l’actualité politique, ni d’une forme particulièrement travaillée comme peuvent l’être les spectacles du Théâtre du futur (Clotaire Rapaille, l’opéra rock et L’Assassinat du président).
Pourtant, Mommy est d’une force indéniable, hors-norme. Choinière ne fait pas de compromis. Il s’avance, pendouillant, puant, et fonce, dans un grand cri de colère et d’espoir.
par Pascale St-Onge
Olivier Choinière n'a jamais eu l'habitude de laisser tomber les thématiques et façons de faire qui lui sont chères. Avec MOMMY, l'auteur, cometteur en scène et ici comédien renoue avec le spectacle musical (Chante avec moi, 2011) et aborde à nouveau la nostalgie (Nom de Domaine, 2012). Cette fois, il faut se le dire, il est complètement déjanté et nous offre un spectacle à l'image d'une courtepointe chaotique mêlant contes de fées, zombies, rap et politique.
Mommy, mère de toutes les mères du Québec, vieille de 400 ans, meurt seule et ressuscite en colère après que sa tombe fût profanée. Afin de communiquer son droit à la vie à la maudite jeunesse qui, selon elle, sait à peine s'exprimer en français, elle hurle un désir de revenir en arrière, dans le bon vieux temps, en rappant ses arguments, avec l'aide de DJ Naes qui fait office du Christ pour faire revivre voix et mélodies connues d'hier.
Le spectacle démarre en trombe, le séquençage et les discours remixés des personnages représentés (Charest, de Gaulle et Lévesque) donnent le ton ; on personnifie tout ce que le Québec a vécu et qu'il refuse de laisser partir. Les grandes qualités du spectacle ressortent déjà, la qualité du mixage et sa pertinence incontestable nourrissent la proposition et nous garde en haleine. La conception sonore est cosignée Choinière et Philippe Brault. Bien que cette entrée en matière nous aide à saisir le propos, le spectacle change de cap et nous déconcerte en enchaînant avec une scène des plus « gore » et digne d'une superbe série B. On nous avait bien prévenus, MOMMY est une comédie et l'effet est réussi. Bien que la transformation des autres comédiens manque de contexte et va dans tous les sens, ceux-ci ajoutent beaucoup de force et de vitalité (!) à chaque pièce musicale qui s'en suivront. Cet épisode est pratiquement dépolitisé, puisque les liquides internes et autres monopolisent toute l'attention (vomi, sang, intestins, etc.). Heureusement, plus le spectacle avance, bien que de façon anarchique, les propos politiques s'éclaircissent et la mise en garde se présente à nous. Ce mariage presque inévitable entre Mommy et le Roi Stéphane (lire ici Stephen Harper), emblème ridicule de l'extrême droite qui semble profiter de l'absence de renouveau des idées de gauche pour stabiliser son emprise dans ce qui était une province rebelle.
Ce personnage détestable et hideux, nous avons parfois peine à la regarder ; cette morte-vivante aux allégations politiques d'extrême droite, Choinière la porte en lui depuis 2004. Voilà probablement pourquoi il a choisi de l'interpréter. Le créateur était cependant bien inégal dans sa performance et parfois peu convaincant. Sa façon de rapper ses propres mots était beaucoup moins enthousiasmante que celle de sa « crew ». Le reste de la distribution est effectivement impeccable et parfaitement bien choisie. Coup de coeur notamment pour les imitations et doublages de Stéphane Crête et pour la qualité du rap de Jean-François Nadeau
MOMMY dénonce sans repos toute tentative du Québec d'avancer en se rattachant à tout ce qu'elle peut : Disney, René Simard, Maurice Duplessis, etc. L'abondance d'informations contenue dans chaque rap peut faire perdre le fil à quelques spectateurs, ou encore l'extravagance presque dérangeante avec laquelle l'ensemble nous est livré, surtout que le spectacle a une légère tendance à s'éterniser, mais l'essentiel nous parvient assez facilement. Rapidement, on accepte cette oeuvre pour ce qu'elle est : un spectacle de musique davantage qu'une pièce de théâtre à proprement dit. La preuve, on nous sert volontairement un rappel après ce que plusieurs ont interprété comme étant la finale.
La scène et la mise en scène (cosignée avec Alexia Bürger) sont à l'image du processus et de la forme du spectacle ; de façon chaotique, la distribution enchaîne performances et chorégraphies dans un espace tout disposé à la performance musicale. L'abus de projecteurs, le DJ monté sur une estrade à la hauteur des cieux, MOMMY écrit en grosses lettres dorées et un peu « bling-bling » surplombent la scène. Malgré costumes et rares dialogues, nous oublions facilement que nous sommes au théâtre.
Qu'on aime ou non, car ce spectacle ne peut et ne veut visiblement pas plaire à tous, il faut reconnaître à Choinière qu'il va plus loin qu'il n'a jamais été et il le fait dans une salle tout à fait appropriée pour lancer ce cri de rage à peine dissimulé contre les valeurs conservatrices. Sa réflexion face à la culture populaire dans son processus atteint un summum et il maîtrise sans contredit le sujet qui l'anime, la nostalgie. Grâce à une recherche très poussée dans notre culture et notre passé afin de nourrir les rythmes et séquençages qui supportent les mots de Choinière, cet objet insolite est une oeuvre pertinente et nécessaire, bien que fort dérangeante et qu'elle ne fera pas l'unanimité en ce qui a trait au style pourtant totalement assumé.