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Du 9 au 26 avril 2014, du mardi au vendredi 20h, samedi 16h
6 octobre 2014, 20h - événement spécial
VillesVilles
Texte, mise en scène et interprétation Olivier Ducas

Sur scène, un acteur. Sur sa table, grâce à différents objets ou différents matériaux, et à travers l’œil de sa caméra, il construit, dessine, évoque des villes. Tantôt il nous raconte l’histoire torturée d’une ville; tantôt, il dresse le portrait des habitants d’une autre. Ici, il s’intéresse à l’architecture ou à l’urbanisme; là, à la croissance démographique.

Sa caméra, telle une boule de cristal, permet au spectateur d’entrer dans le monde des rêves ou de révéler à ses yeux l’infiniment petit. Le narrateur nous offre avec chaque ville une perspective sur le monde, une réflexion sur le temps, une question sur les rapports entre les humains. Chaque ville est en quelque sorte une métaphore, un symbole, une effigie.

L’inspiration de Villes provient à l’origine du roman d’Italo Calvino Les villes invisibles. Petit à petit, la création s’est affranchie de cette influence pour n’en garder que l’essence du voyage à travers des villes imaginaires.

Avec ce nouveau spectacle de théâtre d’objets, Olivier Ducas et Julie Vallée-Léger ont souhaité se pencher sur différentes recherches théâtrales, utilisant désormais l’objet avant tout pour sa valeur symbolique et sémantique. Ils y questionnent les points de vue, et les interprétations qui en découlent, en confrontant la vision du spectateur à celle, plus resserrée, de la caméra.


Section vidéo

    

Scénographie et accessoires Julie Vallée-Léger
Assistante à la mise en scène Manon Claveau
Conception sonore Nicolas Letarte
Conseil lumières Thomas Godefroid

AVRIL 2014
Carte Prem1ères
Cartes Prem1ères
Date Premières : du 8 au 12 avril 2014
Régulier : 25$
Carte premières : 12,50$
30 ans et moins 22 $

Une production du Théâtre de la Pire Espèce


Aux Écuries
7285, rue Chabot
Billetterie : 514 328-7437

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 Critique
Critique

par David Lefebvre

« Les villes comme les rêves sont faites de désirs et de peurs, même si le fil de leur discours est secret, leurs règles absurdes, leurs perspectives trompeuses; et toute chose en cache une autre. »
Extrait de Les Villes invisibles, d’Italo Calvino


Crédit photo : Pire Espèce

Après quatre ans de travail et d’exploration, Olivier Ducas propose enfin devant public son plus récent projet, Villes, qui s’inspire largement du livre Les Villes invisibles de l’écrivain italien Italo Calvino. Bouquin plutôt étrange, mais élégant, entre poésie et fiction, il réunit la description d’une cinquantaine de villes affublées uniquement de noms féminins et divisées en diverses thématiques. Le récit en soi arrive, littéralement, à s’autosuffire ; Ducas ne tombe pas dans le piège de l’adaptation systématique et décide plutôt de transposer l’idée principale de la trame narrative au cœur de son propre champ d’intérêt : l’objet. Le carton, le bois, le sable, la photographie, le jouet, la boule de miroir deviendront tour à tour métaphores ou représentations abstraites d’une quinzaine de villages, de cités, de mégapoles.

Dans ces perspectives du monde urbain, se dessine et se dresse une poésie visuelle du commun, de l’immense et du minuscule, touchante, vibrante, vivante. Dans un tas de limaille de fer mouvant, se dessine une foule grouillante, ou une ville qui se construit et se défait pour se rebâtir encore. La cité de Marie-Josée dévoile son côté « dodo-métro-boulot / concert rock / #manifencours / plage », peuplée d’une multitude de figurines Playmobil. Myriam est celle qui se dédouble sans cesse, grâce à ses murs en miroir qui s’érigent autour des immeubles, les multipliant tout en les emprisonnant de manière narcissique. Il y a Cassandra, ville de signalisation ; sous des airs de cours universitaire, le narrateur en profite pour revoir de façon hilarante l’histoire du pictogramme et de l’écriture sociale. Il y a Léa, sous la forme d’une émission de télé, qui explique comment mouler sa maison pour créer des quartiers parfaits et symétriques, à installer sur Park Avenue ; Népolie, qui prend la forme d’une ville industrielle dans les entrailles d’un ordinateur de bureau ; Concepción, qui nait d’un calendrier aux vertes vallées, où l’homme s’implante pour faire pousser du maïs jusqu’à occuper tout l’espace, en espérant que ça n’éclate pas. Il y a Gloria, et sa cartographie de plus en plus complexe, Scarlett, où l’on passe d’une chambre présidentielle d’hôtel prestigieux à un bar chic, en traversant la rue aux vitrines humides. Il y a Aurore, où le café aborigène et le sucre raffiné se mélangent pour créer un amalgame moderne et sensiblement paisible, Fumiko, la plus photographiée au monde, qui, paradoxalement, disparaît, comme une feuille photo qu’on laisserait trop longtemps baigner dans un bac rempli de révélateur ; Maxime, agglomération d’inspiration américaine, obnubilée par les statistiques, présente des gratte-ciels aussi droits que les colonnes des graphiques qu’elle produit jour après jour, et tant d’autres qui éblouissent, visitées que bien trop brièvement, grâce à quelques mots ou à un faisceau lumineux furtif.

Spectacle solo à peine éclot, Villes s’avère pourtant précis, inventif, fignolé et d’une immense beauté. Empruntant parfois le ton d’un conférencier, le comédien manipulateur utilise le thème de la collection et du collectionneur pour tisser un fil conducteur simple, mais efficace, autour de ses villes imaginaires, cataloguées sous les appellations, entre autres, de villes de sable, villes pop, de poche, monstres, sublimes, doubles, et autres fantômes. L’univers de Ducas se déploie sur deux niveaux : d’abord sur les tables de travail avec plateau rotatif, où le spectateur peut aisément le regarder manipuler les divers objets et maquettes, conçus et agencés par Julie Vallée-Léger. Puis sur écran géant, où l'on projette des images captées en direct par deux caméras numériques que le comédien place et manipule à souhait, une nouveauté dans le travail de la Pire Espèce. Aidées par la magnifique conception d'éclairage de Thomas Godefroid, les images sont saisissantes et le résultat, proche de l'essai cinématographique - que l'on regarderait séparément de la représentation avec un grand plaisir - est d’une indéniable qualité, voire exceptionnelle pour les moyens utilisés. Un Kiss and Cry à plus petite échelle et plus symbolique. La trame sonore de Nicolas Letarte flirte avec une multitude de styles, de la symphonie à l’électro atmosphérique en passant par le métal lourd, collant toujours parfaitement à chaque présentation.

Avec Villes, Olivier Ducas désire observer la société, la culture, les êtres et les lieux qui l'entourent et qu'ils visitent, en rêve ou en voyage, et créer des portraits imaginaires, à partir du réel, que le public interprétera à sa façon. Le spectacle trouve, avec une déconcertante facilité du point de vue du spectateur, un équilibre extraordinaire entre la trame narrative contemporaine, l’art visuel, le cinéma et le théâtre expérimental et celui d'objets, tout en demeurant d’une très grande accessibilité. Fascinant et captivant voyage au cœur de l’urbain, Villes et une ode, à l’échelle miniature et magnifiée, à la créativité humaine.

10-04-2014