À l’adolescence, qui n’a pas voulu réinventer son histoire familiale? Éthienne se sent déconnecté de ses parents. Il se demande comment sa mère a pu avoir 57 enfants si laids et si bêtes, et comment son père à demi-bovin peut être aussi mou. Avec un fin dosage d’humour, de fantaisie et même d’un peu de cruauté, avec pour seuls outils du papier, des objets du quotidien et quelques figurines, La Pire Espèce fabrique un conte transgénérationnel au cœur de la mythologie de la famille québécoise.
La technique du théâtre d’objets par l’utilisation de ses symboles miniatures offre les métaphores et les scénarios impromptus de l’imagination enfantine. À la manière du conte, le spectacle explore ces doubles/ombres intérieurs de notre enfance, évoqués par Sigmund Freud dans son Inquiétante étrangeté. Il propose un voyage au cœur de l’inconscient adolescent toujours en quête de réponses, et oui parfois, aux manifestations noires et salissantes.
Section vidéo
Musique originale et régie Mathieu Doyon
Assistance à la mise en scène Manon Claveau
Scénographie Julie Vallée-Léger
Dessins Francis Monty et Julie Vallée-Léger
Collaboration à la création Étienne Blanchette
Conseil lumières Thomas Godefroid
Codirection technique Nicolas Fortin
Codirection technique et direction de production Clémence Doray
Photo Eugene Holtz
Plein tarif : 27 $
30 ans et moins, membre de la Fadoq, détenteur d’une carte Accès Montréal : 24 $
65 ans et plus : 24 $
Travailleur culturel, membre de la RAIQ, la FADOQ ou l’AQAD: 22 $
Étudiant : 21 $
Groupe (15 personnes et plus) : 19 $
12 ans et moins : 17 $
Les vendredis soir de représentation, tu dis ton prix!
Une production du Théâtre de la Pire Espèce en coproduction avec le Festival Méli’Môme (France) et le Festival Petits et Grands (France)
Dates antérieures (entre autres)
8-12-15-19-22-26 avril 2014 - uniquement les mardis à 20h et samedis à 18h30
11 septembre 2014, 20h - Aux Écuries
13-14 octobre 2015, 20h
critique publiée en 2014
Fable décalée sur l’imagination et la hargne ressentie à l’adolescence, Petit bonhomme en papier carbone de Francis Monty et de la Pire Espèce prend d’assaut les Écuries deux fois par semaine, les mardis et samedis, et ce, jusqu’au 26 avril prochain. De retour au Québec après une mini-tournée en sol français, dont un passage au festival Méliscènes à Auray et au Rimambelle de Blainville-sur-Orne, le projet avait d’abord séduit, rappelons-le, quelques spectateurs lors d’une édition du Jamais lu, puis fut présenté aux Coups de théâtre de 2012, dans une deuxième version plus travaillée. La critique de cette représentation par ma collègue Daphné Bathalon, toujours d’actualité, est d’ailleurs disponible ci-dessous. Cette « cinquième version », relativement définitive, présentée aux Écuries ces jours-ci, se rapproche plus que jamais du plein potentiel qu'on lui accorde, sans être encore totalement satisfaisante.
Placé derrière son castelet et entouré d’accessoires divers, Monty donne rapidement le ton de la soirée grâce aux quelques feuilles qu’il brandit pour accrocher l'oeil des gens prenant place ou pour indiquer la durée du spectacle. Sans faire ni une ni deux, il déclare avec un bien senti « bon ça commence » le début officiel de la représentation. En quelques mots, tout l’univers de l’habile créateur et manipulateur jaillit alors qu’il décrit le décor invisible qui sied sur la table noire et vide. Un décor bien plat, selon ses dires, mais qui cache un semblant de ville, des rues, des maisons, des habitants. En une douzaine de tableaux, le public fait la connaissance de ce petit bonhomme qu’est Éthienne, de sa mère toujours séduite par des étrangers et leurs uniformes, de son père tellement bovin qu’il est représenté par une vache, de ses 56 frères et de Stéphane, son meilleur ami, en perpétuelle jubilation, les bras toujours levés vers le ciel. Éthienne est en fait un garçon à l’imagination débordante, qui n’arrive pas à accepter ses origines somme toute banales et le monde dans lequel il vit. Ne se reconnaissant pas au sein de cette famille, il se rebiffe et crée alors diverses explications, voire des mythes, dont un déversement de lait de lune dans le ventre de sa mère pour lui donner naissance et une discussion musclée avec Zeus pour trouver des réponses aux frustrations et aux questions qui le tarabustent.
À l’image des précédentes créations de la Pire Espèce, Petit bonhomme demeure très low-tech. La matière principale pour évoquer les personnages et les décors est le papier ; son utilisation est brillante, originale et souvent surprenante. Le dessin d’une valise, une fois inclinée, devient une tasse à café ; le visage de la lune change selon qu’elle est placée à la verticale ou à l'horizontale. Des clins d’œil à la culture populaire s’immiscent même dans les portraits dessinés des frères d’Éthienne. Avec un humour souvent noir, près de la raillerie, et une langue relâchée, Francis Monty aborde avec beaucoup de fantaisie les douloureuses remises en question de l’adolescence et le rejet des parents, plus spécifiquement du père. La frontière entre acteur, manipulateur, narrateur, personnage et spectacle est d’une perméabilité toute calculée et bien orchestrée. Mathieu Doyon, à l’environnement sonore et à la régie, collaborateur essentiel à l’entreprise, vient compléter efficacement le jeu de Monty.
Les quelques faiblesses du spectacle se situent davantage dans le rythme de la représentation que dans le contenu. La longueur du spectacle – près d’une heure vingt pour un solo proposé aux 12 ans et plus –, ainsi que quelques brisures de ton assez drastiques entre certaines scènes et des tableaux aux actions un peu moins pertinentes pour la progression du récit viennent alourdir la représentation. Pourtant, elle n’est pas dénuée de moments « punchés », absurdes ou tendres, bien au contraire ; on sent d’ailleurs une amélioration à ce chapitre, en comparaison avec les précédentes versions. Quelques ajustements pourraient ainsi faire une réelle différence et augmenter indubitablement le plaisir des spectateurs.
Tout aussi glauque que ludique, Petit bonhomme en papier carbone, petit frère de Léon le nul, ébranle et amuse, en explorant les côtés sombres de l'adolescence. Une jolie réussite, malgré les quelques points faibles persistants, pour la compagnie montréalaise aux créations toujours surprenantes.
autre critique, par Daphné Bathalon (version 2, lors des Coups de théâtre 2012)
Pour cette nouvelle création, le Théâtre de la Pire Espèce reste fidèle (pour notre plus grand bonheur) à ses premières amours en optant pour un tout petit castelet et du théâtre « sur table ». Cette fois, la table est un paysage, un peu plat, nous avoue d’entrée de jeu le narrateur incarné par Francis Monty. C’est pourtant le paysage où il plante le décor de cette histoire : celle d’Ethienne, le dernier d’une fratrie de 57 garçons. Petit bonhomme en papier carbone reprend l’univers que Monty avait déjà exploré avec Léon le nul; on y retrouve la même famille, sauf qu’on s’intéresse cette fois à l’un des frères de Léon, ledit Éthienne avec un H. Éthienne se sent différent d’eux tous et surtout de son père, un homme mou qu’il compare à une vache; si différent en fait qu’il doute de ses véritables origines et s’en invente de nouvelles. Porté par une sensibilité étonnante, il part en quête.
Une fois de plus, Francis Monty fait la preuve de son incroyable talent de conteur et de sa connaissance des objets qu’il manipule. À partir de quelques accessoires, il construit la vie du jeune Éthienne et tout l’univers dans lequel il vit, depuis l’usine de son père à l’école qu’il fréquente. Le petit Éthienne est un personnage coloré auquel Monty insuffle une bonne dose d’énergie. On prend plaisir à suivre son évolution, mais on prend encore plus plaisir à découvrir les trouvailles imaginées par le metteur en scène pour recréer un univers complet avec quelques objets épars et beaucoup de feuilles de papier. Le papier est en effet utilisé à toutes les sauces et sous toutes ses formes dans ce spectacle ingénieux. Papiers mouchoirs transformés en toge, cartons de jus métamorphosés en école puis en casiers, rideaux de scène en carton, feuilles volantes devenant toiles pour théâtre d’ombres : aucun format n’est négligé, aucune idée loufoque n’est censurée.
C’est ce côté débridé et cette liberté de création qui, chaque fois, charment le public. Par moments, Monty ressemble à un gamin jouant avec ses figurines, de quoi faire sourire! Captivé par le récit surgissant du papier, on ne peut que se laisser surprendre par les inventions de Monty et de son coéquipier à la musique, Mathieu Doyon. Petit bonhomme en papier carbone est cependant bien moins précis que ne le sont les précédents spectacles de la Pire Espèce. Si dans ceux-ci, les actions semblent improvisées avec beaucoup de naturel, certaines séquences de Petit bonhomme paraissent moins maîtrisées. Monty cherche ses accessoires, quelques objets ne veulent pas jouer le rôle prévu, les dialogues s’étirent...
La narration, marquée de nombreux jeux de mots savoureux parfois destinés aux spectateurs plus grands, n’est pas sans rappeler celle de Fred Pellerin, tandis que les têtes des personnages et de la Lune rappellent davantage l’univers de Tim Burton. Un mélange inusité, mais qui fonctionne à merveille.
En dépit de quelques faiblesses – certaines scènes gagneraient à être resserrées – Petit bonhomme en papier carbone fera certainement son... petit bonhomme de chemin sur la scène québécoise et internationale.