Les idées.
D’où viennent-elles? Comment cheminent-elles? Comment s’organisent-elles?
Federico León, un des chefs de file du théâtre argentin indépendant, et son collaborateur Julián Tello prennent à la lettre l’expression « se renvoyer la balle », en l’occurrence au ping-pong, autour de la table où ils sont installés, chacun devant son ordinateur portable, accessoire dont le rôle ne sera pas du tout accessoire…
Vrai-faux work in progress en forme de brainstorming intensif, mise en abyme vertigineuse du processus de création, la pièce interroge, entre autres, notre tendance obsessive à tout archiver dans l’instant, comme si la vie n’existait pas réellement sans les preuves qu’on peut en montrer. Est posée aussi la question de la vérité et de la simulation au théâtre. Une action, un objet réels, par exemple boire du vrai whisky sur scène et non du faux, serait-il plus crédible et donc préférable ou cela risque-t-il plutôt d’altérer la performance?
Au fil des échanges, des explorations, et au fur et à mesure de son déroulement, le spectacle se construit sous nos yeux, délicieusement iconoclaste, d’une intelligence redoutable et franchement hilarant.
Assistants mise en scène et production Rodrigo Pérez et Rocío Gómez Cantero
Scénographie et accessoires Ariel Vaccaro
Lumières Alejandro Le Roux
Musique Diego Vainer
Costumes Paola Delgado
Interprète pour les répétitions Ignacio Rogers
Photographies Ignacio Iasparra, Bea Borgers
Graphisme Alejandro Ros
Système de vidéo projection Paula Coton et Agustín Genoud
Agents Judith Martin et Carlota Guivernau
Assistance générale Melisa Santoro Aguirre et Antonella Saldicco
Assistance à la direction assistance et à la production Rodrigo Pérez et Rocío Gómez Cantero
Diffusion et développement Ligne Directe/Judith Martin
Crédits vidéo
Avec Alejandra Manzo, Maitina De Marco, Bárbara Irisarri, Pablo Gasloli, Alejandro Ini, Ana María Monti, Patricia Russo, María Laura Santos, Alfredo Staffolani, Martín Tchira, Emanuel Torres, Antonella Querzoli, Gabriel Zayat.
Caméra et photo Guillermo Nieto
Art Mariela Rípodas
Son Diego Vainer
Édition Andrés Pepe Estrada
Postproduction Alejandro Soler
Fabrication des objets David D’Orazio
Direction Guillermo Saposnik
Assistance à la direction Melisa Santoro Aguirre & Malena Juanatey
Casting Maria Laura Berch
Durée 1h
En marge des spectacles :
Entretien avec les artistes, mardi 7 juin
Achat à l'unité : 48$
* Taxes et frais de service inclus
Production Kunstenfestivaldesarts (Bruxelles), Iberescena (Espagne), El Cultural San Martín (Buenos Aires), FIBA Festival Internacional de Buenos Aires, Fundación Teatro a Mil (Santiago du Chili), La Bâtie – Festival de Genève (Suisse), Festival D’Automne à Paris –La Bastille, La Villette - Residence d’artistes 2014 (France)
Caserne Dalhousie
103, rue Dalhousie
Billetterie : Carrefour - 418-529-1996 - 1 888 529-1996
Adresse : 369, rue de la Couronne, 4e étage, billetterie en ligne
Le volet international de l’édition 2016 du Carrefour se termine prématurément avec non pas le magnifique Murmures des murs (annulé), mais le tout aussi sympathique que déstabilisant Las Ideas, de l’Argentin Federico León. C’est la perte de tous ses fichiers et ses textes, lors d’un bris accidentel de son portable, qui inspire à León la trame première du spectacle. La pièce s’articule autour de deux artistes, Federico et Julián, en plein processus de création pour plusieurs projets, installés sur une table de ping-pong avec leur ordinateur et leur synthétiseur.
Leur point de départ : la vidéo d’une artiste, jouée par une jeune femme trisomique, qui déguise des animaux en d’autres animaux. Mais comment rendre « réel » ce personnage ? Et si on déposait la vidéo sur YouTube, est-ce que le public croirait en son existence ? Et ces deux lascars, assis à cette table dont on a relevé un des panneaux pour créer un écran de fortune (imitant au passage la forme d'un ordinateur portable), comment leur octroyer une existence ? Est-ce que la caméra qui les filme en permanence peut transmettre cette idée d’authenticité ?
Las Ideas, c’est la manifestation du paradoxe du théâtre, où l’illusion est vraie. En s’interrogeant sur la nécessité de fumer un joint sur scène ou non, de boire du vrai whisky, d’appeler la copine de l’autre ou de faire semblant, les deux hommes démontrent les mécaniques de la création et les manières de manipuler – ou de berner – le public. Ils examinent toutes les possibilités, en font le tour, tentent toutes les approches. Est-ce que la réalité sert le propos ou peut-on la jouer tout en conservant un certain réalisme ? L’appel de la copine, peut-il être préenregistré ou devrait-il être toujours en direct ? Quelles sont les implications des deux propositions? En abordant ces questions, les deux hommes s’interrogent aussi sur les limites de la représentation et la censure (en fouillant dans la corbeille de l’ordinateur, ils trouvent un fichier vidéo d’un film porno dont on a extrait toutes les scènes explicites - hilarant), tout en réfléchissant à haute voix sur un effet « inception » ou « poupée russe » autour d’eux : peut-on mettre une poubelle à la poubelle? Existe-t-il un étui à guitare pour les étuis à guitare ?
Force est d’admettre que l’exercice à l’accent documentaire, aussi faux soit-il, est d’une efficacité exemplaire. On veut y croire, on y croit, en fait, à ce processus créatif à l’autocritique et à l’autodérision assumées, mais qui vire parfois au cabotinage. Et on ne peut qu’être émerveillé par la grande simplicité de la proposition, qui cache une complexité technique indéniable. La (première) finale explore superbement l’idée du paroxysme, avec un ballon qu’on gonfle jusqu’à l’éclatement et une musique qui installe rapidement une véritable tension ; même si on s’y attend, la surprise est authentique. Puis, par l’entremise d’une vidéo, on sombre dans une mise en abyme extraordinaire, en revisitant autrement tout le spectacle, entre autres grâce à des maquettes de la pièce manipulées par la comédienne du début. Qui a créé qui ? À quel niveau du processus sommes-nous réellement?
Flippant.