Le mot peep signifie regard furtif, petit coup d’œil. Dans la cabine du peep-show, une fenêtre qui s’ouvre et se referme permet de voir en partie et pour un court moment la scène interdite.
Marie Brassard, créatrice singulière au travail très personnel, revisite, dix ans plus tard, son troisième solo, sorte d’éloge de la curiosité inspiré d’un Petit Chaperon Rouge qui n’aurait pas peur du loup et s’enfoncerait avec délices au cœur de la forêt. Elle est relayée sur scène par Monia Chokri, figure majeure du cinéma et de la télévision, interprète de Denis Arcand, muse de Xavier Dolan, scénariste et réalisatrice elle-même.
Malgré son titre, le spectacle ne comporte pas d’images obscènes ou pornographiques, mais il est construit comme une mosaïque d’histoires où chaque fragment est une vision brève d’un désir, d’une pulsion; où chaque récit flirte avec le danger, convoque l’érotisme, transgresse un tabou. L’actrice navigue à travers une constellation de personnages, empruntant une multitude de voix aux textures et aux registres variés. Son interprétation, puissante et subtile, compose un univers sensuel, étrange et fascinant, qui déroute, envoûte, hypnotise.
Assistance à la mise en scène Emanuelle Kirouac
Dramaturgie à la création Daniel Canty
Scénographie Simon Guilbault
Éclairages Sonoyo Nishikawa
Costumes Ying Gao
Musique Alexander MacSween
Sonorisation et traitement sonore Frédéric Auger
Vidéo et montage Pascal Grandmaison
Maquillage et coiffure Angelo Barsetti
Régie éclairages et vidéo Dominique Cuerrier
Régie son Maxime Lambert
Direction technique Frédéric Auger et Éric Locas
Photo Simon Guilbault
Durée 1h25
En marge des spectacles :
Entretien avec les artistes, mercredi 1er juin
Achat à l'unité : 48$
* Taxes et frais de service inclus
Les contes de fées : inspiration pour le théâtre
Table ronde Jeudi 5 Mai | 19h Librairie Laliberté
Réflexion sur les personnages de Cendrillon, Le Petit Chaperon rouge (Peepshow) et Alice au pays des merveilles (Murmures des murs).
Avec, entre autres, Angèle Delaunois, éditrice, et Marcel Gaumond, psychanalyste
Animation Isabelle Carpentier, adjointe à la programmation du Carrefour
En collaboration avec la Librairie Laliberté
Production Infrarouge
Cette nouvelle version du spectacle Peepshow, originalement créée par Infrarouge, est une co-production de INFRAROUGE et ESPACE GO.
Grand Théâtre de Québec, salle Octave-Crémazie
269, boul. René-Lévesque Est
Billetterie : Carrefour - 418-529-1996 - 1 888 529-1996
Adresse : 369, rue de la Couronne, 4e étage, billetterie en ligne
autre critique disponible, lors du passage de la pièce à Espace Go
Le moins que l’on puisse dire de Peepshow de Marie Brassard, c’est que la pièce désarçonne et brouille nos repères. L’artiste a beau avoir collaboré à plusieurs spectacles de Robert Lepage (La Trilogie des dragons, Le Polygraphe, Les Sept Branches de la rivière Ota et Nô) et partager avec lui un penchant pour la technologie, son univers lui est tout à fait unique et personnel. Là où la poésie de Lepage trouve sa source dans la banalité concrète du quotidien, celle de Brassard nait dans l’abstraction onirique de la nuit.
C’est l’aspect technologique qui nous happe en premier lieu avec cette nouvelle mouture. Monia Chokri reprend le rôle que Marie Brassard portait à l’origine. Un modulateur électronique transforme sa voix, qui se fond d’une voix d’enfant à une voix d’homme, en passant par une voix de femme. L’effet, saisissant à lui seul, est appuyé par la gestuelle de Chokri : chaque mouvement est précis et participe à l’illusion. Ici, le jeu, la technologie et la mise en scène se complètent et s’enrichissent, créant un tout qui cloue le spectateur à son siège.
C’est cet effet qui évoque le peep-show du titre : des bribes de vie, intimes et secrètes, nous sont livrées. Une curiosité morbide nous retient et nous captive alors qu’on reçoit ces confidences qui sculptent l’identité d’un être. Mais nous n’en percevons que des bribes, alors qu’on sent qu’il y a forcément quelque chose de plus. Ou peut-être pas. Et la technologie, cette voix électronique, tient toutefois à distance toute émotion – tel un spectateur de peep-show, le public observe en voyeur passif, sans prendre part à l’action. Si cette distance est souvent négative, ce quatrième mur devient ici essentiel à l’atmosphère et au propos.
Sous la direction de Marie Brassard, Monia Chokri nous entraîne donc à sa suite à la poursuite sans fin de l’autre, ce grand méchant loup qu’on désire et qu’on redoute à la fois. Le désir, la curiosité d’explorer et de découvrir autre chose, quelque chose de plus, quelque chose de significatif, se font écho et soulignent la solitude inéluctable. Ce travail d’orfèvre est couronné par l’interprétation de Are You Lonesome Tonight?, alors que la voix de Chokri se dédouble, se fond, se transforme.
Peepshow est une œuvre qui reste longtemps avec nous, qui résonne, et qui plaira au spectateur qui aime le dialogue que son propre univers lui permettra d’avoir avec celui de Marie Brassard.