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Carrefour international de théâtre - 8 et 9 juin 2017, 21h, 10 juin, 17h
Le déclin de l'empire américain
Montréal
En français
D'après l'oeuvre de Denys Arcand 
Adaptation Patrice Dubois et Alain Farah
Mise en scène Patrice Dubois
Avec Sandrine Bisson, Dany Boudreault, Marilyn Castonguay, Patrice Dubois, Éveline Gélinas, Simon Lacroix, Jean-Sébastien Lavoie, Bruno Marcil, Marie-Hélène Thibault

Trente ans après le film culte de Denys Arcand, présenté au Festival de Cannes, nommé aux Oscars et plébiscité par les publics un peu partout dans le monde, en voici une version 2.0, qui réactualise et refonde le scénario original tout en préservant la dynamique des personnages ainsi que l’essence de l’œuvre première.

L’idée a d’abord germé dans l’esprit de Patrice Dubois, acteur, metteur en scène et directeur artistique, pendant un souper entre amis où il avait été frappé par les similitudes de leurs discussions et de leurs préoccupations avec celles des protagonistes du film. Avec Alain Farah, auteur et professeur de littérature, ils ont remanié le texte, mettant au cœur de leur relecture la génération des quarantenaires d’aujourd’hui, devenus adultes dans un bruit de fond permanent autour de la sexualité et dans l’ombre des événements du 11 septembre 2001 à New York.

La mise en scène, épurée, d’une grande beauté picturale, jette la lumière sur les corps des interprètes et met l’accent sur la parole des personnages, à la fois renouvelée et inchangée. L’accueil réservé à ce spectacle incontournable, le plus attendu de l’année, témoigne bien de son immense vitalité ainsi que de la pertinence des questions qu’il continue de soulever.


Assistance à la mise en scène Catherine La Frenière
Régie Stéphanie Capistran-Lalonde
Décor Pierre-Étienne Locas
Costumes Julie Breton
Éclairages André Rioux
Conception sonore Larsen Lupin
Direction de production Marie-Hélène Dufort
Direction technique Jérémi Guilbault-Asselin
Codirection générale et direction administrative Julie Marie Bourgeois
Codirecteur générale et directeur artistique Patrice Dubois
Responsable du développement des publics et financement privé Véronique Grondines
Coordination générale et responsable aux communications Stéphanie Laurin
Concepteur graphique Lino (assisté de Julie Gauthier)
Photo Jean-François Brière

Durée 1h25

En marge des spectacles :
Entretien avec les artistes, jeudi 8 juin

Achat à l'unité : 49,50$
* Taxes et frais de service inclus

La version originale du spectacle a été créée à Espace Go en 2016.
Notre critique
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Production Théâtre PÀP


CarrefourThéâtre de la Bordée
315, rue St-Joseph Est
Billetterie : Carrefour - 418-529-1996 - 1 888 529-1996
Adresse : 369, rue de la Couronne, 4e étage, billetterie en ligne

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Critique

critique publiée lors de la création à Espace GO en mars 2017

C’est à un défi casse-cou, s’il en est un, que se sont attaqués le metteur en scène et directeur artistique du Théâtre PàP, Patrice Dubois, et son acolyte, l’auteur Alain Farah, en adaptant Le déclin de l’empire américain. Faire passer ce classique du cinéma québécois de l’écran à la scène, d’abord, mais surtout, transposer l’œuvre culte de Denys Arcand des années 1980 à aujourd’hui, sans que ce soit uniquement par l’ajout de cellulaires ou de références actuelles, comme s’en sont défendus les deux cocréateurs en entrevue. Dans quelle mesure les discours des personnages créés en 1986 sont d’actualité, parlent encore de notre société, de ses obsessions et de sa vision du monde? Les discours n’ont pas autant changé qu’on aime le croire, semble laisser entendre l’adaptation, qui prend l’affiche ces jours-ci au Théâtre Espace Go.




Crédit photo : Claude Gagnon

Relations personnelles tendues, vision cynique ou désillusionnée de l’amour, rapport au pouvoir, rapports hommes-femmes, mais avant tout et dans tous les propos des personnages : le sexe. Comme dans l’œuvre originale, les conversations des personnages semblent tourner autour de qui a couché avec qui et pourquoi, mais on se rend rapidement compte qu’ils sont dans la représentation, leurs propos trahissant des peurs plus profondes. C’est néanmoins par leur rapport compulsif, détaché ou intellectualisé au sexe que ces universitaires pour la plupart quarantenaires se définissent et, par ricochet, définissent le monde qui les entoure.

Sans chercher à imiter les personnages inoubliables interprétés à l’écran entre autres par Rémy Girard, Louise Portal, Pierre Curzi, Yves Jacques et Dominique Michel, la distribution tout en retenue réunie par le PàP rappelle à plusieurs moments les personnages du film par des gestes, des postures et des accents (Bruno Marcil, en... Bruno, «l'alter-ego» du Pierre de Pierre Curzi, est particulièrement confondant). Même si ces nouvelles versions des personnages ne se définissent plus par un événement libérateur comme Mai 68, mais dorénavant par une journée fatidique, celle du 11 septembre 2001, qui, pour plusieurs observateurs, a exposé de façon terrible le déclin d’un grand empire américain, Dubois et Farah prennent un malin plaisir à s’inscrire en faux avec le titre de l’œuvre qu’ils adaptent. Comment peut-il y avoir un déclin s’il n’y a pas eu d’âge d’or? « C’est un pur fantasme de s’imaginer au début ou à la fin de l’Histoire : nous vivons anyhow but somehow, une époque quelconque… » font-ils dire au personnage de Marie-Hélène Saint-Arnaud en introduction du spectacle.

En 2017, comme en 1986, le constat est désabusé. Alors que les personnages, sous la plume d’Arcand, s’affirmaient en sortant d’années où le sexe avait été tabou, ceux de Dubois et Farah ne choquent (presque) pas par leurs pratiques sexuelles. La portée de ce spectacle sociologique n’en diminue pas pour autant, mais on y perd en force de frappe. Là où l’œuvre d’Arcand posait un regard assez cru sur les travers de ces têtes pensantes, plus occupées à intellectualiser leurs gestes et pensées qu’à agir, son adaptation théâtrale peine à porter les propos de ses personnages au-delà des conversations intimes, à faire jaillir du discours creux sur le sexe ce qui craque par-dessous. On y arrive pourtant brillamment lorsque le personnage de Marco (excellent Alexandre Goyette), amant de Judith et adepte de sadomasochisme, confronte les intellectuels attablés. Son discours est celui qui domine depuis quelques années dans les médias populaires et les partis populistes, celui que la société bien-pensante, à l’instar des intellos de la pièce, balaie souvent d’un sourire condescendant. La scène est forte, dérangeante parce qu’incroyablement familière, parce que symptomatique d’un grand problème d’incommunicabilité.

Patrice Dubois offre encore une fois une mise en scène très ouverte sur le public. De part et d’autre d’un grand plateau surélevé, vestiaire (côté femmes) et cuisine (côté hommes) font office de coulisses, tout est à vue, fait partie de la représentation. Tandis que les hommes préparent (très vaguement) le repas et parlent de relations sexuelles comme autant de conquêtes amoureuses et physiques, ou de besoins à assouvir, les femmes font du yoga en se moquant de l’amour, du couple, de l’obsession des hommes pour leurs performances au lit, d’une société qui se dit féministe. Leurs conversations s’entremêlent dans un ballet précis qui sert bien la tension dramatique grandissante.

Le déclin du PàP met sobrement en lumière tout ce qui, en trente et un ans, a bien peu changé dans nos relations. La distribution est sans faille et sert un texte précis, qui pointe nos travers sans complaisance. En sortant de la salle, on se demande toutefois ce que cette adaptation dit vraiment de plus de nous que n’en disait déjà le film à son époque. Cette production de qualité a en tout cas le grand mérite de faire découvrir une œuvre phare du cinéma québécois à une nouvelle génération.

03-03-2017