Créé au printemps 2013 sous l’impulsion de la comédienne Sophie Cadieux, dans une composition dramaturgique et une mise en scène réalisées par Marie Brassard, le spectacle donne corps et voix aux mots de Nelly Arcan. Le titre, ainsi que la totalité de la partition littéraire, sont extraits textuellement de l’œuvre de cette dernière.
Née en 1973 à Lac-Mégantic, de son vrai nom Isabelle Fortier, Nelly Arcan a publié plusieurs récits, chroniques et quatre romans, tous autofictionnels, dont le premier, Putain, est paru en 2001 dans un immense fracas médiatique. Elle s’est enlevé la vie à l’âge de 36 ans, après avoir en quelque sorte annoncé sa mort dans ses écrits.
L’entreprise n’est cependant pas biographique : elle veut rendre hommage à la puissance et à la beauté tourmentée de l’écriture de l’auteure. Sur scène, sept chants aux titres évocateurs, chacun référant à un des motifs de l’œuvre, jaillissent de sept chambres, portés par sept interprètes magnifiques dont les soliloques se croisent, se joignent, se superposent ou se répondent. La scénographie, la musique, la lumière, la mise en scène, également somptueuses et pertinentes, contribuent tout aussi fortement à créer cette symphonie théâtrale sublime et bouleversante.
Section vidéo
Durée 1h40
En marge des spectacles :
Entretien avec les artistes, mercredi 31 mai
Achat à l'unité : 49,50$
* Taxes et frais de service inclus
La version originale du spectacle a été créée à Espace Go en 2013.
Notre critique.
Production Infrarouge
Coproduction Théâtre français du Centre national des arts du Canada (Ottawa), Festival TransAmériques (Montréal), PARCO (Tokyo)
Grand Théâtre de Québec, salle Louis-Fréchette
269 Boulevard René-Lévesque E.
Billetterie : Carrefour - 418-529-1996 - 1 888 529-1996
Adresse : 369, rue de la Couronne, 4e étage, billetterie en ligne
La fureur de ce que je pense, monté il y a 4 ans à Espace GO à Montréal, est un spectacle tout à fait hors du commun. Le public est rien de moins que témoin d’une rencontre entre une auteure (Nelly Arcan) à la chair à vif et aux récits d’autofiction enflammés et une metteure en scène (Marie Brassard) qui recherche dans le son, les technologies et le corps de nouvelles façons de porter une œuvre théâtrale. Le résultat s’avère stupéfiant. L’équipe a procédé à un collage d’extraits de textes bouleversants qui sont portés par des actrices extrêmement solides. La scénographie d’Antonin Sorel nous offre un visuel tout à fait sublime avec ces chambres carrées, comme autant d’univers morcelés, autant d’accès à une âme meurtrie en quête de possible rédemption. Elle n’est pas sans rappeler les petites scènes-vitrines des redlights d’Amsterdam, ce qui nous renvoie à la préoccupation phare de Nelly Arcan, l’objectification de la femme et l’identité féminine.
La pièce commence en force, avec rythme et détermination, soulevant avec intensité l’écriture hypnotique de l’auteure de Putain (2001) et Folle (2013). Puis, arrivé au deux tiers de la pièce, quelque chose nous échappe. Un certain engourdissement s’installe, peut-être dû au quatrième mur qui est très présent, à la lumière faible exigeante pour l’œil ou encore au ton monotone et aux paroles souvent chuchotées et retransmises par les haut-parleurs. Pour dynamiser la présentation, les tableaux auraient pu être resserrés ou sortir de l’agencement « monologue-transition-monologue ».
Un des points forts de cette création se trouve au cœur de la musique d’Alexander MacSween, qui agit comme un personnage viscéral presque toujours présent, venant lier les entités féminines, appuyer leur propos, créer différentes ambiances toniques ou éthérées. Marie Brassard a d’ailleurs abordé les différentes séquences comme autant de « chants » aux évocations diverses; le chant perdu, le chant des mirages, le chant occulte, de l’éther, du sang, de l’ombre et des serpents. Les actrices récitent leur texte comme une partition complexe où elles passent des litanies aux mélodies inquiétantes, spectrales. D’ailleurs, l’œuvre est à contempler en quelque sorte comme un spectacle de musique, c’est-à-dire en se laissant aller dans le flot de paroles, en se raccrochant au sens, à la beauté des images...
Malgré une finale qui s’étire, La fureur de ce que je pense est de l’ordre du magistral, une proposition envoûtante et audacieuse, à vivre avec ses tripes davantage qu’avec sa tête.