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Madame Catherine prépare sa classe de troisième à l'irrémédiable
CARREFOUR 2019
Montréal
Théâtre
31 mai 2019, 20h, 1er juin, 16h
En français

Traumatisée par la tuerie perpétrée à Sandy Hook en 2012 et préoccupée par la sécurité de l’école qu’elle juge inadéquate, une enseignante du primaire décide de préparer les élèves de son groupe à l’éventualité d’une fusillade.

Le public prend place dans un espace qui fait office de salle de classe. Directement interpelés tout au long de la pièce, les spectateurs assistent à une leçon de survie qu’ils ne sont pas près d’oublier… Professeure compétente et imaginative, Madame Catherine adopte de multiples stratégies pour susciter l’intérêt de ses élèves : marionnettes, masques, chanson, jeux participatifs, dessins, elle déploie tous les moyens possibles pour les sensibiliser au danger qui les guette.

Tantôt douce et aimante, tantôt lucide et menaçante, Madame Catherine, en proie à son obsession, s’enfonce de plus en plus dans la paranoïa et sombre dans l’excès. Dans le rôle de cet être complexe, paradoxal et perturbé, Alice Pascual, seule en scène, est absolument magistrale.

Avec la gravité du sujet, l’état psychologique fragile du personnage et les procédés ludiques employés tout au long de la leçon, Madame Catherine prépare sa classe de troisième à l’irrémédiable navigue entre le comique et le tragique, entre la candeur de l’enfance et la rudesse du monde actuel et entraîne dans des montagnes russes d’émotions. De cette œuvre choc, évocation explicite et troublante du discours soutenu par certains dirigeants politiques, surgit une réflexion lucide et nécessaire sur les dérives de la peur. Et le public, face à ses propres angoisses, s’y confronte avec un rire tantôt franc tantôt grinçant.


Texte Elena Belyea
Traduction Olivier Sylvestre
Mise en scène, environnement sonore et direction artistique Jon Lachlan Stewart
Avec Alice Pascual


Crédits supplémentaires et autres informations

Assistance à la mise en scène Amanda Goldberg
Décor Cédric Lord
Éclairages et accessoires Zoe Roux
Photo Zoe Roux

Pour tous les tarifs, voir la page d'accueil

Durée 55 minutes

Rencontre après la représentation du 1er juin

Production Théâtre Surreal SoReal

Tous les textes et les informations proviennent du site carrefourtheatre.qc.ca


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Critique disponible
            
Critique

Jusqu’à la mi-avril, le Théâtre Prospero présente Madame Catherine prépare sa classe de troisième pour l’irrémédiable, une pièce dramatiquement d’actualité d’Elena Belyea traduite par Olivier Sylvestre et mise en scène par Jon Lachlan Stewart. Si le texte a été créé en anglais en 2014, sa pertinence est constamment réitérée par les manchettes des bulletins de nouvelles.


Crédit photo : Zoé Roux

Pour la dernière journée de l’année, Madame Catherine a préparé un programme tout spécial pour sa classe de 3B. Considérant que la société québécoise n’est ni assez informée ni assez inquiète des dangers que courent les enfants dans les écoles, elle choisit de prendre les choses en mains et de donner une leçon de survie aux principaux intéressés. Avec une franchise désarmante, elle leur explique la signification des mots « tireurs », « confinement » ou « profilage », leur apprend comment « courir », « se cacher » et « attaquer » lors d’une situation d’urgence, et leur fait un bref historique des tueries survenues dans les écoles au cours des dernières décennies. Colombine, Sandy Hook et Great Mills, mais aussi Polytechnique, Concordia et Dawson. Pour montrer à ses élèves avec quelle facilité il est possible de faire entrer une arme entre les murs de l’école, elle va même jusqu’à sortir le fusil qu’elle traîne dans son sac depuis plus d’une semaine sans qu’aucun garde de sécurité n’en ait eu connaissance. D’une façon ludique et originale, le spectacle aborde le rapport que l’on entretient avec les armes à feu au Québec et la paranoïa qui peut facilement nous envahir si l’on se laisse aller à une trop grande lucidité quant à la fragilité de l’existence. Même à l’école, qui consiste en un lieu où les enfants devraient se sentir en sécurité, le danger les guette. Et ni Carl le gardien de sécurité qui dort constamment, ni le directeur, ni même les enseignants, ne pourront les protéger contre l’« irrémédiable ».

La performance d’Alice Pascual est magistrale dans le rôle de cette professeure tellement aimante et préoccupée par la sécurité de ses élèves qu’elle en vient à alimenter le climat de peur envahissant plutôt qu’à le prévenir. Tous les détails de son interprétation sont pleinement contrôlés, jusqu’à ses tics trahissant son manque de sommeil et son inconfort à donner sa « leçon de survie » clandestine. Tout au long du spectacle, la comédienne interagit avec le public comme elle l’aurait fait avec une classe d’enfants du primaire. Les spectateurs assis dans les deux premières rangées se font même attribuer un nom permettant à Madame Catherine de les interpeler directement. La mise en scène de Jon Lachlan Stewart mise justement sur cet échange constant entre la scène et la salle, qui oblige l’actrice à s’adapter aux réactions et à la participation des spectateurs. Elle les fait se lever, leur demande de placer leur main en position de « coyote », les fait pratiquer des techniques de défense, et les invite à remettre en question la gentillesse et la fiabilité de leurs voisins de siège.

En recourant à différentes techniques d’enseignement adaptées à un auditoire d’enfants – le jeu masqué, le rap, la marionnette – Madame Catherine cherche à adoucir l’horreur du drame qu’elle évoque, sans se rendre compte que ses « stratégies pédagogiques » ne font que redoubler sa maladresse à aborder un sujet préoccupant de manière aussi décalée. À partir du portrait type du tireur – un homme blanc, seul, originaire d’une petite communauté –, la professeure identifie les élèves de la classe ayant le plus de chance de commettre une tuerie. Plus tard, elle enfile des demi-masques de différents tireurs, Marc Lépine notamment, pour raconter les circonstances et les motivations de leurs gestes irréparables, puis elle colle leurs visages sur le devant de son bureau comme une murale.

En plus de mettre en évidence le choc entre la candeur de l’enfance et la violence du monde actuel, Madame Catherine prépare sa classe de troisième pour l’irrémédiable oblige le spectateur à réfléchir aux dérives de la peur panique cultivée par certains dirigeants politiques, à commencer par Donald Trump qui proposait il y a quelques semaines de munir les enseignants américains d’armes à feu sous prétexte de leur assurer une plus grande sécurité sur leur lieu de travail.

29-03-2018
CarrefourThéâtre Périscope
2, rue Crémazie Est
Billetterie : Carrefour - 418-529-1996 - 1 888 529-1996
Adresse : 369, rue de la Couronne, 4e étage, billetterie en ligne

Dates antérieures (entre autres)

Du 27 mars au 15 avril 2018 - Théâtre Prospero