Combien de temps vit un sac plastique? Entre la mélasse du pétrole et son utilisation, combien de temps? Rien, comparé au temps où il va errer sur la planète au gré des vents et des tourbillons, libérer ses mains, se tenir debout ou à l’envers, être l’objet de tous les mouvements.
Juste un bruit et la caresse de l’air.
Le dispositif de cette performance est celui d’une turbine simple permettant de créer un vortex. Les objets façonnés à partir de sacs plastiques évoluent dans l’espace réagissant au mouvement de l’air contrôlé par le protagoniste. Là commence sa vraie vie, celle de son autonomie, poche anonyme parmi les poches du monde entier, en route pour une éternité imputrescible ! Vent et sacs plastiques deviennent ici poésie et beauté indicibles. Un spectacle bouleversant !
La Compagnie Non Nova a été fondée à Nantes en 1998 par Phia Ménard avec l’envie de porter un regard différent sur l’appréhension de la jonglerie, de son traitement scénique et dramaturgique. « Non nova, sed nove » (nous n’inventons rien, nous le voyons différemment) en est un précepte fondateur. Elle regroupe autour de ses projets pluridisciplinaires des artistes, techniciens, penseurs d’horizons et d’expériences divers. En tournée pour la première fois au Canada, la Compagnie Non Nova a joué dans plus d’une trentaine de pays, sur les cinq continents.
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Création et diffusion de la bande sonore : Ivan Roussel d’après l’œuvre de Claude Debussy
Régie de tournée : Olivier Gicquiaud
Chargées de production : Clarisse Merot et Honorine Meunier
Administration, diffusion : Claire Massonnet
Photo: © Jean-Luc Beaujault
Technique : vent et objets
Durée : 30 minutes
8 mars, précédé de la courte forme Un smoothie aux bananes
9 mars 13h, suivi de la courte forme La femme blanche
Réalisé avec le soutien de l’Institut Français, du Service de Coopération et d’Action culturelle, du Consulat Général de France à Québec et du Conseil des arts du Canada.
Production Compagnie Non Nova (France)
par David Lefebvre
Le synopsis rappelle vaguement cette fameuse scène du film de Sam Mendes, American Beauty, où Kevin Spacey monologue sur les images d'un sac d'épicerie qui virevolte au vent. Mais là s'arrête la comparaison. La fondatrice de la compagnie française Non Nova, Phia Ménard, explore avec cette première version de L'après-midi d'un foehn (jeu de mots avec le faune, ou le titre d'un poème de Mallarmé, et le foehn, nom d'un vent fort, chaud et sec) une forme de jonglerie sans manipulation directe. Un poème visuel sans paroles, d'une beauté et d'une tristesse palpable, mené d'une main de maître par l'interprète Jean-Louis Ouvrard.
C'est avec une grande précaution que le public entre dans la salle, pour prendre place tout autour de ce qui sera l'arène de la représentation. Le son d'un sonar retentit, accompagné de bruits sourds et d'oiseaux. Un homme se tient debout, habillé à la manière d'un marin - grand manteau boutonné et tuque noire - puis découpe un sac de plastique et colle quelques retailles ensemble pour finalement déposer le bricolage au centre de l'espace. Lorsqu'il active la dizaine de ventilateurs un par un, tous pointés vers le sol et encerclant la scène, l'effet crée un tourbillon, ou un vortex, au centre du plateau. Et c'est alors que la magie de la physique opère et que le ballet commence. Le sac prend forme humaine : tête, bras, corps se déploient, alors que le vent les pénètre. L'expérience est si saisissante que l'on cherche les fils qui pourraient manipuler ces corps inertes qui bougent soudainement d'eux-mêmes. Un deuxième danseur vient rejoindre le premier, créant un duo, bougeant ensemble, sur la superbe musique de Debussy, Prélude à l'après-midi d'un faune, ici interprétée par le Berlin Philharmonic Orchestra conduit par le grand Herbert Von Karajan. Si l'homme ne touche pas ces créatures légères et heureuses, il contrôle tout de même l'intensité de l'air poussé par les ventilateurs, ce qui lui permet de « manipuler » le déplacement des sacs, jusqu'à un certain point. D'autres sacs viennent s'immiscer dans la chorégraphie spontanée, et l'homme se promène entre eux, tel un dompteur, les repoussant ou les aidant dans leur ascension. Une histoire se construit, unique pour chaque spectateur qui invente les personnages qu'il perçoit dans ces sacs bleus, blancs, roses, jaunes, rayés, à pois...
Phia Ménard pousse l'expérience un peu plus loin avec la présence d'un parapluie ouvert, à l'envers : les petits personnages de plastique y sautent à coeur joie, formant un groupe compact. Mais une rage inconcevable s'empare du protagoniste vivant : à coups de ciseaux, de mains, de dents, il éviscère tout ce qu'il peut saisir. Des lambeaux tournoient, des restes de danseurs retombent au sol. La scène est intense, marquante, comme si tout avait été un rêve qu'il achève. Le vent se tait, lentement, et la lumière fait place à la noirceur. Une performance d'à peine une trentaine de minutes, mais qui stupéfait chacun des petits et grands spectateurs présents.
La compagnie Non Nova en est à sa première visite au Canada, après avoir joué dans une trentaine de pays ; on espère qu'elle reviendra bientôt.