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Coups de théâtre 2016 - 18 novembre 2016, 10h et 13h - COMPLET
Jouez, monsieur Molière !
Théâtre - première montréalaise
11 ans et +
Texte Jean-Rock Gaudreault
Mise en scène Jacinthe Potvin
Avec Normand Canac-Marquis et Alexandre Dubois

Paris, 17 février 1673, coulisses du Théâtre du Palais Royal. Il est près de 15 h. La quatrième et dernière représentation du Malade imaginaire va débuter dans une heure. Molière se prépare pour son ultime apparition.

Voilà pour le cadre historique de l’aventure. La suite est pure invention! Un bruit se fait entendre… Quelqu’un est caché dans l’armoire à costumes. Molière y débusque un enfant, masqué. Sous ce masque, se cache le fils du Roi Soleil, âgé d’une douzaine d’années : l’enfant-roi voulait voir son idole secrète dans ce lieu qu’on lui interdit de fréquenter.

C’est l’histoire improbable d’une rencontre entre deux personnages que l’âge et la condition séparent, entre un jeune garçon et un illustre auteur qui s’apprête à voir tomber le rideau. Une pièce où l’humour rime avec l’espoir.


Section vidéo


Scénographie et accessoires Francis Farley-Lemieux
Éclairages André Rioux
Costumes et accessoires Ginette Grenier
Musique originale Catherine Gadouas
Régie lumière Julie Laroche
Photo Laurence Labat

Jouez, Monsieur Molière! est publié chez Lansman Éditeur.

Durée 65 minutes

Production Mathieu, François et les autres (Québec)


CoupsStudio Hydro-Québec du Monument-National
1182, boulevard St-Laurent
Billetterie :
voir les informations sur la page principale des Coups de théâtre ou sur le site officiel

 
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Critique

En un vendredi, début de l’après-midi, c’est au tour de la production pour adolescents Jouez, Monsieur Molière!, de connaître sa première montréalaise après des escales en France et à Québec. Présentée au Studio Hydro-Québec du Monument-National, la création de la compagnie Mathieu, François et les autres déçoit.


Crédit photo : Laurence Labat

Précédemment, le tandem composé de l’auteur Jean-Rock Gaudreault et de la metteure en scène Maryse Potvin nous avait proposé le magnifique spectacle La migration des oiseaux invisibles où le sens de l’amitié était imprégné d’une poésie remuante. Pour les tout-petits, le dramaturge avait également signé le très amusant Une histoire dont le héros est un chameau et dont le sujet est la vie. Ses réflexions sur la société québécoise ont imprégné ses œuvres pour adulte comme La traversée de la mer intérieure.  

Pendant environ une heure, la présente œuvre nous plonge dans le Paris du 17e siècle, plus précisément le 17 février 1673 dans les coulisses du Théâtre du Palais Royal. Il est presque 15h et Jean-Baptiste Poquelin, qui a passé à la postérité sous le nom de Molière, se prépare pour la prochaine représentation (et sans le savoir, sa dernière) de son Malade imaginaire. Gaudreault a imaginé la suite; un bruit se fait entendre dans l’armoire à costumes. Surgit alors le fils du Roi Soleil âgé de douze ans. Ce garçon désirait voir en secret son idole dans un lieu interdit de fréquentation.

L’histoire focalise sur la relation entre les deux êtres, remettant en question chez le célèbre auteur certaines valeurs de sa carrière prolifique et mouvementée. D’autres pièces de théâtre ont déjà traité de la figure de l’écrivain, parfois avec de grandes envolées dramatiques (Un carré de ciel de Michèle Magny sur Jacques Ferron) ou encore sans dépasser l’anecdote sociohistorique comme le Commedia de Pierre-Yves Lemieuxautour de Carlo Goldoni. Molière demeure toujours très présent dans le paysage culturel québécois ; au moins deux productions sont présentes dans la saison théâtrale 2016-2017 (Tartuffe au TNM et L’Avare à Denise-Pelletier).

Le texte de Gaudreault tente plutôt de mélanger les époques afin d’établir des parallèles autour de la personnalité de Jean-Baptiste Poquelin. Ce dernier a entretenu des rapports ambivalents avec les pouvoirs politiques et religieux qu’il a tenté de séduire, tout en se permettant de virulentes critiques sociales sur les «faux Tartuffes». Pourtant, toute cette dimension corrosive de l’homme ambitieux apparaît très peu tout au long des échanges avec son nouvel interlocuteur. Certains passages près de l’esprit de l’écriture ironique de Molière se démarquent par ses expressions savoureuses. Toutefois, cette beauté de la langue doit composer avec des jeux de mots douteux («se retrouver sur le cul» ou encore des allusions au «pet»). Peu de temps avec la tombée du rideau, les répliques deviennent plus sobres et dépouillées de tout artifice.

La direction de Jacinthe Potvin nage souvent entre deux eaux, soit entre le drame biographique plus classique et de petites audaces. Par ailleurs, bien des séquences intéressantes comprennent peu de mots, comme la scène finale où le protagoniste se dirige, avec tout son trac et sa nervosité, vers son auditoire en revêtant son élégant costume. Mais quelques incongruités, comme lorsque Molière se permet une imitation mélangeant à la fois Charlie Chaplin et le dictateur Adolf Hitler, laissent poindre bien des questionnements.

Les vêtements de théâtre de l’époque de Molière accrochés sur le portant sont très agréables à regarder. Confectionnés par Ginette Grenier, ils ne seront pourtant que très peu portés par les deux acteurs, vêtus quant à eux comme dans la vie quotidienne. Ce mélange des genres se répercute aussi lorsque le fils du roi porte un masque ressemblant davantage à celui d’un film d’horreur qu’à ceux de la Commedia dell’arte. Ainsi, l’enchevêtrement d’autant de références hétéroclites ne sert pas toujours le propos.  

Les deux interprètes démontrent en général une belle prestance dans leurs rôles respectifs. Sous les traits de l’illustre acteur-dramaturge, Normand Canac-Marquis se révèle assez crédible, et parfois émouvant, malgré une partition qui ne rend pas toujours justice à la figure historique. Son partenaire de jeu, Alexandre Dubois, insuffle également une belle sensibilité à son jeune garçon en quête d’expériences formatrices.

La récente réalisation de Jean-Rock Gaudreault et de Maryse Potvin, Jouez, Monsieur Molière!, oscille sur trop de routes à la fois, empêchant le sujet d’atteindre toute sa potentialité.                       

19-11-2016

La compagnie montréalaise Mathieu, François et les autres…, qui nous a offert de très jolies productions au cours des dernières années (Pour ceux qui croient que la terre est ronde, Le plus court chemin entre l’école et la maison), proposait récemment aux Gros Becs l’une de ses plus récentes créations, Jouez, Monsieur Molière!, un « docu-fiction » sur la vie, la liberté, l’espoir, la grandeur du théâtre et sur le bonheur de jouer. Si la pièce est à la limite divertissante pour certains, elle gâche totalement la mission qu’elle aurait pu accomplir en terme d’éducation et d’inspiration, minée par un texte en dent de scie et une mise en scène peu inspirée.

17 février 1673 ; le petit Louis, progéniture de Louis XIV, s’introduit dans la loge de Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière, alors que l’endroit lui est interdit. Rappelons qu’à l’époque, le métier de comédien est loin d’être noble : Molière aurait d’ailleurs signé une lettre en ce sens, dans laquelle il reniait toute son œuvre pour « faire la paix avec l’Église et être enterré convenablement » – la lettre se retrouvera d’ailleurs au centre de la présente pièce, permettant à Louis de converser avec le grand Molière. La rencontre entre le garçon de 12 ans et le vieil acteur ne se fera pas sans heurts et remettra en question les croyances de l’homme de théâtre (ou les affirmant) et la position de l’enfant-roi.

Le texte de Jean-Rock Gaudreault aborde une multitude de sujets, soit l’âge, la liberté, le destin, la mort, l’ennui et tout ce qui tourne autour du théâtre : le jeu, le masque, le costume, les émotions, la projection et le pouvoir de l’imagination. En s’inspirant fortement de l’écriture de Molière, les répliques entre l’homme et l’enfant sont rythmées et riment, comme des alexandrins. Gaudreault touche aussi à la grande histoire, de front ou par la bande : les maladies dont souffrait Molière, ses préoccupations, ses rapports avec l’autorité royale et religieuse. Par contre, certaines tirades semblent exister que pour l’effet, allongeant la pièce pour bien peu de choses – celle où Molière, descendu au niveau des spectateurs pour dire aux jeunes de quitter la salle, car ils perdent leur temps à assister à des spectacles où l’amour, la haine et l’hypocrisie sont reines, n’ajoute rien de pertinent à l’ensemble. De plus, la critique sociale que tente de créer l’auteur grâce à la figure de Molière (le vieil homme, ou l’homme sage que l’on écoute de moins en moins) et celle de Louis (l’enfant-roi de notre époque) est trop peu exploitée et reste enfouie sous les masques de la commedia dell’arte.

La mise en scène de Jacinthe Potvin aurait pu démontrer davantage d’éclat et d’inventivité, en jouant encore plus avec les codes du théâtre et en démontrant davantage de sensibilité. La pièce peine à garder son équilibre entre le théâtre jeune public et celui pour adulte, ne satisfaisant ni l’un, ni l’autre. Si les échanges entre Molière et Louis, parfois inspirés et jolis, peuvent provoquer quelques petits moments de grâce, l’aspect grand-guignolesque de Molière, qui grimace devant son miroir (son imitation de Chaplin qui se transforme en Hitler est un clin d'oeil dépassé, du déjà vu) et joue au bouffon pour faire rire – même si l’exercice se veut parfois intentionnellement ironique – restera gravée dans la mémoire plus longtemps que tout le reste, ce qui est un malheur en soi. La pièce perd alors de sa pertinence, de sa force, de son éclat historique et pédagogique, et devient presque anodine. Comme si la folie qui habitait Molière, et son désir de faire rire, ne pouvait être que caricaturale.

Les costumes de scène de Ginette Grenier sont remarquables, souvent riches et d'un rouge vif. Par contre, ceux portés par les deux personnages - chemises, pantalons, souliers, montre - sont de facture très moderne. Nous nous situons ni en 1673, ni aujourd'hui : nous somme définitvement au théâtre, dans un endroit hors de l'espace-temps. Si l'idée peut être intéressante, elle peut laisser totalement perplexe. La musique de Catherine Gadouas, très présente, vient appuyer, parfois parfaitement, parfois un peu trop, le jeu des deux comédiens, en empruntant aux thèmes médiévaux, à la musique de chambre et aux mélodies plus contemporaines. Normand Canac-Marquis, en Molière, s’il en fait un peu trop côté pitreries, se débrouille plutôt bien. Mais le comédien reste à la surface d’un personnage qui aurait pu démontrer davantage de complexité et de profondeur – il interprète quand même l’un des plus grands hommes de théâtre, toutes époques confondues. Alexandre Dubois se débrouille aussi très bien dans la peau d'un Louis plus mature qu’il n’y parait, remerciant Molière pour les leçons qu’il reçoit plutôt que de manifester son mécontentement par une crise de colère.

Jouez, Molière! « joue » probablement sur trop de tableaux pour réellement créer l’impact souhaité chez les spectateurs. Et c’est bien dommage, car on perçoit tout le potentiel que la pièce aurait pu démontrer.

27-02-2016