Tous les matins du monde
Les voix s’élèvent a cappella, sans autres alliés que le silence, le souffle et le sol qui crisse et résonne sous les pas. Fondus dans un seul et même corps, les 19 interprètes de la compagnie Rosas et de l’ensemble vocal graindelavoix expriment la dévastation et l’espoir de meilleurs lendemains. Danseurs et chanteurs se confondent. Traversant l’épaisseur des ténèbres à la recherche d’un nouveau soleil, ils ressuscitent les envoûtantes harmoniques de chants datant du XIVe siècle. Résonance au présent d’une ère de drames et de violences où un pape ordonna le massacre de la ville de Cesena en Italie. Bulle dans l’espace-temps. Grâce d’une danse qui se nourrit de marche et de dépouillement.
Dans la seconde partie du diptyque amorcé avec En Atendant, la chorégraphe Anne Teresa De Keersmaeker et le musicologue Björn Schmelzer orchestrent l’émerveillement en exaltant les exquises essences de l’ars subtilior et en opposant à la gravité l’énergie bondissante d’une distribution à dominante masculine. Transcendant.
Anne Teresa De Keersmaeker
Mathématique de l’espace et du temps
Figure de proue de la danse contemporaine, reconnue pour l’acuité de sa compréhension de la musique, Anne Teresa De Keersmaeker s’impose sur la scène internationale au tout début des années 1980 avec le duo Fase, Four Movements to the Music of Steve Reich, présenté en 2008 à l’Usine C, et la pièce de groupe Rosas danst Rosas, laquelle inspire le nom de sa compagnie. En 1995, Rosas s’allie au prestigieux Théâtre de la Monnaie de Bruxelles — où elle a été en résidence de 1992 à 2007 — pour fonder la célèbre école internationale P.A.R.T.S. (Performing Arts Research and Training Studios) et former des générations d’artistes accomplis sous la direction de la chorégraphe. Habituée du FIND où elle a été programmée cinq fois, la compagnie prend l’affiche du FTA avec En Atendant (2010) et Cesena (2011), écrites sur la musique de l’ars subtilior.
Björn Schmelzer
Actualiser la musique d’antan
Ethnomusicologue et anthropologue de formation, Björn Schmelzer vit à Anvers où il a fondé le collectif expérimental graindelavoix en 1999. Passionné de musiques anciennes, il emprunte des voies inusitées pour donner à la musique d’époque la possibilité d’un plein déploiement au présent, magnifiant toutes les qualités et les nuances de l’instrument de la voix. Les connaissances et le savoir-faire de l’interprète sont investis dans l’ornementation, l’improvisation, le phrasé et le geste pour exalter les œuvres bien au-delà des partitions et réactualiser ainsi les sonorités du passé et les images qui s’en dégagent. Une démarche d’exception qui a trouvé de nouveaux champs d’expérimentation dans la collaboration avec Rosas.
Section vidéo
une vidéo disponible
Scénographie Ann Veronica Janssens
Costumes Anne-Catherine Kunz
Photo Anne Van Aerschot
Rédaction Fabienne Cabado
Durée : 1 h 50
Tarif régulier : 65 $ / 55 $ / 40 $
30 ans et - / 65 ans et + : 55 $ / 45 $ / 35 $
Sièges réservés
Forfaits en vente 15% à 40% de réduction
En parallèle
ANNE TERESA DE KEERSMAEKER + BJORN SCHMELZERCORPS, ACCORDSROSAS DANST ROSAS
Français et anglais
Animation : Philip Szporer
Samedi 2 juin 2012 - 12 h 30
Entrée libre - Quartier général
Coproduction a Monnaie (Bruxelles), Festival d’Avignon, Théâtre de la Ville (Paris), Grand Théâtre de Luxembourg, Festival Oude Muziek Utrecht, Guimarães 2012, Steirischer Herbst (Graz), deSingel (Anvers), Concertgebouw Brugge
Présentation en collaboration avec Place des Arts
Théâtre Maisonneuve
Place des Arts
Billetterie : FTA - 514-844-3822 / 1-866-984-3822
Quartier général FTA : 300, boul. de Maisonneuve Est
par Mélanie Thibault
Anne Teresa de Keersmaeker et sa compagnie Rosas proposent, pour Cesena, pas moins de 20 interprètes sur scène, incluant la reine sacrée de la danse contemporaine qui célèbre cette année 30 ans de création. Une ode à l’aube qui complète à merveille En Atendant, le premier opus présenté plus tôt au FTA, qui célébrait pour sa part le crépuscule.
Privilégiant pour le second diptyque la force du groupe, en majeure partie composé d’hommes, de Keersmaeker poursuit sa quête de cohésion, cette fois, entre mouvements et voix nues. Des baskets voyants aux pieds en contraste avec des vêtements sombres et sobres, les danseurs évoluent pendant la bonne première moitié du spectacle dans la quasi-obscurité, laissant percevoir les mouvements globaux et concentrant l’attention sur les sons qui les guident.
Au sol, un grand cercle de craie blanche venu honorer le soleil sur la scène nue se voit éclairé uniquement par des néons qui progresseront vers la clarté au fil du spectacle. C’est dans la sobriété de la forme et du chant a cappella que l’univers Keersmaeker puise une force tranquille, ponctuée de moments vifs qui prennent alors des dimensions disproportionnées, tant ils troublent la sérénité bucolique et harmonieuse de la proposition de départ. Beau contraste que ce jeu, fidèle aux rythmes polyphoniques des chants de l’ars subtilior du XIVe siècle, dont l’inconscient semble le seul maître, nous plongeant dans le rêve et ses surprises.
Tantôt amas humain devenu chair indéfinie, le groupe épouse à la perfection des processions, trajectoires d’une grande beauté de par l’amour du détail que chaque mouvement insuffle. Tantôt seuls en piste, observés par les leurs, chacun se confronte au Dieu de feu, bras et jambes prenant part à une géométrie virtuose. Voilà deux heures généreuses de danse offertes, le cœur sur la main, par la compagnie Rosas qui séduit de par son contact précieux entretenu entre corps, voix et lumière. Un souffle à la structure impeccable qui donne envie de se lever avec le soleil.