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Festival TransAmériques - 30 mai 2014, 19h, 31 mai 2014, 15h
Les particules élémentairesLes particules élémentaires
Théâtre
En français
Un spectacle de Si vous pouviez lécher mon cœur
Texte Michel Houellebecq publié aux Éditions Flammarion
Adaptation, mise en scène et scénographie Julien Gosselin
Avec Guillaume Bachelé, Joseph Drouet, Denis Eyriey, Antoine Ferron, Noémie Gantier, Alexandre Lecroc, Marine de Missolz, Caroline Mounier, Victoria Quesnel, Tiphaine Raffier

L’été dernier, un coup de foudre retentissant a ébranlé le théâtre français. Un tout jeune metteur en scène de 26 ans, Julien Gosselin, a eu le culot de porter à la scène le roman phare de Michel Houellebecq. Résultat : un spectacle renversant. Par la grâce d’une parole souveraine d’un prodigieux ascendant, 10 acteurs flamboyants racontent la misère affective, sexuelle et existentielle de la civilisation occidentale. En physique, chaque particule élémentaire se double d’une antiparticule identique. À Bruno, professeur de littérature aux mœurs débridées, correspond son demi-frère Michel, un scientifique qui, en réponse à la vaine quête de plaisir de Bruno et de notre monde, oriente ses recherches en génétique vers la création d’une posthumanité.

Dans cette fresque théâtrale jouissive, qui nous porte de mai 1968 à un futur rapproché, les comédiens se font narrateurs, personnages, commentateurs et musiciens, créant des conventions théâtrales ou les abolissant avec une étonnante fluidité. Ils happent le spectateur au cœur du temps présent, passant du lyrisme à l’ironie, du social au philosophique, de l’intime à l’universel. Une révélation !

« Si vous pouviez lécher mon cœur, il vous empoisonnerait. » En 2009, à sa sortie de l’École professionnelle supérieure d’art dramatique de Lille, Julien Gosselin s’inspire de cette affirmation qu’un survivant des camps de la mort adresse à Claude Lanzmann dans Shoah pour nommer le collectif de théâtre qu’il vient de fonder avec cinq de ses camarades de classe. Stuart Seide, qui a présidé à sa formation et qui lui a transmis une conception du théâtre comme lieu de parole, l’invite au Théâtre du Nord dès 2010 avec sa compagnie pour son premier spectacle : Gênes 01 de Fausto Paravidino, un texte ouvert portant sur la répression des manifestations altermondialistes au sommet du G8 à Gênes en 2001. Puis Julien Gosselin et son collectif montent en 2012 Tristesse animal noir de l’auteure allemande Anja Hilling, dont la dramaturgie, qui mêle dialogues, récits et adresses directes, correspond à sa conception du théâtre, où s’entrechoquent divers modes d’énonciation. Sa troisième création, Les particules élémentaires, d’après le roman de Michel Houellebecq, est créée au Festival d’Avignon en 2013. Julien Gosselin et ses collaborateurs y affirment de nouveau un théâtre en prise sur le présent à partir d’écritures contemporaines à la littérarité affirmée.
 
Michel Houellebecq
Figure majeure de la littérature contemporaine, le poète, romancier, cinéaste et polémiste français Michel Houellebecq a d’abord attiré l’attention avec la parution en 1994 de son premier roman, Extension du domaine de la lutte, où, dans un style d’une diabolique simplicité, il décrit avec une lucidité sidérante stupéfiante les conséquences humaines du libéralisme économique. Quatre ans plus tard, Les particules élémentaires, où il approfondit les mêmes thèmes, lui acquiert une renommée internationale. Son plus récent roman, La carte et le territoire, lui a valu le prix Goncourt en 2010.


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Musique Guillaume Bachelé
Lumières Nicolas Joubert
Vidéo Pierre Martin
Son Julien Feryn
Costumes Caroline Tavernier
Photo Simon Gosselin
Rédaction Paul Lefebvre

Création au Festival d'Avignon, le 8 juillet 2013

Durée : 3h40

Tarif régulier : 58 $
30 ans et moins / 65 ans et plus : 48 $
Taxes et frais de services inclus

En parallèle
Rencontre avec les artistes en salle après la représentation du 31 mai

Coproduction Théâtre du Nord, Théâtre national Lille Tourcoing Région Nord-Pas-de-Calais + Festival d’Avignon + Le Phénix - Scène nationale de Valenciennes + La Rose des vents - Scène nationale Villeneuve d’Ascq + Théâtre de Vanves + Le Mail - Scène culturelle de Soissons

Avec le soutien de MCC - DRAC Nord-Pas-de-Calais + Région Nord-Pas-de-Calais + SACD Beaumarchais

Présentation avec le soutien de L’Institut Français + Consulat général de France à Québec dans le cadre de L’Opération FRIMAS 2014


FTAThéâtre Maisonneuve
Place des Arts
Billetterie : FTA - 514-844-3822 / 1-866-984-3822
Quartier général FTA : 300, boul. de Maisonneuve Est

 
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 Critique
Critique

par Daphné Bathalon


Crédit photo : Simon Gosselin

Un des spectacles les plus attendus du Festival TransAmériques, Les particules élémentaires, du jeune metteur en scène Julien Gosselin, nous arrive à Montréal précédé d’un bruit très favorable. Le spectacle, créé à Avignon l’été dernier, avait fait une grande impression et soulevé tant les festivaliers que la critique.

Troisième spectacle du collectif Si vous pouviez lécher mon cœur, fondé par Gosselin et des camarades à la sortie de l’école, Les particules élémentaires propose une adaptation éclatée, mais forte, du roman de Michel Houellebecq. Jamais porté à la scène en France auparavant, Houellebecq est pourtant l’un des grands auteurs français. À travers cette mise en scène en trois parties, Gosselin présente une vision prometteuse de son travail et démontre surtout que le texte de Houellebecq, paru en 1998, a une formidable qualité d’écriture scénique.

Sur scène, sorte d’arène ouverte, recouverte de gazon et encadrée de gradins, des hommes et des femmes issus d’une nouvelle humanité retracent la vie de Michel Djerzinski, dont les théories scientifiques ont permis l’avènement des néohumains. Son histoire nous est racontée par fragments : extraits de ses écrits, entrevues, messages téléphoniques, moments-clés de sa vie et de celle de son demi-frère, Bruno, dépendant au sexe (ou plutôt au plaisir solitaire). Des moments qui se juxtaposent aux événements marquants des dernières décennies du 20e siècle, comme les premiers pas sur la Lune, et les mouvements culturels et politiques français, tel Mai 68, creuset selon l’auteur de l’individualisme moderne.

Abordant des thèmes d’importance comme le racisme, le sexe (son omniprésence, sa force comme loi du marché, sa misère et ses dictats), le féminisme, le clonage, la perte des illusions, les relations humaines, l’éclatement de la cellule familiale, et même le constat d’échec d’une société, Les particules élémentaires aurait pu souffrir de cette lourdeur, mais se révèle au contraire rempli de moments poétiques, jusque dans les exposés scientifiques et philosophiques de Djerzinski sur la décomposition de la civilisation occidentale. Le texte, fort dense, se présente pourtant de manière très fluide dans cette adaptation de Gosselin. Celui-ci joue habilement de plusieurs types de narration, directe, indirecte, par projections, en musique (le spectacle prend en deuxième partie les allures d’un véritable show rock), par la voix des personnages ou de l’auteur lui-même, dont la présence en scène, cigarette au bec et parka sur les épaules, se fait tout en subtilité. La temporalité décloisonnée de la pièce et cette narration aux embranchements multiples nous guident sans à-coup dans la quête de plaisir des humains et leur incapacité à atteindre un bonheur qui perdure.

Pour qui n’a jamais lu Houellebecq ou ne connaît que peu son œuvre, le spectacle demeure néanmoins accessible, bien qu’il faille faire un effort supplémentaire pour ne pas perdre le fil de la réflexion de l’auteur sur le genre humain, et surtout en saisir toutes les nuances. Gosselin a accordé une large place au texte dans sa mise en scène, faisant, particulièrement en première partie, davantage appel à l’esprit curieux et critique du spectateur qu’à ses émotions. Une certaine distance se crée ainsi malheureusement par moments,  surtout en première et en deuxième partie. Une distanciation qui s’érode peu à peu durant la dernière heure, jusqu’à la scène finale, angoissante.


Crédit photo : Simon Gosselin

Répartis dans l’espace vide de la scène, les comédiens investissement les sofas, les fauteuils, les gradins, y grillent une cigarette ou se tendent vers l’avant dans l’écoute d’une scène. Ils ne quittent pas l’espace pendant les 3h40 de la représentation. La distribution réunie pour cette production impressionne par sa constance et sa polyvalence — les comédiens se font aussi danseurs et musiciens. Il se dégage de la troupe dans son ensemble une énergie parfois rageuse, parfois lascive, qui marque fortement les esprits. La qualité du jeu se distingue en deuxième partie, où les comédiens doivent livrer leur texte par-dessus une musique ou un bourdonnement parfois très intense.

Aussi signée par Gosselin, la scénographie ramène d’ailleurs constamment notre attention sur les acteurs en performance, n’appuyant jamais trop sur les effets visuels et sonores. Au contraire, tout stimule notre attention : des éclairages sombres au grand flash de lumière qui éblouit pendant plusieurs secondes, et de la saturation sonore au silence le plus complet, seulement brisé par la voix d’un acteur, par la parole de l’auteur. Les particules élémentaires oscille entre vide et trop-plein, suscitant en même temps chez le spectateur une fascination certaine et un certain écœurement.  Sans non plus abuser du processus, Gosselin a souvent recours aux projections pour souligner le jeu des acteurs ou la force du texte, entre prises d’images en direct et simple projection de lettrages immenses, écarlates, incontournables et qui s’impriment durablement sur la rétine.

La pièce coup de poing se termine sur la vision difficilement supportable d’un futur proche, en 2076, où les néohumains, asexués et immortels, nous invitent sereinement à constater la disparition inévitable et à courte échéance de l’humanité. L’humain a échoué, vive le néohumain!

31-05-2014