Épopée nordique, Windigo résonne comme un cri, vibrant écho des ressacs d’une violence perpétrée sur le peuple amérindien. Une balade post-apocalyptique qui exorcise les démons.
Féroce et viscérale, Windigo résonne en nous comme un cri, vibrant écho d’une longue histoire de saccage humain, de violation de la terre et de la culture. Revenue au pays de sa grand-mère, dans la réserve de Lac Seul, en Ontario, la chorégraphe canadienne d’origine ojibwée et crie Lara Kramer confronte le Nord à la réalité de la guerre larvée qui s’y joue. Épopée nordique aux airs de balade post-apocalyptique, Windigo exorcise les démons, ressacs d’une violence perpétrée à l’encontre du peuple amérindien.
Matelas éventrés au couteau, déchiquetés, chevauchés. Un capharnaüm d’objets réanimés, un souffle de vie dans la mort. Un no man’s land démantelé, où Peter James et Jassem Hindi forment un duo de vagabonds errants, survivants qui cherchent à tuer l’ennui, qui crachent et subliment leur douleur. Cérémonial contemporain, l’œuvre joue de symboles forts, de puissantes métamorphoses et d’émotions vives, semant l’espoir en plein cœur d’une destruction massive.
Chorégraphie, scénographie, conception sonore et costumes Lara Kramer
Collaboration et interprétation Jassem Hindi, Peter James
Crédits supplémentaires et autres informations
Montage sonore Lara Kramer, Marc Meriläinen
Regard extérieur Stefan Petersen, Andrew Tay, Jacob Wren
Lumières Paul Chambers
Rédaction Elsa Pépin
Traduction Neil Kroetsch
Photo Stefan Petersen
Durée 50 minutes
Rencontre avec les artistes après la représentation du 1er juin
Création au Festival TransAmériques, Montréal, le 31 mai 2018
Rhymes for Young Ghouls
12 mai, Cinémathèque québécoise.
Dans la réserve micmac Red Crow, en 1976, un décret du gouvernement oblige tous les enfants amérindiens de moins de 16 ans à intégrer un pensionnat. Aila, 15 ans, vend de la drogue pour payer une taxe qui la tient hors du pensionnat, mais son équilibre précaire est subitement détruit.
Canada, Jeff Barnaby, 2013, 1 h 26 min, V.O. ANG. S.-T. FR.
Un spectacle de Lara Kramer Danse
Coproduction Festival TransAmériques, Fond de création CanDanse, Centre national des Arts (Ottawa), Centre de Création O Vertigo (Montréal), Dancing on the Edge (Vancouver), Usine C (Montréal)
Avec le soutien de Fondation Cole
Résidences techniques Usine C, Centre de Création O Vertigo
Présentation en collaboration avec MAI
Dans le cadre du FTA 2018, la chorégraphe canadienne d’origine ojie-crie Lara Kramer présente sa plus récente création, Windigo, inspirée par la relation des peuples autochtones avec la société coloniale dans la réserve Lac Seul dans la région de Sioux Lookout (à mi-chemin entre Thunder Bay et Winnipeg, en Ontario). Si Native Girl Syndrome (2013) portait plutôt sur les traumatismes intériorisés des femmes autochtones, c’est plutôt ceux des hommes qui sont abordés dans ce nouveau spectacle.
Les danseurs Jasem Hindi et Peter James arrivent à susciter des images très fortes rappelant tour à tour des flâneurs, des mendiants, des enfants ou des hommes possédés par leurs démons. Ils arrivent à transmettre au public le poids des souvenirs que les autochtones reçoivent en héritage. Sur scène, le décor rappelle le dortoir d’un pensionnat amérindien. Deux hommes sont assis sur des matelas. Ils s’ennuient, passent le temps, s’assoupissent un moment ou jouent avec des objets qui sont à leur disposition. Puis, avec un couteau, ils percent les matelas, les éventrent, les déchiquètent. L’un des deux hommes ramasse des vêtements qui traînent sur le sol et s’en sert comme bourrure pour gonfler son matelas. L’autre chevauche le sien comme s’il faisait de la drave sur une rivière. Derrière le calme apparent des deux hommes se cachent une souffrance intime, intense et refoulée, une grande colère et une indignation insoutenable qu’il leur faut exorciser. Ils n’entrent presque jamais en relation, comme pour rappeler que malgré l’expérience commune qu’ils ont subie, les répercussions de leur traumatisme sont vécues dans une grande solitude. Ils errent, blessés, à la recherche d’un baume pour apaiser le mal qui les ronge.
Tout au long du spectacle, Lara Kramer met en relation des objets associés à l’insouciance de l’enfance et des références à la dureté du monde adulte. D’une manière bouleversante, elle détourne les connotations associées à des jouets comme une figurine de faon ou un immense lapin en peluche à ressort qui, enveloppés dans une pellicule de plastique et alignés au-devant de la scène, apparaissent comme des dépouilles d’enfants dans leur linceul.
La violence sourde du peuple autochtone transparait aussi dans la musique. Lara Kramer reste assise sur scène tout au long de la performance pour orchestrer l’ambiance sonore constituée de bruits ambiants (cliquetis, pleurs de bébé, sifflement d’une bouilloire, voix lointaines) et de fragments de témoignages. Cette narration donne d’ailleurs une épaisseur aux situations dénoncées en les rendant encore plus concrètes : une femme parle des suicides et des disparitions de femmes de la communauté, alors qu’à un autre moment, une enfant raconte la légende du windigo, créature destructrice et cannibale moitié humaine, moitié esprit.
Avec une grande pudeur, Windigo résonne comme un cri sourd pour dénoncer une réalité dont on commence tout juste à entendre parler. À cet effet, l’exposition de photos Phantom Stills & Vibrations, présentée au MAI jusqu’au 7 juin, rend hommage aux victimes de l’ancien pensionnat autochtone Pelican Falls, à Sioux Lookout.