Rosépine, 6 ans, est une enfant déterminée. Des tempêtes de plus en plus importantes venant de la mer menacent une fois de plus la récolte de melons de son grand-père. Elle entend des pleurs venant de loin et choisit alors d’entreprendre un voyage pour trouver la source de ceux-ci. Rosépine croisera de nombreux personnages tous plus particuliers les uns que les autres et elle aura besoin de tout son courage et de sa détermination pour atteindre son but.
Avec une écriture qui s’appuie sur la structure du conte, l'auteur Daniel Danis situe l'histoire au Japon, pays insulaire vulnérable aux grands bouleversements environnementaux. Fondé en 1974 à Alma et établi à Saguenay, le Théâtre Les Amis de Chiffon compte 31 productions qui ont fait la joie de plusieurs milliers d'enfants au Québec, au Canada et à l'étranger. Les Amis de Chiffon invite régulièrement des auteurs à jouer le jeu de l’objet inanimé pour offrir des spectacles où la marionnette est au centre de l’écriture et de l’univers scénographique.
Le texte de Rosépine a été sélectionné par l'Association québécoise des critiques de théâtre en 2015 pour le Prix de la critique, catégorie jeune public.
Section vidéo
Scénographie et marionnettes : Christine Plouffe
Accessoires et marionnettes : Audrey Bergeron et Mylène Leboeuf
Chorégraphies : Marie-Josée Paradis
Musique originale et ambiances sonores : Guillaume Thibert
Costumes : Hélène Soucy
Décors : Marcel Mercier
Éclairages : Alexandre Nadeau
Direction technique : Isabeau Côté
Photo : Alexandre Nadeau
Durée environ 55 minutes
Production Théâtre Les Amis de Chiffon
Dates antérieures (entre autres)
Créé en 2014
Du 28 janvier au 15 février 2015, à la Maison Théâtre
critique publiée en 2015 - autre critique disponible
Après un passage fortement remarqué aux Trois jours de Casteliers en mars 2014, la remarquable production Rosépine illumine cette fois-ci la scène de la Maison Théâtre pour le bonheur des petits et grands.
La sympathique compagnie du Saguenay Les Amis de chiffon demeure une habituée des planches de l’institution de la rue Ontario. L’an dernier, elle avait repris l’attachante pièce Une histoire dont le héros est un chameau avec une narration toute en tendresse par la grande chanteuse-comédienne Sylvie Tremblay. Pour Rosépine, le dramaturge québécois Daniel Danis a conçu une fable inspirée du tsunami dévastateur au Japon en 2011 avec, comme figure principale, une merveilleuse héroïne. Celle-ci porte le même nom que le spectacle, est âgée de six ans et vit dans une petite maison. Dans son pays ravagé, elle entend des pleurs en compagnie de son amie, la joliment nommée Nuit, qui prend ici les traits d’un oiseau blanc. La fillette qui a un cœur grand comme l’univers veut réconforter tous les habitants touchés de près ou de loin par la tragédie. Dans sa quête qu’elle amorce avec sa camarade à plumes (cette dernière est installée sur sa tête lors des scènes de vol), elle rencontre un petit chien orphelin, un saule inconsolable, un violoniste qui laisse jaillir des airs tristes sur son instrument, une saisissante tortue qu’elle prend d’abord pour une grosse roche et une vieille dame qui amoncelle les larmes de l’humanité.
Le parcours riche en péripéties et en réflexions se regarde et s’écoute attentivement tout au long des 55 minutes de la représentation. Déjà son titre astucieux et lyrique (l’association d’une élégante fleur ornementale colorée à des aiguilles qui piquent les doigts) laisse présager la place prépondérante aux charmes de la nature tout comme à la préservation de l’environnement. Par ailleurs, le texte s’inscrit parmi les plus brillants et les plus évocateurs écrits par Danis dans la lignée Cendres de cailloux, Terre océane et Le Chant du Dire-Dire, ceux où les mots se dépouillent des artifices du langage pour aller droit à l’essentiel. Tout en charme pour l’oreille (malgré quelques expressions trop appuyées en québécois populaire), la langue par sa qualité et sa richesse linguistique se démarque dans le répertoire consacré au théâtre jeune public (« la douceur accompagne tes pensées », « consoler avec des gestes, il faut être grande pour cela »). Une autre des grandes forces de la création constitue le traitement judicieux des références du « pays du Soleil-Levant » et de la société orientale. Jamais les concepteurs ne tombent dans le piège de l’orientalisme de pacotille ou de cartes postales qui a plombé les réalisations artistiques d’autres metteurs en scène par le passé.
L’ingéniosité de la scénographie de Christine Plouffe frappe l’imaginaire. Par exemple, des tiroirs lumineux sortent à la verticale du plancher pour récréer les différents lieux de l’action. Les longues manches d’un kimono blanc se transforment presque par enchantement en ailes de la grue amie de Rosépine. Le passage fort touchant avec le saule pleureur (l’un des plus remarquables de la représentation) surprend par la métamorphose de l’un des interprètes en arbre et de l’usage inventif des matériaux du spectacle. Presque grande comme une véritable fillette, la marionnette Rosépine nous attendrit avec ses cheveux en bataille, son visage blanc, ses grands yeux interrogateurs, sa moue déterminée, son pantalon et sa veste rouge vif, tout comme son chandail rayé. La marionnette nous donne l’impression que nous avons presque devant les yeux un individu en chair et en os. La mise en scène de Marthe Adam confère ainsi à cet univers multiple une rigueur et une humanité.
Les trois comédiens-manipulateurs Dany Lefrançois, Patrick Simard et Caroline Tremblay épaulent avec sobriété et délicatesse cette poésie simple et engagée, mais jamais avec mièvrerie. Vêtus de larges sugegasas (chapeaux coniques) sur leur tête et de kimonos bleus foncés, ils se déplacent souvent à petits pas et marquent habillement chacune des nombreuses transitions de lieux et de personnages. L’ensemble est bercé par une conception sonore évocatrice de Guillaume Thibert et parfois par une jolie voix féminine.
La compagnie Les Amis de chiffon a réussi une intemporelle et très pertinente Rosépine. Par son équilibre entre des propos écologiques, les initiatives d’une petite fille déterminée et l’inventivité de ses artisans, la production demeure certainement l’une des plus belles expériences du théâtre jeunesse à voir et à ressentir pour nous permettre de croire en un monde meilleur.