Francis est comédien. Voilà qu’aujourd’hui il réalise son vœu le plus cher : présenter son spectacle dédié à Buster Keaton, le petit géant comique du cinéma muet. Mais quelques heures avant la première, il s’effondre. Le spectacle n’aura pas lieu… Francis se réveille à l’hôpital, où l’on cherche à comprendre quel est son mal. Perdu entre le monde réel et celui de ses rêves et de ses hallucinations, il croisera son idole, lui aussi coincé dans cette chambre d'hôpital.
Spectacle onirique teinté de l'esprit de Keaton, Le «K» Buster propose une réflexion sur la fragilité et la force de l'être humain. Projections, marionnettes, danse et jeu physique s'amalgament pour créer ce spectacle en noir et blanc où se rencontrent le corps en explosion et le corps atrophié. Un hommage à «The great stone face», mais également à la résilience de l'être humain.
En 2009, Le «K» Buster a été nommé Meilleur spectacle de la relève par Première Ovation et a obtenu le Prix de la meilleure conception musicale aux Prix d'excellence des arts et de la culture.
La compagnie sera en résidence en mars 2013 pour travailler sur sa prochaine création intitulée Sur un air de jazz acheté dans une station-service de seconde zone. Ce spectacle fait se rencontrer sur scène, entre autres, la photographie, Jean-Claude Van Damme et un sachet de thé. Une initiative qui rassemble des artistes du Québec, de la France, de la Belgique et du Burkina Faso. Une présentation sera offerte gratuitement au public. Information à venir.
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Équipe de création : Julie Lévesque, Josué Beaucage et Raphaël Posadas
Une production 7981 Théâtre
par David Lefebvre
Après deux séries de représentations en 2008 et en 2010 à Premier Acte, la compagnie 7981 Théâtre traverse l'avenue de Salaberry en ce glacial mois de janvier 2013 pour poser ses pénates dans la grande salle du Périscope et y présenter sa première création, Le «K» Buster.
Le «K» Buster, comme son titre l'indique, s'intéresse à l'homme au visage de marbre, au comédien et metteur en scène extraordinaire qu'était Buster Keaton. La petite troupe explore de façon ludique, avec passion et énergie la vie et l'oeuvre de cet artiste du muet de diverses manières. D'abord par une présentation de la jeunesse de Buster, à la façon boulevard, avec un narrateur hors pair, Harry Houdini, et de réjouissantes chorégraphies acrobatiques. Puis, par l'entremise d'une mise en abîme, durant laquelle Francis (Raphaël Posadas), le comédien qui interprète Keaton, s'évanouit sur scène et se retrouve à l'hôpital. Il y rencontre deux singuliers docteurs, Lloyd (inspiré d’Harold Lloyd, connu pour sa célèbre cascade durant laquelle il s'accroche aux aiguilles d’une horloge, dans le film Safety Last! de 1923) et Chaplin (comme dans chapeau melon, canne et moustache), interprétés tous deux par Charles-Étienne Beaulne (excellent), ainsi qu'Anabelle (superbe Danièle Simon), une infirmière qui prendra soin de lui (et qui porte le même nom que la belle du Mécano de la Générale). Pensant être atteint d'un cancer, la maladie qui eut raison de la santé infaillible de son idole, Francis apprend finalement qu'il souffre d'une affection fantôme, qui ravage l'intérieur de son corps, métaphore de l'effet destructeur de toutes les émotions jamais démontrées, réprimées derrière le visage impassible de Keaton et d'une passion dévastatrice entretenue par le jeune comédien pour le maître du burlesque.
Dans un décor monochrome rappelant immédiatement les films du début du XXe siècle, aux annotations tracées à la craie par terre ou sur les accessoires transformables - valises, coffre, boîtes géantes, lit -, aux éclairages soignés, ce «K» Buster charme et dépasse la simple biographie pour embrasser l'hommage au cinéma muet. Malheureusement, le spectacle souffre de certaines lacunes : s'il propose un jeu extrêmement physique (chapeau à Raphaël Posadas, impressionnant et inspiré), s'il reproduit avec succès la naïveté du muet et certaines scènes-clés des films de Keaton (qui font immanquablement sourire ou s'esclaffer) et s'il visite sous divers angles les thèmes de la pièce, il peine à imposer un fil conducteur clair et solide. Le manque de cohésion entre les parties, soit essentiellement l'introduction biographique, les scènes plus ludiques et celles de l’hôpital, rend ardue la compréhension générale de la pièce, les spectateurs n'ayant accès à aucune sinon très peu d’explications précises concernant spécifiquement la mise en abîme. Peut-être faudrait-il davantage d’indices et de dialogues entre les comédiens-personnages lors de la première moitié du spectacle pour que nous puissions mieux saisir les intentions de l’auteur et les différents niveaux de compréhension de la pièce. De plus, les moments dramatiques peinent à s'imposer, à s'imbriquer dans ce spectacle aux accents plutôt burlesques – moments très appréciés de la production. L'utilisation de la marionnette, entre autres lors d’une scène de délire et d'hallucination, est fort à propos, mais se démarque peut-être trop fortement du reste de la représentation ; une présence plus accrue de cette forme d’art, que les comédiens maîtrisent plutôt bien, aurait été bienvenue.
À l’instar des projections de l’époque sur grand écran, où la musique était primordiale pour combler l'absence de dialogue et de son, l'équipe de création a su proposer une trame sonore éloquente, signée Josué Beaucage (du groupe Who Are You), qui accompagne à merveille la mise en scène de Raphaël Posadas.
Malgré certaines imperfections qui minent les fils conducteurs du spectacle, Le «K» Buster est une très sympathique proposition théâtrale aux nombreux clins d'oeil jouissifs, sortant de l'oubli collectif ce créateur extraordinaire que fut le grand Keaton.
par Charlotte Riondel (2008)
Le « K » Buster est la toute première création de la nouvelle troupe « 7981 Théâtre ». La pièce qui nous est présentée a comme point central le célèbre Buster Keaton, l’un des grands rois du cinéma muet. C’est avec légèreté et comique que nous sommes plongés dans l’univers du cinéaste, par l’entremise du personnage de Francis qui nous partage son amour pour celui-ci.
Francis est comédien. Grand admirateur de Buster Keaton, il s’apprête à l’incarner sur scène, lorsqu’il a soudainement un malaise. Il se réveille à l’hôpital, où ni l’infirmière ni les médecins ne savent l’informer clairement sur sa maladie. Le spectateur est alors emporté dans les deux mondes du jeune homme. Celui de sa chambre d’hôpital et des examens médicaux et l’autre, celui de son imaginaire passionné dans lequel il interagit avec son idole.
Avec Le « K » Buster, nous sommes dans un perpétuel aller-retour entre le réel et le poétique. Tout l’univers qui nous est proposé baigne dans le travail de Buster Keaton. La scène ressemble à un plateau de cinéma. Des indications sont annotées au sol et, dès l’entrée en salle, le spectateur peut observer les derniers préparatifs de l’espace et des comédiens, ce qui le rend complice de l’action future puisqu’il se glisse dans les coulisses du spectacle de Francis qui n’aura finalement pas lieu.
Le choix du noir et blanc pour la majorité des accessoires et des décors fait écho à l’esthétique des films muets de l’époque. Le style de jeu se rapproche également, par moments, du jeu que l’on peut retrouver chez Keaton. L’univers sonore fait également partie intégrante de la mise en scène et ajoute du rythme au travail des comédiens. Beaucoup d’humour et de vivacité, un spectacle qui nous est présenté comme un grand tourbillon où l’on passe par différentes approches, comme la danse, la vidéo et la manipulation de marionnettes. Les objets du plateau sont utilisés et réutilisés de façon ludique, pour passer d’un lieu à l’autre, d’une ambiance à une autre.
On sent instantanément l’envie de rendre hommage au cinéaste et l’énergie des trois comédiens reflète avec justesse celle de Buster Keaton. Par contre, on se perd parfois un peu dans les multiples niveaux de jeu qui s’entrecoupent. La multiplicité des personnages et des actions est quelquefois un peu étourdissante et des moments de suspend plus nombreux auraient pu donner encore plus de relief au reste de la pièce qui bouge beaucoup.
La maladie de Francis vient nuancer l’univers burlesque et un peu magique de son monde intérieur. Le choix de mettre en parallèle ces deux aspects de sa personnalité est judicieux et aurait pu être encore plus exploité, même si on arrive tout de même à se laisser toucher par la situation de Francis. Sa maladie grandit encore le besoin absolu de garder en vie son idole, présent à chaque instant de la pièce.
Malgré le fait que l’écriture générale du spectacle aurait parfois pu être clarifiée, Le « K » Buster est une création agréable à regarder et la troupe 7981 Théâtre réussit bien à transmettre au public son amour pour le merveilleux cinéaste que fut Buster Keaton !