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Du 11 février au 1er mars 2014, du jeudi au samedi, 20h, les mardis et mercredis à 19h et le dimanche 16 février à 15h
Electronic City
Salle principale
Texte Falk Richter
Idée originale Jocelyn Pelletier
Traduction Anne Monfort
Mise en scène Jocelyn Pelletier
Avec Jean-Michel Déry, Gabriel Fournier, Laurie-Ève Gagnon, Éliot Laprise, Johanie Lehoux, Jean-René Moisan, Noémie O'Farrell, Alexandrine Warren

Tom marche dans un couloir. Où est-il? Londres? Los Angeles? Montréal? Tokyo? Il ne se souvient de rien. Si seulement il avait ses dossiers, son portable. Il doit retrouver sa chambre et les coordonnées de son prochain vol. Il entend son téléphone sonner. C'est Joy, la femme qu'il aime. Elle est à l'autre bout du monde, en panique. Il voudrait répondre mais n’a pas le temps… Courant entre hôtels et aérogares, Tom et Joy tentent de se retrouver, de se croiser, au moins l'espace de quelques instants. Pour exister un peu dans cet océan de chiffres et de données, où l’humain est condamné à jouer sans relâche le rôle qu’on lui a distribué.

À travers un texte polyphonique haletant, Falk Richter, fort défenseur des droits humains et de la vie privée, dénonce l'aliénation de l'Homme par les lois d'un système économique mondialisé. Dans cet univers labyrinthique, l’humain et l’amour résistent encore. Pour l’instant.


Assistance à la mise en scène Rachel Lapointe
Conception :
Marie-Renée Bourget Harvey
Dominic Thibault
Jeff Labbé
Uberko

Production Théâtre Périscope


Théâtre Périscope
2, rue Crémazie Est
Billetterie : 418-529-2183

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 Critique
Critique

par Francis Bernier


Crédit photo : Stéphane Bourgeois

Une histoire d'amour, surtout à distance, n'est jamais facile. Pourtant, dans un monde où la technologie est omniprésente, la communication ne devrait-elle pas se retrouver justement allégée, voire facilitée? L'accès rapide à l'autre, simplifié par la multitude d'appareils électroniques et de gadgets mise à notre disposition, brouille les cartes et semble nous éloigner davantage les uns des autres plutôt que de nous rapprocher, et ce, tout en nous donnant cette désagréable fausse impression de proximité. Electronic City, de l’auteur allemand Falk Richter, dénonce l'aliénation des relations humaines, soumises constamment au despotisme des technologies. En présentant cette pièce pour la première fois à Québec, le Théâtre Périscope nous permet de découvrir enfin l'univers unique de Richter, que plusieurs considèrent comme le Brecht du XXIe siècle.

Le texte de Richter est riche et habilement exploité par Jocelyn Pelletier qui assure la mise en scène. On raconte principalement la relation de Tom et Joy; lui, homme d'affaires toujours à la course entre deux vols et elle, caissière dans un kiosque à l'aéroport. Autour d'eux gravite une équipe de techniciens de plateaux qui, sous la forme d'un tournage de téléroman, racontent la rencontre de Tom et Joy, sorte de mise en abîme de leurs histoires passées. Les huit comédiens se partagent tous les rôles, ce qui donne une dynamique originale à la pièce, qui prend ainsi une allure déconstruite, ajoutant force et emphase au chaos présent. On ne sait plus qui est Tom ou qui est Joy, mais à quoi bon? Ne sommes-nous pas tous Tom et Joy? La confusion qui s'installe alors peu à peu donne du sens au propos de Richter et amène une expérimentation intéressante en terme d’interprétation. On tombe néanmoins à quelques occasions un peu trop dans le cliché et dans la théâtralité trop évidente. En voulant en mettre plein la vue, on noie le spectateur dans un désordre de technicités et de codes qui ne servent pas toujours à la compréhension, mais qui tendent plutôt à faire dévier l'attention du message primaire de l'oeuvre. Le rythme effréné de la présentation est, quant à lui, quelque peu essoufflant, mais fait tout de même écho à la réalité des personnages et au mode de vie qu'on tente de critiquer. La trame sonore de l'artiste Uberko, particulièrement inspirée, est tout à fait en accord avec l'esprit du texte de Richter, lui donnant de la puissance ainsi qu'une certaine sensibilité. Le jeu particulièrement physique, tout au long de la pièce, ajoute beaucoup à l’ensemble, créant une cacophonie visuelle en parfaite harmonie avec l'ambiance mise en place par le musicien. Le travail des acteurs, exemplaire, ne tombe jamais dans la surdose et chacun y ajoute sa saveur de façon discrète, mais efficace.

On a affaire à une production inspirante et postmoderne qui questionne de façon fort intéressante la technologie et son impact économique dictatoriale dans notre vie. Il semble finalement qu'on ait de plus en plus de mal à communiquer, et ce, même à l'ère des communications.

15-02-2014