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Du 8 au 26 mars 2016, mardi et mercredi 19h, jeudi et vendredi 20h, samedi 16h
S'aimer
Texte et idée originale Thomas Gionet-Lavigne
Mise en scène et support dramaturgique Hugo Lamarre
Avec Thomas Gionet-Lavigne

Après Kerouac et Hitchcock, le Théâtre Hareng Rouge interroge maintenant l'œuvre de l'un des pères fondateurs de la modernité poétique québécoise, Hector de Saint-Denys-Garneau.

À travers une quête obsessionnelle où un homme essaie de comprendre comment et pourquoi Saint-Denys-Garneau est mort (et comment il a vécu, pensé, travaillé, aimé, été), celui-ci affronte le problème qu'il a lui-même avec l'amour. Au-delà du questionnement sur la solitude et le mal de vivre à l'ère des médias sociaux et de l'urbanisation, il s'agit surtout, ici, d'une grande quête de soi, du rapport à l'autre, de l'identité, de l'amour propre, de l'amour qui ronge, qui meurtrit et qui, paradoxalement, donne vie.

Je ne suis pas bien du tout assis sur cette chaise
Et mon pire malaise est un fauteuil où l'on reste
Immanquablement je m'endors et j'y meurs
Mais laissez-moi traverser le torrent sur les roches
Par bonds quitter cette chose pour celle-là
Je trouve l'équilibre impondérable entre les deux
C'est là sans appui que je me repose

Dans une histoire qui prend racine à Québec, S'AIMER est un solo racontant la dérive sentimentale d'un homme s'intéressant au travail d'Hector de Saint-Denys-Garneau. Voyant l'amour comme quelque chose d'impossible, c'est à travers sa quête de la raison et des circonstances de la mort mystérieuse de Saint-Denys Garneau qu'il règle le problème qu'il a et qu'il vit avec l'amour.


Décor et costumes Gabrielle Doucet
Musique Alex Thériault
Images Rémy Barbonne
Régie et éclairages Mathieu C. Bernard
Conception vidéo Keven Dubois
Directrice de production Edwige Morin

Production du Théâtre Hareng Rouge


Théâtre Périscope
2, rue Crémazie Est
Billetterie : 418-529-2183

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Critique

Crédit photo : Lise Breton

Hector de Saint-Denys Garneau est mort à 31 ans dans des circonstances douteuses. Son corps a été retrouvé dans la région de Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier sur le bord de l’eau. Il serait mort d’épuisement suite à une trop longue promenade en canot, lui qui avait un cœur fragile. À l’époque, certains ont cru au suicide, mais malgré les conditions mystérieuses de sa mort, on s’est entendu finalement pour dire qu’il est décédé suite à une crise cardiaque.  L’arrière-petit-fils de François-Xavier Garneau et cousin d’Anne Hébert n’aura publié qu’un seul recueil de poèmes dans sa vie et malgré ce fait, son Regards et Jeux dans l’espace publié en 1937 aura eu un impact très important sur la littérature québécoise, mais uniquement plusieurs années après sa mort; Hector de Saint-Denys Garneau a été le premier auteur québécois à utiliser le vers libre dans ses poèmes (sans rimes ni strophes), une pratique qui fût accueillie plus ou moins positivement à une époque où les seuls référents provenaient presque tous de la littérature classique française.

C’est un texte qui parle, bien sûr, d’Hector de Saint-Denys Garneau que nous présente Thomas Gionet-Lavigne, mais aussi d’amour :  le désir d’aimer, d’être aimé, ce besoin intrinsèque qui peut autant donner goût à la vie que l’enlever. On suit un homme qui cherche à comprendre le pourquoi et le comment de la mort de Saint-Denys Garneau. Un homme que sa copine a quitté, ne laissant derrière elle que le recueil Regards et Jeux dans l’espace dans lequel elle a pris soin de déposer un signet sur lequel elle a laissé un mot à son ancien amoureux : Ce poème-là, c’est toi. J’espère que tu vas comprendre. J’veux pas que tu finisses comme lui pis qu’y soit trop tard. Après avoir tiré à bout de bras le recueil, il n’arrive plus à savoir de quel poème elle voulait lui parler, et ce questionnement devient une véritable obsession pour lui. Il part alors dans une quête sur les origines et l’histoire de Saint-Denys Garneau,  allant à la rencontre des gens qui l’ont connu ou qui peuvent lui en apprendre un peu plus sur sa vie. Peu à peu, il observe des parallèles présents entre sa propre histoire et celle d’Hector de Saint-Denys Garneau, des parallèles qui l’aideront à comprendre le défunt auteur, mais aussi à se comprendre lui-même.


Crédit photo : Lise Breton

Hugo Lamarre signe une mise en scène sobre, mais efficace. Le duo n’en est pas à ses premiers faits d’armes ensemble, eux qui ont aussi collaboré pour les productions Route en 2010, Loin en 2012 et plus récemment Lumières en 2014. La scénographie (Gabrielle Doucet) est constituée de bâtons métalliques sur lesquels sont apposées des ampoules (elles s’allumeront et s’éteindront au gré des découvertes de l’enquête du protagoniste), ainsi que de toiles semi-transparentes sur lesquelles sera projeté le travail actuel du photographe québécois Rémy Barbonne. Des images qui, selon le créateur du spectacle, correspondent étrangement bien à l’univers particulier d’Hector de Saint-Denys Garneau.

Thomas Gionet-Lavigne est le seul acteur sur scène. Il enchaîne les différents personnages, dialoguant avec lui-même pendant l’entièreté du spectacle. Un exercice qui peut s’avérer périlleux, surtout au début de la pièce puisqu’on a du mal à différencier le personnage principal des autres, mais en fin de compte Gionet-Lavigne réajuste son tir et offre un jeu captivant et incarné. Le texte reste la grande force du spectacle. L’auteur sait bien découper son texte de façon à garder l’auditoire en haleine. Il y mélange habilement réalité et fiction et chaque nouveau personnage rencontré  lors du périple du protagoniste représente en quelque sorte la ponctuation des différents chapitres de l’histoire, chacun se terminant par un poème d’Hector de Saint-Denys Garneau.  Et pour  vous, quel est son poème qui lui ressemble le plus?

Thomas Gionet-Lavigne nous parle de l’importance de s’aimer. Aimer les autres, mais surtout s’aimer soi-même avant toute chose. On nous parle d’un poète certes, mais le spectacle en soi est lui-même empreint de poésie, ne serait-ce que dans sa forme.  Thomas Gionet-Lavigne nous raconte l’amour dans tous ses retranchements, avec des mots justes et aux repères universels.

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