1986. Rivé à l'écran, le monde entier assiste au décollage de la navette Challenger. À son bord se trouve la première enseignante à faire le voyage. Dans les écoles des États-Unis, enfants et professeurs sont réunis autour des téléviseurs lorsque 73 secondes après le décollage, la navette explose.
1986, quelque part dans une ville minière désertée du Québec, les derniers habitants se souviennent. De l'effondrement de la mine 11 ans plus tôt. De ceux qu'ils ont perdus. Mais il y a aussi ceux qui restent. Et parmi eux, deux amoureux qui sauront, par leur force commune et leur envie de reconstruire, s'extraire de l'écroulement collectif pour se rebâtir, ailleurs.
Après un an hors de nos murs, le Théâtre Niveau Parking (TNP) revient avec un texte du jeune auteur Maxime Allen (qui a signé, entre autres, les traductions de Effets secondaires, Tombé du ciel et Un certain nombre). Mis en lecture à Impressions d'ici en 2010, Fire Lake, ville minière, 1986 pose une réflexion sur la puissance de l'union.
Assistance à la mise en scène Simon Lemoine
Décor et accessoires Christian Fontaine
Costumes Dominique Giguère
Éclairages Laurent Routhier
Environnement sonore Yves Dubois
Billet acheté en prévente : 22 $
Billet acheté une fois le spectacle en cours : 35 $
*Les taxes et frais de services sont inclus dans nos tarifs.
Production Théâtre Niveau Parking
Pour cette nouvelle production, le Théâtre Niveau Parking nous replace dans les années 80, à l’époque du New Wave, des États-Unis sous la présidence de Ronald Reagan et des envols des navettes spatiales… Une époque de grands changements et d’une jeunesse en pleine effervescence.
Dans un style littéraire conçu expressément pour permettre une mise en scène dynamique et imaginative, Fire Lake, ville minière, 1986 raconte l’histoire d’une petite ville minière du Nord du Québec et de ses habitants, marqués par une grande tragédie survenue en 1975 : l’effondrement de la mine, causant la mort de plus de 200 personnes.
Surélevées sur une plateforme à deux étages, trois femmes en nuisettes sortent tranquillement de l’ombre. Tenant chacune dans leurs mains une petite maison illuminée, une vieille dame, une mère de famille, puis une jeune fille racontent, tour à tour, leur version des événements. La petite Jessica est sous le choc; sa sœur vient de disparaître, enlevée. La jeune mère de Joseph se porte à son secours et tente d’obtenir des réponses… Puis, soudainement, les hommes sont appelés à la mine. Le rythme effréné des répliques entrecoupées, livrées en canon, et les signaux d’alerte retentissants nous font comprendre l’état d’urgence. Nous sommes la nuit de l’effondrement. Après un abandon par sa mère, la disparition de sa sœur et le décès de son père, la jeune Jessica se retrouve seule au monde, tout comme la vieille dame, sans enfant et maintenant sans mari. À travers toute cette désolation, la vieille dame décide de recueillir Jessica et de l’élever comme sa petite-fille.
Onze ans plus tard, en 1986, les enfants sont devenus adolescents. Joseph et Jessica, naïfs et inexpérimentés, vivent leur première histoire d’amour. La mère de Joseph regarde à la télévision la couverture de l’explosion de la navette Challenger, qui comptait parmi ses passagers une jeune enseignante et mère de famille. Avec les événements de Challenger comme trame de fond, cette année marque également l’annonce du gouvernement de mettre fin à l’exploitation minière, ce qui mènera invariablement à la fermeture de leur ville.
Une ville ferme! Alors que le monde entier est tourné vers les États-Unis, personne ne parle de la fermeture de cette petite ville minière et de la détresse de ses habitants. Le parallèle établi entre ces deux tragédies se manifestera, tout au long de la pièce, par des extraits judicieusement choisis du discours du président Reagan, à la suite de l’explosion de la navette Challenger.
Fire Lake… est la rencontre parfaite de deux artistes de talent : un texte intelligent de Maxime Allen, pour une mise en scène brillante de Lorraine Côté.
L’auteur a su créer un texte émouvant et poignant, en trouvant un juste équilibre entre le drame et l’humour. Les brillantes juxtapositions dans le texte situent clairement chacun des personnages face à son combat intérieur, chaque monologue étant naturellement intégré à l’action, coulant à la perfection. La détresse incroyable des personnages, qui s’accrochent, tout au long, les uns aux autres, telles des bouées de sauvetage, donne un résultat de toute beauté.
La force de jeu des comédiens est également à souligner. La grand-mère, interprétée par Paule Savard, donne le ton à la pièce dès les toutes premières minutes. Cette dernière fait preuve d’un niveau de jeu très élevé, toujours juste, avec des touches d’humour toujours bien livrées. Il en est de même pour la comédienne Marie-Pier Lagacé, qui interprète la jeune orpheline Jessica. Le lien puissant entre les deux personnages est magnifiquement interprété par les deux comédiennes, donnant lieu à certains des meilleurs moments.
Entre les montées d’agressivité du jeune Joseph, en constante confrontation avec sa mère et son beau-père, l’impuissance d’une mère (Véronika Makdissi-Warren) face aux comportements problématiques de son fils et les graves problèmes de consommation de ce dernier, chacun des comédiens réussit finalement à émouvoir le spectateur.
Le mal de vivre de Joseph (Vincent Nolin-Bouchard), donne justement lieu à une scène magnifique avec son beau-père. Après avoir trouvé son beau-fils inconscient dans le garage et l’avoir amené d’urgence à l’hôpital, Claude (Serge Bonin) ramène un Joseph très mal en point à la maison. À leur arrivée, ce dernier prend dans ses bras massifs l’adolescent endormi, qui a soudainement l’air aussi fragile et vulnérable qu’un enfant blessé. Arrivé sur le perron, il s’assoit et attend, immobile, jusqu’à ce que la mère de Joseph vienne les rejoindre dehors. Ce dernier raconte alors à sa conjointe toute la détresse ressentie alors qu’il portait le corps inanimé du jeune homme aux urgences, se remémorant les demandes incessantes des infirmières de leur remettre Joseph et de son refus de le laisser aller, de peur de ne plus jamais le revoir... Une scène d’amour très forte qui ne peut laisser personne indifférent.
Malgré des costumes sobres et un décor minimaliste, presque enfantin, présentant notamment une maquette miniature de la ville minière et des sapins en carton, Lorraine Côté signe une mise en scène parsemée de petits détails, qui font de l’ensemble de l’œuvre une véritable réussite.
Qu’il s’agisse de faire retirer des maisons à la maquette du village par l’un des personnages pour représenter l’exode des familles au fil des mois, de faire disparaître sous nos yeux l’église et le cimetière pour matérialiser leur déménagement, de voir la grand-mère aller rejoindre la silhouette de son mari sur l’écran disposé en plein centre de la scène, ou encore, de voir la chaise berçante s’illuminer et se balancer, comme si un fantôme était présent, ces petites attentions ne passent pas inaperçues.
Malgré ces drames trop grands, qui causèrent aux personnages des vides impossibles à combler, Fire Lake… ne laisse pas au spectateur un goût amer. Elle transmet plutôt un fort message d’espoir : « Tu vas t’accrocher à ta vie pis tu vas pas la lâcher! ». Une fin qui laisse entrevoir un avenir meilleur pour des êtres marqués par trop d’horreurs.
Fire Lake, ville minière, 1986, est un véritable petit bijou ; une pièce sortie du champ gauche qui vaut réellement le détour.