En 2010, Olivier Normand et sa famille sont appelés au chevet de la grand-mère, souffrant d’Alzheimer et mourante. Le jour même, il trouve une photo d'elle et de ses amies, à l'aube de la vingtaine. Là se trouve la prémisse du spectacle.
St-Agapit 1920 retrace par fragments les souvenirs, les images, les sensations qui peuplent une vie entière. Que restera-t-il lorsque la fin approchera? Où iront tous les souvenirs lorsque la mémoire flanchera? Mariage entre danse, musique et théâtre,
St-Agapit 1920 touche à l'essentiel, au ressenti et à la matière brute; farine, lait, pommes, objets qui nourrissent le quotidien et qui, au gré du temps qui passe, changent de sens et meublent les souvenirs.
« Le théâtre c'est le seul endroit que je connaisse où on peut parler aux morts. » Olivier Normand, qui a signé, entre autres, la mise en scène du remarqué et remarquable Crépuscule de Flip FabriQue à l'été 2015, débarque au Périscope avec un travail très personnel présenté en 2014 chez nos voisins de Premier Acte.
St-Agapit 1920 réunit sur scène deux danseuses, une comédienne et l'auteur lui-même, au piano. Inspiré de cette photo de sa grand-mère prise en 1920, Olivier Normand propose une réflexion sur le temps qui fuit, sur le temps insaisissable, sur ce que nous laissons derrière et sur ce qui nous attend. Le spectacle, tordu et morcelé comme l'est la mémoire, aborde toutes ces questions avec puissance et délicatesse.
Scénographie, costumes et accessoires : Érica Schmitz
Éclairages Caroline Ross
Conception sonore : Mathieu Campagna
Musique originale : Mathieu Campagna, Olivier Normand, Franz Liszt
Billet acheté en prévente : 22 $
Billet acheté une fois le spectacle en cours : 35 $
*Les taxes et frais de services sont inclus dans nos tarifs.
Production Les instants suspendus
Dates antérieures (entre autres)
Du 27 janvier au 7 février 2015, Premier Acte
critique publiée en 2015
C'est une œuvre très personnelle que présente Olivier Normand à Premier Acte avec sa pièce St-Agapit 1920. Un spectacle sur la fatalité et l'implacabilité du temps qui passe, mais surtout, un spectacle inspiré par sa grand-mère agapitoise, Jeanne D'Arc Normand, morte il y a quelques années, emportée par la maladie d'Alzheimer.
Après avoir retrouvé plusieurs photos d'elle à 22 ans, Olivier Normand s'est demandé comment les choses avaient pu aller si vite ; comment cette jeune femme fringante qu'il avait découverte sur ces anciennes photos avait pu devenir celle qui maintenant était devant lui, fragile et à ses derniers souffles. Comme le théâtre est l'un des seuls endroits où l'on peut parler aux morts, l'idée d'un spectacle lui est venue. Un spectacle dans lequel il s'adresserait à la jeune Jeanne D'Arc des photos. « J'avais envie de lui dire, tu ne le sais pas encore, mais tout est déjà fini ».
On a affaire ici à une oeuvre entre le théâtre et la danse. Il faut dire qu’au cours des dernières années, Olivier Normand s'est fait connaître avant tout pour son travail de mise en scène pour Flip FabriQue, une compagnie de cirque du Québec. L'apport de la danse et d'éléments circassiens à son nouveau projet était donc tout à fait naturel pour celui qu'on a aussi récemment pu voir jouer dans la pièce Coeur de Robert Lepage.
Les danseuses Ariane Voineau et Mélanie Therrien, ainsi que la comédienne Claudiane Ruelland offrent toutes trois une performance remarquable. À noter celle de Mélanie Therrien dans le rôle de Jeanne D'Arc Normand qui arrive à insuffler fragilité et force à son personnage d'une manière brillamment dosée. Cependant, malgré l'excellence des interprètes, la compréhension de certains éléments de la pièce se fait assez difficilement, les tableaux s'enchaînant de façon quelque peu décousue, laissant le spectateur face à lui-même, mystifié par des symboliques à la limite du tangible. Au final, on se retrouve devant un lot de propositions et d'images originales, mais sans réel moyen de les comprendre dans leur entièreté. Le mystère plane encore lors de la tombée des rideaux sur certains éléments de la narration, et ce, malgré le fait que certaines clés de compréhension aient été divulguées dans un prologue, lors de la lecture d'une lettre d'Olivier Normand à sa grand-mère.
La mise en scène reste quant à elle le point fort du spectacle. À travers divers codes et images, Normand parvient à nous faire voyager avec peu de moyens. Le moment, entre autres, durant lequel les comédiennes/danseuses marchent en équilibre sur des pots de verre est touchant et fort de sens. Un autre épisode marquant est la scène où les comédiennes dansent en s'éclairant uniquement avec des allumettes sur une scène complètement sombre, laissant partiellement apercevoir l'action; une belle idée du jeune metteur en scène. Certaines scènes auraient par contre mérité un certain allègement. Celle où l'on peut voir Claudiane Ruelland et Ariane Voineau dépouiller et dépecer un lapin pour le cuisiner s'est avérée douloureusement longue. Il faut dire que ces dernières ont eu quelques difficultés techniques à bien nettoyer l'animal. Un moment lourd et légèrement tape-à-l'oeil qui, sans vouloir faire de mauvais jeu de mots, manquait de chair autour de l'os.
St-Agapit 1920 est une incursion dans les souvenirs de Jeanne-D'Arc Normand. Un spectacle sur l'évanescence de la vie qui nous transporte au cœur d'un imaginaire troublant frôlant la démence.