Aujourd’hui, en Angleterre. Les élections sont déclenchées.
Au sein de l’opposition officielle, les troupes sont joyeuses, confiantes. La guerre électorale bat son plein.
Puis, il y a l’entrevue télévisée avec Linus Frank.
Autour du dérapage de George, toute l’organisation entre dans un état de crise chaotique : les désaccords éclatent et poussent chacun à créer des clans, à se salir les mains ou à tenter de résister. Surtout, à tenter de survivre à l’effondrement de sa démocratie rêvée.
Dans L’Absence de guerre, la situation politique est étonnamment semblable à la nôtre : une crise économique plane, les Conservateurs sont au pouvoir et le système parlementaire est pour ainsi dire le même.
Ailleurs, des populations sont prêtes à mourir pour l’obtention de la démocratie (pensons au Moyen-Orient), tandis qu’ici, nous hésitons à y jouer un rôle et, surtout, oublions que nos plus grands combats pour vivre dans une société basée sur la justice et l’équité ont eu lieu. Aujourd’hui, nous devons admettre que notre machine démocratique s’est sclérosée au point que la vérité n’arrive plus à transparaître. Ces tares de notre système sont dénoncées dans L’Absence de guerre : l’impossibilité politique de la spontanéité, de la vérité franche, de la passion. Pour les personnages comme pour nous, la question se pose : comment survivre à l’effondrement tranquille de notre démocratie rêvée?
Ce spectacle sera/est une révolte.
Assistance à la mise en scène : Caroline Boucher-Boudreau
Éclairages : Jean-François Labbé
Scénographie: Gabrielle Arseneault
Conception de l'environnement sonore: Mathieu Campagna
Cartes Prem1ères
Date Premières : 11-12-18-19-25-26 novembre 2011
Régulier : 26$
Carte premières : 13$
Une production Les Écornifleuses
par Gabrielle Brassard
Plus ça change, plus c’est pareil, pourrait-on tirer comme conclusion de L’Absence de guerre, présentée au théâtre Premier Acte jusqu’au 26 novembre prochain. Surtout en politique, la trame principale de la pièce.
Ce monde d’hommes et de femmes qui prennent nos décisions de société, L’Absence de guerre nous y plonge littéralement, en nous y intégrant à part entière. Première scène : cérémonie du jour du Souvenir, à laquelle nous sommes conviés, en nous levant et en observant une minute de silence. Un personnage, comme plusieurs autres, se tient dans l’allée, entre les sièges, à côté des spectateurs. Il confie à l’un d’eux qu’il aime bien ce moment de recueillement. Mais ce silence est loin d’être à l’image du reste de cet objet théâtral inusité.
Dès passé cette accalmie du début, nous voilà plongés en plein cœur de Londres, dans les bureaux du Parti travailliste. À sa tête, un député, qui répond au nom de Georges (excellent Normand Bisonnette), autour duquel se démène toute son équipe. Tout y passe : les caucus avant l’entrée en chambre, la gestion de crise, la préparation de conférence de presse. Les réunions tard le soir, les réflexions sur le fonctionnement du Parlement, les stratégies de relations publiques, les frictions de bureau, une entrevue télévisée catastrophique (jouée avec brio par Jean-René Moisan, en journaliste insistant), les victoires, les défaites, bref, le monde politique comme si nous étions dans les coulisses de l’Assemblée nationale. La situation politique reste d’actualité ; des élections déclenchées précipitamment, sur toile de fond d’une crise économique, avec les conservateurs en tête…
L’histoire de L’Absence de guerre est bien ficelée ; les personnages sont authentiques - certains sont plus naturels que d’autres - et réalistes, et l’évolution du parti, à travers ses crises et ses minces moments de gloire, est intéressante à observer. Certaines longueurs cependant : quelques scènes de réunion auraient pu être coupées, ainsi que les nombreux allers-retours de tous les personnages pour montrer l’action incessante des bureaux d’un parti ; on comprend assez vite la dynamique. La mise en scène est axée sur la chorégraphie des acteurs : les décors sont simples, mais évocateurs du milieu politique. Des bureaux, un lutrin pour les discours, parfois des sofas, une table à café. Il faut s’atteler pour les bonnes deux heures quarante (avec entracte pause-café) que dure la pièce, constamment dans le mouvement et la réflexion intellectuelle.
Mais voilà l’une des forces cette œuvre, écrite par le Britannique David Hare : en plus d’une certaine intemporalité, et d’une similitude désarmante de la situation politique actuelle, même dans le contexte anglais, L’Absence de guerre nous porte à la réflexion des mécanismes politiques de nos sociétés, de cet univers parallèle qui se bat tous les jours pour nous convaincre de voter. Ce spectacle fait du bien à la tête, et malgré un certain aspect qui semble un peu brouillon parfois, le contenu en vaut le détour, et les acteurs, nombreux, sont d’une coordination admirable.