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Du 23 octobre au 10 novembre 2012
ViandeViande
Texte et mise en scène Maxime Robin 
Avec Jean-Michel Déry, Pier-Olivier Grondin et Noémie O'Farrell

LUI – J’te trouve spéciale.

ELLE – Tu m’niaises.

LUI – J’te jure!

ELLE – Mange ton ragoût.

LUI – Chus sérieux!

ELLE – Tu m’connais pas!

LUI – Peut-être pas, mais tu m’donnes du ragoût, pis j’trouve
ça spécial.

ELLE – C’est même pas moi qui l’a faite. C’est ma mère, parce que chus trop maigre.

LUI – J’te trouve pas trop maigre. J’te trouve fucking belle.
T’es sûrement une des plus… la plus belle fille que j’ai vue de ma vie. 

Un temps.

ELLE – Chus pas juste belle.

Deux inconnus rencontrés dans un bar passent la nuit ensemble. 

Comme un chat et une souris, naviguant habilement entre vérité et mensonge, ils apprennent à s’apprivoiser. Entre le sexe, la bouffe et la violence, les amants s’ouvrent. 

Mais le piège, lui, se referme.


Section vidéo
une vidéo disponible


Conception visuelle et effets spéciaux David Pleau

Une production La Vierge folle 


Premier Acte.
870, de Salaberry
Billetterie : Réseau Billetech 418-694-9656

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Dates antérieures

en chantier lors du Carrefour 2012

 
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 Critique
Critique

par Odré Simard


Crédit photo : Gabriel Talbot-Lachance

En juin dernier, la troupe La Vierge Folle nous avait offert une version écourtée de Viande, sa plus récente création, lors des Chantiers du Carrefour international de théâtre. Écrite et dirigée par Maxime Robin, la pièce est inspirée d'un événement survenu à sa complice Noémie O'Farell, actrice principale de cette création. La prémisse de leur démarche était de s'interroger et si possible d'amener l'horreur sur les planches, à l'image de ce qui se fait au cinéma. Une jeune femme ramène chez elle un homme croisé dans un bar, aucun nom, aucune information factuelle d'échangés qui pourrait les engager dans une véritable rencontre. Il y a bien la rencontre sensuelle et violente de la chair répondant à ses instincts primaux, mais en réalité, les deux âmes esseulées s'effleurent, s'esquivent, se refusent. On se cache pour mieux se préserver, puis un retournement de situation que nul n'aurait pu prévoir survient. Une troisième personne se mêle à l'histoire et brouille davantage les rôles que nous tentions d'attribuer aux personnages. Qui est la victime, le bourreau et le sauveur? Possèdent-ils chacun de ses aspects dépendant du point de vue?

Viande transpose sur scène un triangle relationnel où se tissent aussi bien vérité et mensonges. À travers les dialogues sinueux, l'intégration de rappels du conte du Petit Chaperon rouge prend toute sa pertinence. Le loup se terre en chacun d'eux, prêt à dévorer la chair fraîche qui s'offre à lui. La chair chaude et vivante de la séduction, mais aussi la chair morte que l'on doit ingérer pour continuer d'exister. La jeune femme semble n'avoir aucune sortie de secours dans ce monde où elle ne peut conjuguer le regard des autres au besoin de se nourrir qui est pour elle un véritable problème. Entre sexe et bouffe, son rapport au corps s'en retrouve complètement biaisé, torturé.

Le texte de la pièce est très bien fignolé, solide, crédible, étonnant et émouvant. Le jeu est le grand élément réussi, les trois interprètes (Noémie O'Farell, Pier-Olivier Grondin et Jean-Michel Déry) s'en tirent admirablement bien. Seul petit bémol pour le personnage de Noémie, même si dans la première partie elle ne se montre qu'à demi et glisse dans les apparences, le revirement conduit vers un changement de jeu peut-être légèrement trop drastique. En fond de scène, le décor, constitué de dizaines de planches de bois noires disposées à la verticale rappelant une forêt sombre, est un peu trop oppressant, mais il apporte tout de même une ambiance intéressante qui nous éloigne du réalisme. Quant à elle, l'intégration vidéo est très ingénieuse, car le dessus de l'ilot de la cuisine est projeté sur le frigidaire, venant renforcer cette corrélation entre la chair dévorée au sens figuré ainsi qu'au sens propre.

La première partie, dense et fonctionnant très bien, aurait gagné à être développée davantage. Au niveau psychologique, pour que l'horreur prenne place, il aurait été encore plus efficace d'approfondir les relations que la femme entretient avec les deux hommes afin que la deuxième partie frappe encore plus fort. Tout se déroule très vite et l'horreur tient surtout dans les effets spéciaux que les créateurs ont imaginés ; le soir où j'ai vu le spectacle, ils ont été quelque peu dissouts par un élément technique qui n'a pas fonctionné et qui a dévoilé la supercherie.

La recherche effectuée pour le processus lui-même et le résultat sont à saluer grandement, Viande réussit à brouiller les pistes et à nous faire vivre une tension palpable. Mais pour la question de l'horreur, il serait peut-être plus sage de miser sur celle plus psychologique que visuelle, qui tient sur des éléments techniques difficiles à accepter au théâtre et dont les facteurs de risque d’un mauvais fonctionnement demeurent élevés.

26-10-2012