Coronado. En toile de fond : une ville, l’emblème d’un endroit où on ira, un jour.
Un endroit qui se dessine comme une ligne d’arrivée, toujours trop loin. Inexistante pour certains. Une petite ville pourrie des États-Unis et un bar aux abords d’un parc d’attractions. Un bar anonyme visité à différents moments et un meurtre qui changera tout. Par un récit bien ficelé, divisé en courts tableaux, nous suivons la vie de ces protagonistes qui semblaient, au départ, avoir des destins bien séparés. Du même auteur que Mystic River, Gone baby, Gone et Shutter Island.
Décors et costumes : Karine Mecteau-Bouchard
Une production Des miettes dans la caboche
par Geneviève Décarie
Puissante et saisissante, la mise en scène d’Olivier Lépine nous laisse le souffle coupé. Les histoires semblent à priori être désintéressées les unes des autres, mais rapidement on comprend ce qui les unit. La pièce commence par une scène où les personnages, la musique et les éclairages sont chorégraphiés au quart de tour. Les personnages apparaissent et disparaissent les uns après les autres dans ce qui semble être des fragments de leur histoire. Plusieurs revirements de situations se succèdent dans Coronado, on reconnaît rapidement le style et l’ambiance cinématographique de Dennis Lehane, mais Olivier Lépine réussit à donner la dose de théâtralité nécessaire au texte pour suspendre le spectateur aux lèvres des personnages.
Comme trame de fond, un vieux bar miteux d’un bled pourrit des États-Unis où chaque personnage rêve d’une ville, Coronado, où on voudrait aller, une ville qui est l’emblème de la prospérité. Dans ce bar, on y trouve une jeune femme, son mari, son amant (Joëlle Bourdon, Jack Robitaille, Guillaume Pelletier), une femme et son thérapeute (Sophie Dion, Jean-Pierre Cloutier) et finalement un père sinistre (Nicolas Létourneau) et son fils qui tente d’obtenir des réponses sur son passé (Charles-Étienne Beaulne). Les trois histoires se déroulent devant nos yeux, s’entrecroisent, s’éloignent les unes des autres pour finalement donner un fil conducteur intrigant donnant envie d’en savoir toujours davantage. Tout au long de l’histoire, une jeune fille muette et maculée de boue (Danielle Le Saux-Farmer) se tient à l’arrière. On comprendra son utilité seulement vers la fin de la pièce.
Le jeu des acteurs est juste et touchant, même si, parfois, la traduction du texte donne des moments un peu trop littéraire, un peu trop appuyé. Chaque acteur tire son épingle du jeu ; tous rayonnent dans leur personnage. À les regarder jouer, on est persuadé qu’ils s’amusent follement à interpréter ces personnages sordides et pourtant attachants.
Coronado n’est cependant pas une pièce conventionnelle. Oui, les spectateurs pourront certainement associer certains personnages ou certaines situations à leur vie personnelle, mais au bout du compte la pièce s’apparente davantage à un film américain de 1 h 30. On a réellement l’impression qu’on écoute un film, mais que l’écran qui nous séparait des personnages est tombé. Le décor, bien que minimaliste avec son bois, sa terre et ses chaises se transforment au fil des histoires. Les chorégraphies, la musique et la trame narrative amènent le spectateur à imaginer chaque endroit, chaque pièce comme s’il y était.
Cette nouvelle mise en scène d’Olivier Lépine nous démontre qu’il peut être polyvalent et offrir des pièces qui touchent un grand public. La pièce nous fait passer un bon moment sans nécessairement tenter de remettre en question les bases de notre société. Bref, un bon moment pour n’importe qui hésitant entre une soirée au cinéma ou une soirée au théâtre… Coronado est le meilleur des deux mondes.